Grandes cultures 10 mai 2023

Interdiction des engrais russes : les producteurs de grains craignent les répercussions

Les producteurs de grains du Québec craignent de payer chèrement la décision d’Ottawa d’interdire l’importation d’engrais azoté provenant de la Russie et de la Biélorussie.

« Le Canada est le seul pays du G7 qui a décidé d’imposer des tarifs douaniers et de rendre inaccessibles les produits russes », déplore Benoit Legault, directeur général des Producteurs de grains du Québec, en rappelant la hausse des prix sur tous les intrants qui affecte l’agriculture.

« Si les importateurs s’approvisionnaient en Russie, c’est sûrement pour des raisons de prix, de qualité et de transport. Quelles seront les répercussions d’une décision qui écarte maintenant un joueur important du marché mondial? » s’interroge M. Legault.

Du même souffle, le directeur général affirme que les États-Unis ont profité l’automne dernier de la situation pour acheter à bas prix de forts volumes d’engrais russe invendu.

M. Legault rappelle aussi que, en juin dernier, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) des Nations Unies a encouragé les pays à ne mettre en place aucune mesure qui pourrait nuire à la productivité de l’agriculture à travers le monde. La FAO veut ainsi éviter que le conflit en Ukraine provoque des effets néfastes ailleurs sur la planète, surtout dans les pays pauvres. 

Enfin, M. Legault reconnaît qu’Ottawa a réinvesti les 34,1 M$ récoltés par l’imposition de tarifs douaniers dans le Fonds d’action pour le climat à la ferme. Il déplore néanmoins que cet argent n’ait pas été directement retourné aux producteurs. 

C’est pour nous une aberration de lier les tarifs douaniers à des programmes agroenvironnementaux que le fédéral doit financer par ses propres moyens. Il se sert de l’argent de producteurs pour le remettre à d’autres producteurs.

Benoit Legault

Prix stable 

Les coûts de l’engrais azoté sont revenus aux prix de l’été 2021, indique Simon Baillargeon, vice-président chez Sollio Agriculture, le plus gros fournisseur de fertilisants au Québec, en Ontario et dans les provinces maritimes. 

« Nous avons eu le temps de négocier, l’été dernier, avec d’autres fournisseurs internationaux. Les prix de l’urée étaient à la baisse vers la fin de l’année, alors que ceux de la potasse et du phosphate sont relativement stables », souligne-t-il.

Rappelons que, devant la décision d’Ottawa de maintenir les barrières tarifaires, Sollio Agriculture s’approvisionne désormais dans les pays arabes pour les engrais azotés et en Afrique du Nord pour le phosphate. Une partie de ce dernier engrais proviendra aussi du Mexique.

Selon Simon Baillargeon, les sanctions canadiennes qui écartent la Russie du marché des engrais ne placent pas nécessairement le Proche-Orient dans une position prédominante. « Le marché s’est rapidement rééquilibré. La Russie a trouvé d’autres acheteurs, qui s’approvisionnaient auparavant dans les pays arabes. »

Ottawa persiste 

Le gouvernement fédéral, pour sa part, reconnaît que le Canada est le seul pays du G7 à imposer des barrières tarifaires envers la Russie. Il prévoit néanmoins les maintenir jusqu’à nouvel ordre, en guise de solidarité envers l’Ukraine.

L’argent récolté par ces tarifs en 2022 n’a pas été remis directement aux producteurs, reconnaît le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. Cette décision a été prise devant les différentes méthodes de facturation des distributeurs. 

L’injection de l’argent dans des programmes d’aide financière et de bonnes pratiques environnementales a été décidée de concert avec les fédérations d’agriculteurs de l’Est du Canada, affirme aussi le ministère.