Actualités 6 avril 2021

De l’amour et de la colle pour des productions plus saines

Les défis de la production serricole au Québec et au Canada sont multiples. Parmi ceux-ci, le contrôle des maladies et des insectes ravageurs se taille une place importante, obligeant les producteurs à mettre en place toute une gamme de stratégies de lutte. D’abord, celles-ci sont préventives (moustiquaires, désinfection, dépistage, utilisation de la lutte biologique, etc.), puis, quand cela s’avère nécessaire, elles doivent devenir curatives, ce qui est entre autres le cas de l’utilisation répandue des pesticides tant en agriculture biologique (pesticides naturels) que conventionnelle.

Or le monde évolue. Que ce soient les insectes et les phytopathogènes qui s’adaptent aux méthodes de lutte ou la demande de la clientèle qui tend de plus en plus vers des produits horticoles abordables et cultivés avec le moins de répercussions négatives possible sur la santé et l’environnement, les producteurs et les conseillers qui travaillent avec eux doivent composer avec ces différentes exigences. Cela provoque une pression importante sur leur adaptabilité et leur créativité dans la recherche de nouvelles techniques de protection des végétaux.

C’est avec cette préoccupation en tête que nous tentons, avec nos étudiantes et étudiants du Collège Lionel-Groulx, d’appliquer le plus systématiquement possible les méthodes standards de prévention en plus de développer de nouvelles stratégies ou encore de combiner des stratégies existantes en tentant de maximiser leur efficacité respective. C’est un essai inspiré de ce dernier modèle que nous mènerons prochainement dans les serres du Collège Lionel-Groulx afin de mesurer l’efficacité d’une double stratégie de contrôle ciblant un ravageur commun en serre : le thrips des petits fruits (Frankliniella occidentalis).

Pièges collants et phéromones

Il est en effet fréquent au Québec d’utiliser les pièges collants pour mesurer les populations de ce ravageur, puis d’appliquer des techniques de contrôle plus ou moins curatives lorsque sa présence est détectée en quantité dépassant les seuils de tolérance. Certains producteurs utilisent par ailleurs ces mêmes pièges collants pour faire des captures de masse des ravageurs en serre. Quoique intéressante et en partie efficace, la capture de masse comporte aussi plusieurs inconvénients : la quantité de surface collante nécessaire, les difficultés de manipulation des pièges collants et la présence permanente d’objets collants dans les zones de travail (objets qui tôt ou tard capturent aussi bras, cheveux ou vêtements!).

Pourtant, il existe une autre stratégie de dépistage contre le thrips des petits fruits qui est moins usuelle en production serricole au Québec : l’utilisation de phéromones sexuelles spécifiques à l’espèce pour dépister le thrips prêt à la reproduction. Comme il est parfois possible, en combinant deux techniques, d’améliorer les résultats de l’une et de l’autre, nous implanterons prochainement dans nos productions un essai de contrôle du thrips mettant en œuvre ce principe de synergie. D’abord, nous augmenterons le nombre de pièges collants normalement consacrés au dépistage sans toutefois atteindre les quantités nécessaires au piégeage massif qui compliquent les opérations en serre. Ensuite, nous combinerons chacun d’eux à une phéromone sexuelle dans le but d’augmenter l’attractivité de ces pièges. Nous espérons ainsi pratiquer une capture de masse suffisante pour limiter les besoins d’intervention curative, les problèmes rencontrés lors de l’utilisation massive de pièges collants seuls et les risques pour les organismes bénéfiques que nous utilisons également dans notre lutte contre les ravageurs.

L’amour et la colle serviront peut-être ainsi un jour à améliorer la qualité finale de nos produits alimentaires! 

Étienne Jobin, enseignant en Technologie de la production horticole et de l’environnement, Collège Lionel-Groulx