Actualités 28 novembre 2017

L’authenticité de nos fromages sous la loupe des chercheurs

Il vous est peut-être déjà arrivé d’apporter à une soirée un fromage du terroir québécois que vous aviez envie de faire découvrir à vos amis pour finalement réaliser que son goût avait changé. Il s’agit d’un problème de variation dans le produit qui survient fréquemment en fromagerie.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer des différences dans la qualité d’un fromage, que ce soit en raison de la composition physico-chimique ou microbiologique du lait utilisé, de l’environnement de la fromagerie ou des procédés de transformation employés. Il est ainsi possible d’observer un changement de texture, de couleur, d’odeur ou encore de goût. Heureusement, les maîtres-fromagers, dont le savoir-faire est unique, sont le plus souvent en mesure de tirer parti de ces variations lors de la production de leurs fromages.

Microflore naturelle

La microflore naturelle présente dans la cave d’affinage est l’un des facteurs prédominants de la typicité des fromages, mais est très difficile à contrôler. En ce qui concerne les fromages fins, cette microflore est composée de bactéries, de levures et même de moisissures, et s’additionne aux ferments utilisés par le fromager. Par leur métabolisme, ces microorganismes emploient les nutriments disponibles dans la matrice fromagère et libèrent de nouveaux produits et composés aromatiques.

Dans certains fromages, on recense plus de 1 000 espèces différentes de microorganismes, ce qui rend les changements difficiles à prévoir pour les chercheurs.

Distinguer les espèces présentes

Or, une meilleure identification des espèces impliquées et de leurs activités permettrait de mieux comprendre le processus d’affinage. Cela suppose de distinguer les espèces présentes dans les fromages pour en déterminer l’importance (utile ou nuisible) et d’évaluer leur influence sur les paramètres de fabrication fromagère.

Les récents développements de la recherche en génomique pourraient donner la possibilité de jeter un regard nouveau sur cette microflore susceptible de contenir plusieurs centaines d’espèces. Le principe consiste à analyser l’ensemble de l’ADN qui se trouve dans les fromages et de faire le lien avec l’activité de chacune des espèces. On peut ainsi identifier celles qui sont présentes et établir leurs fonctions. En répertoriant les microorganismes, on peut également les associer avec la typicité de certains fromages. Ce travail est en cours dans nos laboratoires et aura pour but de déterminer le profil de la microflore d’une vingtaine de fromages fermiers du Québec.

Cette caractérisation génétique nous permet d’obtenir une meilleure connaissance de l’écosystème fromager et ainsi de mieux le contrôler. Combinées au savoir-faire des maîtres-fromagers, ces connaissances donneront la possibilité d’offrir des fromages de haute qualité, et ce, de façon plus constante. Ainsi, lors de votre prochaine soirée entre amis, vous pourrez continuer de les épater avec un délicieux fromage d’ici. 

Des changements difficiles à prévoir

Les changements qui se produisent dans les fromages sont difficiles à prévoir, en grande partie parce que nous ne connaissons que très peu les microorganismes qui s’y trouvent. Jusqu’à tout récemment, les outils traditionnels de microbiologie ne nous donnaient qu’un portrait partiel de leur contribution.

Annick Raymond-Fleury, candidate à la maîtrise en sciences des aliments
Steve Labrie, professeur titulaire au Département des sciences des aliments