Vie rurale 10 avril 2019

Tenter de comprendre l’impensable

Jean-François avait confié à sa conjointe être fatigué, dans les derniers temps. Elle avait tenté de l’encourager, à l’approche des vacances prévues en janvier. Mais « c’était trop » pour lui, analyse Caroline Tardif, de la Fromagerie Ruban Bleu. « Il était rendu dans une obsession de performance. Il ne faisait que ça [travailler]. C’était dur de le ramener. »

« Je le voyais grand, [Jean-François]. C’était tellement le plus fort du monde. Je ne pouvais pas m’imaginer qu’il était en dépression », enchaîne-t-elle, le regard vitreux.

Jean-François Hébert, 46 ans, laisse dans le deuil sa conjointe ainsi que ses deux enfants.
Jean-François Hébert, 46 ans, laisse dans le deuil sa conjointe ainsi que ses deux enfants.

Les premiers réflexes, lorsqu’on traverse un deuil causé par le suicide, « c’est de se demander ce qui nous a échappé », affirme la psychologue du travail Pierrette Desrosiers. Ces réflexions sont alimentées par les souvenirs, mais aussi par les questions de l’entourage. « En plus de vivre toute la souffrance et la culpabilité de ne pas en avoir assez fait, c’est une croix très lourde à porter », considère-t-elle.

La psychologue spécialisée dans le milieu agricole estime que les producteurs ont encore beaucoup de difficulté à demander de l’aide. Et les signes précurseurs du suicide ne se présentent pas tous de la même façon. Certains messages peuvent même être contradictoires, car on n’a pas toujours l’air triste ou démoralisé lorsqu’on est en dépression, souligne Pierrette Desrosiers.

Il y a aussi cette pression qui repose sur les épaules de l’entrepreneur, qui ne s’autorise pas à être vulnérable. « On est portés à penser qu’il y a des gens à l’abri [des problèmes de santé mentale], car ils sont forts. Tout le monde a sa brèche quelque part. »

Pour sa part, la fromagère en deuil est convaincue que le sujet doit être abordé plus souvent. « On ne parlera jamais trop du suicide. Il faut en parler encore. »

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