Un mode de vie en héritage

SAINT-MAURICE En plein cœur du village de Saint-Maurice, à l’ouest de Trois-Rivières en Mauricie, la petite ferme laitière Le Campanile a permis à un enfant de la place, Jean Guilbert, de vivre ses passions et de les transmettre à ses trois enfants.

Le producteur laitier Jean Guilbert entre dans la catégorie des marginaux. Il devrait être flatté d’être placé dans cette catégorie, car il reconnaît lui-même être un producteur pas comme les autres, à cause de sa ferme « patrimoniale » et aussi parce qu’il a sans doute l’un des plus petits quotas laitiers en Mauricie.

« Avec 17 kilos de quota, je suis l’un des plus petits producteurs laitiers et je le dis avec fierté », lance Jean Guilbert en ricanant. Le producteur est un petit gars de la place. « Je suis Jean du rang Saint-Jean, issu d’une longue lignée paysanne, et dont le père Maurice était… de Saint-Maurice. » (nouveau rire) Au milieu des années 1980, après des études en géographie, Jean Guibert a acheté cette petite ferme laitière abandonnée en plein cœur du village natal. Sa ferme, Le Campanile, est située juste en face de l’église, à quelques centaines de mètres de l’emplacement où se trouvait jadis la ferme familiale reprise par l’un des frères Guilbert, mais vendue par la suite. La terre d’une vingtaine d’hectares fournit une partie du foin destiné à la trentaine de vaches, dont 17 sont traites. Mais ce ne sont pas n’importe quelles vaches, ce sont des Canadiennes pure race, de véritables vaches patrimoniales.

Le producteur laitier entretient également une autre passion :  la sauvegarde du patrimoine agricole et la transmission des savoir-faire traditionnels. Sa passion l’a conduit à bâtir un véritable musée d’outils et de machinerie agricole. Il a organisé, pendant plus de 15 ans, la Fête des Moissons sur sa propriété, animé des démonstrations d’équipements anciens, s’est impliqué dans plusieurs organismes de sauvegarde du patrimoine et tout cela, sans négliger sa tâche de professeur au niveau collégial.

Depuis presque 20 ans, Jean Guilbert contribue à la sauvegarde des vaches de race Canadienne. Photo : Pierre Saint-Yves

Une passion à semer

C’est dans sa petite ferme que Jean Guilbert va semer la passion de l’agriculture chez ses trois enfants : Charles, Eveline et Marianne. Et la semence a pris! Les deux plus vieux ont suivi les traces du paternel et sont maintenant des producteurs laitiers; Charles à Sainte-Clotilde-de-Horton et Eveline à Saint-Pierre-Baptiste, deux localités du Centre-du-Québec. Marianne, de son côté, élève quelques chevaux sur ses terres dans les environs de Saint-Maurice.

« Notre père nous a vraiment transmis sa passion du mode de vie de l’agriculture, reconnait Eveline qui élève une soixantaine de vaches à la Ferme Brasfort, de Saint-Pierre-Baptiste, dont elle est propriétaire avec son conjoint Vincent Fortier.

Pour Charles, c’est d’abord à la ferme où il a grandi que sa passion s’est exprimée. Une fois ses études universitaires terminées, il s’est lancé dans la remise en état des bâtiments, notamment en faisant communiquer l’étable avec la grange pour aménager la vacherie.

Cinq ans plus tard, le jeune homme a trouvé, à Sainte-Clotilde-de-Horton, l’exploitation où il pourrait donner libre cours à ses ambitions et y a fondé sa famille de trois enfants.

Jean Guilbert avoue sa satisfaction de savoir que ses enfants ont choisi le mode de vie de l’agriculture. « Je suis fier des choix qu’ils ont faits », dit-il.

Puisque sa relève s’est établie ailleurs, M. Guilbert se posera un jour la question de l’avenir de la petite ferme au cœur du village. Pour éviter que son exploitation ne sombre à nouveau dans l’oubli ou disparaisse sous la pression du développement urbain, le producteur a élaboré un plan. Ainsi, le jour où il se retirera, il compte léguer son exploitation à une fiducie agricole. La présence des Guilbert dans le monde agricole est aussi assurée. 

Jean Guilbert utilise le cheval pour travailler dans sa petite érablière et a même élaboré une formation sur cette pratique, en collaboration avec l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ) de La Pocatière. Photo : Pierre Saint-Yves

Le bon coup de l’entreprise

Protéger les races Canadiennes :

Le producteur laitier Jean Guilbert est un amant du patrimoine sous toutes ses formes : matérielle, vivante et culturelle. Pas étonnant qu’il se soit aussi donné comme mission de contribuer à la sauvegarde des animaux de race Canadienne pure, quelques chevaux, mais surtout des vaches. Le premier spécimen de ses vaches est arrivé au Campanile en 2005. Aujourd’hui, dans l’étable du Campanile, les Canadiennes sont une trentaine.

« C’est la race qui a contribué au développement de l’agriculture au Québec; on ne peut pas la laisser disparaître », rappelle Jean Guilbert.

En 2011, à l’époque où le producteur faisait équipe avec son fils Charles, l’une des bêtes a même été acquise par le Musée canadien de l’Agriculture. C’est ainsi que la belle Annabelle, la star du troupeau, a pris le chemin d’Ottawa, contribuant ainsi à alimenter la fierté des éleveurs. 


3 conseils pour maintenir une ferme à dimension humaine

Suivre de la formation continue
La formation est capitale, soutient Jean Guilbert. C’est l’unique façon de rester à jour dans les développements et les nouvelles techniques. « Pour ma part, je continue à suivre des formations sur la qualité du lait, les soins aux animaux et encore dernièrement sur le transport des animaux. »

Développer et entretenir son réseau de contacts
« C’est essentiel dans tous les milieux et ça l’est en agriculture », soutient Jean Guilbert. « Il faut savoir créer et entretenir un réseau de chums avec lesquels on va échanger des conseils, des trucs et de l’aide. Sans compter qu’un réseau contribue à stimuler notre vie sociale. »

Éviter de devenir un producteur « gonflable »
Selon le producteur de Saint-Maurice, les exploitants agricoles et leur famille doivent inclure leur qualité de vie dans l’équation des projets d’expansion de l’entreprise. Il les invite donc à la prudence lorsque vient le temps de faire des investissements en évitant de chercher d’abord à suivre leurs collègues, amis ou voisins. Il est d’avis que l’amélioration des performances de l’entreprise ne commande pas nécessairement des investissements démesurés qui risquent d’affecter la qualité de vie de toute la famille.

Jean Guilbert a fait l’acquisition en 1982 de vieux bâtiments agricoles au centre du village de Saint-Maurice où il a créé la Ferme Le Campanile. Photo : Pierre Saint-Yves
Fiche technique 🐄
Nom de la ferme :

Le Campanile

Spécialité :

Production laitière… et sauvegarde du patrimoine agricole

Année de fondation :

1982

Nom du propriétaire :

Jean Guilbert

Nombre de générations :

6e génération de producteurs agricoles à Saint-Maurice

Superficie en culture :

20 hectares

Cheptel :

30 vaches, dont 17 en lactation

***

Avez-vous une famille à suggérer?
[email protected] / 1 877 679-7809