Bio 20 juin 2022

La face cachée de la conserve

La mise en conserve, qu’on appelle également appertisation, offre plusieurs avantages tels qu’une très longue durée de conservation. Cependant, un manque de rigueur dans l’application des procédés pourrait s’avérer fatal.

L’appertisation a vu le jour en 1795, soit 60 ans avant que Louis Pasteur ne parle de pasteurisation. Son inventeur, Nicolas Appert (1749-1841), a été le premier à mettre au point une méthode de conservation des aliments par la chaleur. En effet, l’appertisation consiste à faire subir un traitement thermique suffisamment intense à un aliment pour assurer sa conservation à la température ambiante. Ce traitement a pour but de détruire les microorganismes susceptibles d’altérer le produit ou de le rendre impropre à la consommation.

L’appertisation se fait à des températures supérieures à 100 °C, comparativement à la pasteurisation qui, habituellement, n’atteint pas cette température. Comme l’eau bout à 100 °C, le procédé se réalise en mode vapeur, et ce, dans un autoclave. Ce procédé permet d’obtenir une stérilité « commerciale », ce qui est différent de la stérilité « médicale ». Effectivement, si on souhaitait obtenir une stérilité absolue de l’aliment, les caractéristiques organoleptiques en seraient grandement affectées.

La mise en conserve permet à un aliment de se conserver toute une vie. Alors, quel est le problème avec la mise en conserve? Un redoutable organisme appelé Clostridium botulinum.

Une dangereuse bactérie

C. botulinum est une bactérie toxinogène qui vit sans oxygène. La conserve étant hermétique, elle s’avère un environnement de choix pour cet organisme. Clostridium est très résistant en raison de sa spore, une espèce de coquille qui protège son matériel génétique. Ce mécanisme résiste à une température de 120 °C pendant plusieurs minutes.

C. botulinum est responsable de la maladie du botulisme produite par sa toxine, qui est le poison le plus puissant recensé sur la planète. Il suffit d’un nanogramme par kilogramme pour atteindre la dose létale (1 ng = 0,000001 mg). Cette toxine affecte le système nerveux, avec tout d’abord l’apparition de nausées, de vomissements et de crampes abdominales suivis d’une vision floue, d’une perte d’élocution et, finalement, d’une paralysie des voies respiratoires qui amène généralement la mort, de 18 à 36 heures après l’ingestion.

Le traitement thermique imposé va dépendre de l’acidité de l’aliment. En effet, Clostridium botulinum est incapable de croître à des pH inférieurs à 4,6, ce qui confère une protection relative aux aliments acides. Ces derniers peuvent être traités avec de l’eau bouillante, tandis que les autres doivent être traités sous pression pour assurer leur sécurité. Les températures de traitement peuvent varier; toutefois, plus la température est basse, plus le temps de cuisson sera long. Certains contenants comme le verre sont isolants et permettent difficilement le transfert de chaleur. La viscosité est aussi un facteur limitant le transfert thermique.

Les barèmes de cuisson sont religieusement étudiés par les autorités gouvernementales. Ainsi, il est interdit de vendre des aliments mis en conserve, acides ou non, sans que le procédé thermique ait été validé. Cela explique que vous n’ayez peut-être jamais entendu parler du botulisme, car les risques de l’industrie sont minimes. Mais qu’en est-il de vos conserves domestiques? 

Mélanie Girard, professeure en Technologie des procédés et de la qualité des aliments à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec