Actualités 26 mars 2019

Gestion des sols et changements climatiques

Lorsque des agriculteurs demandent à l’agronome Joann Whalen* comment réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), elle leur répond qu’il leur suffit de modifier certaines de leurs pratiques. « Il faut comprendre que les microorganismes du sol produisent naturellement des GES, explique-t-elle. Comme ces organismes ont besoin de carbone organique et d’azote (nitrates), on peut “jouer” sur la disponibilité de ces éléments pour diminuer leur activité et, par conséquent, sur les émissions de GES. »

Voici quelques conseils de cette spécialiste des sciences du sol et professeure au Département des sciences des ressources naturelles à l’Université McGill donnés aux producteurs qui souhaiteraient atténuer leur empreinte écologique.

Améliorer le drainage

Un système de drainage efficace permet de réduire la quantité de méthane libérée par le sol tout en augmentant sa capacité à absorber le dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique.

Réduire le labourage

Quand on travaille le sol, les différentes composantes (oxygène, eau, débris végétaux) se mélangent, ce qui favorise l’activité microbienne. « Pour éviter ça, on peut faire par exemple des semis directs, note-t-elle. Cette solution donne aux agriculteurs la possibilité de diminuer les émissions de GES et d’économiser du temps et de l’argent en réduisant l’usure de la machinerie et les coûts de carburant. » Dans le cas des terres argileuses ayant besoin de labourage pour être productives, Mme Whalen recommande de le faire une fois par année ou aux deux ans.

Mieux utiliser les engrais

Plusieurs petits gestes peuvent ici faire une différence, selon l’agronome. Tout d’abord, il est préférable de se procurer des engrais localement, à la ferme laitière ou avicole voisine, par exemple. C’est aussi plus économique.

De plus, on déconseille d’effectuer un seul grand épandage de fertilisant au début de la saison de croissance, car les précipitations causent des pertes importantes de produits. Il vaut mieux fractionner la dose totale en deux ou trois parties et éviter d’utiliser des quantités excessives.

Plutôt que les engrais chimiques, on privilégie les engrais organiques – ou un mélange des deux –, car ces derniers mettent plus de temps à libérer les nutriments dans le sol. Aux producteurs qui ne veulent pas employer de fumiers en raison d’une éventuelle présence de pathogènes par exemple, Mme Whalen suggère d’ajouter des inhibiteurs aux engrais chimiques. Ces produits ralentissent la libération des nutriments dans le sol. Développés au cours des années 1980, ils sont couramment utilisés dans l’Ouest canadien, mais peu au Québec. « Nous en avons testé au Campus Macdonald l’été dernier et nous les avons trouvés très efficaces », précise-t-elle.

Enfin, les fertilisants solides devraient être enterrés à 5 ou 10 cm de profondeur au lieu d’être épandus en surface. Cette technique réduit les pertes de fertilisants et la production de GES. Cette mesure ne vise pas les engrais liquides, car ceux-ci s’infiltrent rapidement dans le sol. 

* Joann Whalen est détentrice du prix scolaire William Dawson et professeure en écologie du sol. Elle est aussi directrice de programme et détient une majeure en biologie de l’environnement avec distinction au Département des sciences des ressources naturelles au Campus Macdonald de l’Université McGill.

Les cultures et les GES

Les principaux GES émis par les microorganismes du sol sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et l’azote nitreux (N2O). Ces gaz n’ont pas tous la même incidence sur l’effet de serre et le réchauffement de la planète.

Marie-Claude Ouellet, Agence Science-Presse