Actualités 6 octobre 2020

Être ou ne pas être une relève agricole

En ces temps de pandémie où nous remettons tout en question dans nos vies quotidiennes et comme société, qu’en est-il de l’avenir de notre agriculture? Et notre relève? Est-elle si différente? Trouvera-t-elle les solutions aux innombrables défis de l’agriculture? Dans cette chronique, je vous propose un jeu. Des questions et surtout des réponses des aspirants agriculteurs que j’ai eu le privilège de côtoyer. Avertissement : il ne s’agit pas de résultats scientifiques, seulement le fruit d’un laboratoire pédagogique de 25 ans. On y va?

La cloche sonne! Lorsque je demande à la classe si l’agricultrice d’aujourd’hui doit être une superhéroïne, la plupart des étudiantes hésitent et finissent par répondre : « Non, pas vraiment, il faut simplement être passionnée… » Passionnée? D’accord, je reformule ma question. Doit-on être une superhéroïne pour nourrir le monde tout en étant moins de 2 % de la population, répondre aux attentes de la société envers l’agriculture et demeurer rentable, pratiquer une agriculture durable tout en étant en concurrence avec le reste de la planète? « Monsieur, calmez-vous, qu’ils me disent! Nous, ce qu’on veut, ce sont des parts dans une entreprise agricole qu’on va améliorer en travaillant fort et dans laquelle on pourra s’épanouir! On veut seulement qu’on nous donne la chance de relever le défi! »   

De multiples défis

Des défis, vous dites? Comment allez-vous relever les défis suivants : la valeur marchande des entreprises en croissance exponentielle, un environnement d’affaires qui évolue rapidement, des prix qui fluctuent constamment, une mise en marché toujours à revoir? Vincent, l’original qui cherche à faire autrement, lève la main : « C’est pour ça qu’on est ici, Monsieur, pour se créer un réseau de gens passionnés comme nous, sur qui on pourra compter et avec qui on pourra réinventer la roue, comme vous dites. » Justine, la spontanée et optimiste qui note tout, ajoute : « Vous nous avez dit l’autre jour qu’une chose fondamentale, c’est de comprendre ce qui se passe dans notre entreprise (les chiffres, la production, les gens) et avec ça, on devrait avoir des idées pour s’améliorer et s’adapter. C’est quoi le problème alors? » Mathieu, le non-traditionnel, d’ajouter : « Nous, les jeunes, on va faire des trucs que vous croyez impossibles. » Juste comme j’allais répondre, j’entends : « Monsieur, est-ce qu’on peut prendre une pause? J’ai le nutritionniste qui m’appelle et l’employé a des problèmes avec le robot, et comme mes parents sont en vacances… »

Durant cette pause qui m’a semblé des années, je me suis rappelé la question qui m’a été dix mille fois posée : « C’est quoi, la recette pour avoir une relève agricole? » À cette question, je répondrais : la recette est unique à chaque jeune, il lui faut trouver ses réponses pour « être ». « Oui, mais comment on fait ça? » Je ne connais pas toutes les réponses, mais pédagogiquement parlant, voici ce que j’ai pu observer : miser sur la participation active, mettre les jeunes au cœur des solutions, les former à partir de leur situation d’entreprise, miser sur le partage d’expériences, construire sur des essais et innovations qu’ils font à la ferme et ne pas avoir peur d’être remis en question! 

Benoît Daviau, professeur en gestion et technologies ­d’entreprise agricole à l’Institut de technologie agroalimentaire – Campus de Saint-Hyacinthe