Actualités 23 juillet 2019

Le phosphate des eaux usées utilisé pour produire de l’engrais

La professeure adjointe en génie des matériaux à l’Université McGill, Sydney Omelon, teste actuellement à petite échelle un procédé chimique qui permet de récupérer le phosphate contenu dans les résidus biosolides municipaux, dans le but d’en faire de l’engrais.

L’usine de traitement des eaux d’Ottawa, qui traite 390 millions de litres par jour, pourrait facilement alimenter un laboratoire industriel au quotidien. « Quand on m’a donné mon échantillon, on m’a dit : “C’est votre quota pour le mois” », raconte en riant Sidney Omalon, de retour d’une expédition pour récupérer des résidus d’eaux usées de la station d’épuration d’Ottawa. Mais l’équipe de la professeure n’a besoin que de quelques litres pour ses expériences.

Ces matières résiduelles, issues d’un processus de biodégradation des produits azotés contenus dans les eaux usées, renferment du phosphate de fer. Or, explique la spécialiste en génie chimique et en matériaux, cet élément ne peut pas servir d’engrais, car il s’agit d’une matière qui n’est pas soluble. Encore expérimental, le procédé développé par son équipe consiste à séparer les molécules de phosphore de celles de fer et de les recombiner avec des molécules plus solubles de calcium et de carbonate à l’aide d’une solution d’eau de calcaire et de CO2.

Une mine d’or dans les eaux usées?

Le paradoxe du phosphate, explique Sidney Omelon, est qu’il est à la fois « un polluant et une ressource », selon le point de vue. Pour les municipalités, il s’agit d’un polluant qu’il faut retirer des eaux usées, alors que pour les agriculteurs, c’est un engrais précieux. La scientifique entrevoit donc un potentiel « d’économie circulaire » dans le recyclage en engrais du phosphate contenu dans les biosolides municipaux.

Le défi est d’accroître la capacité de traitement de ces derniers dans le laboratoire de McGill. La professeure travaille actuellement à passer… de 50 ml à 2 litres. « En génie, chaque fois qu’on augmente l’échelle, tout peut changer », indique Sidney Omelon, qui dit toutefois avoir bon espoir que le procédé fonctionnera un jour à plus grande échelle et qu’il permettra de produire des engrais à coût abordable.

La valeur du minerai de phosphate est relativement stable présentement, mais comme il s’agit d’une ressource non renouvelable, « les prix ne vont aller qu’en augmentant à l’avenir », assure Sidney Omelon, qui rappelle par ailleurs que le Canada dépend des importations pour son approvisionnement en engrais de phosphate. 

De l’engrais dans nos égouts

La recherche effectuée par l’Université McGill répond à un objectif de sécurité alimentaire à long terme en développant une potentielle source renouvelable d’approvisionnement en phosphate local à partir de la matière recueillie dans les eaux usées des égoûts.

Simon Van Vliet, Agence Science-Presse