Actualités 22 septembre 2020

Nourrir le changement et l’agriculture de demain

Dans les salles de classe ou dans les champs de l’Institut national d’agriculture biologique (INAB) du Cégep de Victoriaville, nous entendons souvent : « Nous, les jeunes, on ne veut pas seulement faire du cash, on veut donner un sens à nos vies. Et produire de la nourriture de qualité y contribue. »

Les représentants de cette relève proviennent de toutes les régions du Québec, essentiellement de milieux urbains. Ils ont fait leurs études en droit, en littérature, en informatique, en psychologie… Ils sont musiciens, philosophes, poètes et, surtout, porteurs de grands rêves pour demain.

Bref, ils arrivent avec un bagage et une expérience de vie fort loin du parcours agricole traditionnel. Ils portent avec eux cet engouement pour des modes de production plus écologiques (biologique, biodynamique, agroécologique, permaculturel, etc.), qui coïncide avec l’intérêt croissant des consommateurs pour une alimentation saine plus locale et respectueuse de l’environnement. Leur production se veut de plus en plus diversifiée. Ils développent de nouvelles cultures, de nouvelles méthodes, de nouveaux horizons.

Plus de femmes et de nouveaux modes d’établissement

La participation des femmes augmente. Selon les données de la Fédération de la relève agricole du Québec, celles-ci s’intéressent notamment à la production animale non traditionnelle comme les élevages ovins, équins, caprins, apicoles et aquacoles. Leur forte représentation dans le secteur agricole transforme le métier et l’ensemble des valeurs portées par la relève.

Les modes d’établissement éclatent. Plusieurs se tournent vers des formes juridiques collectives ou s’établissent avec des partenaires : coopératives, coexploitations, incubateurs d’entreprises agricoles, mentorats, locations de terre avec option d’achat. Les projets d’agriculture urbaine se multiplient.

Ces diversifications répondent aux enjeux actuels : accès aux terres, changements climatiques, protection des sols et des cours d’eau, préservation de la biodiversité, dynamisation des territoires, gestion des surplus et des déchets, etc.

Appel aux instances institutionnelles

L’alimentation est un enjeu qui traverse toute la société. Ainsi, bien au-delà d’une transformation sectorielle, cette relève instaure des tendances sociales novatrices. Elle nourrit le changement, elle crée maintenant le monde de demain. Et pour se réinventer comme société, il faudra lui offrir des conditions favorables et trouver les outils adéquats, politiques et organisationnels, pour l’appuyer et l’accompagner dans ses projets de vie agricoles.

Force est donc de constater que certains ajustements institutionnels sont désormais nécessaires pour soutenir l’établissement de cette relève. Les terres agricoles sont sujettes à la spéculation et sont onéreuses. Parallèlement, plusieurs terres sont en friche et pourraient être revitalisées et disponibles par la mise en place d’un fonds de gestion des terres agricoles. Le transfert de ferme à une relève non apparentée présente aussi de nombreux défis. Les portes d’entrée pour le démarrage de projets agricoles sont multiples (MAPAQ, L’ARTERRE, institutions financières, Emploi-Québec, etc.). Il n’y a pas de parcours classique et les modalités d’accueil sont très variables d’une région à l’autre. Il y a encore trop peu d’affiliations entre les ministères, les municipalités, les producteurs et la relève.

L’avenir de notre système agricole repose sur la cohésion de tous les acteurs – les citoyens, les communautés, les territoires et les porteurs actuels de cette agriculture de demain – et sur l’organisation de politiques durables à travers l’expérimentation, l’innovation et la quête d’un sens commun. 

Sylvie Courchesne, assistante chargée de projet au Centre d’innovation sociale en agriculture du Cégep de Victoriaville
Philippe Franck-Imbeault, enseignant à l’INAB et chercheur au Centre d’innovation sociale en agriculture