Prévention 6 mars 2023

Équipements agricoles modifiés : le coût du risque

Marie-Andrée Hotte

QUÉBEC – En juillet 2019, une équipe de travailleurs de Saint-Isidore, en Montérégie, s’affairent à la plantation de céleris à l’aide d’une planteuse automotrice artisanale. La position des commandes oblige un ­travailleur à se placer dans une zone dangereuse. Lors de la manœuvre de virage, le chef d’équipe est écrasé sous une roue de la machine en mouvement. Son décès est constaté sur les lieux.

Cet extrait du rapport d’enquête de la CNESST est l’une des raisons qui ont incité l’Union des producteurs agricoles (UPA) à mettre le sujet des équipements artisanaux à l’ordre du jour de son récent colloque annuel des partenaires en prévention tenu à Québec, en février dernier. « Parler des risques et des conséquences, c’est notre histoire depuis toujours », rapporte Paul Doyon, premier vice-président général de l’UPA. Il estime que les producteurs agricoles ont besoin de se faire rappeler les risques et la responsabilité civile qui découlent des modifications sur les véhicules et machineries ­agricoles. « Quand on a l’ambition de zéro accident, un, c’est toujours trop! »

Marie-Andrée Hotte, avocate spécialisée en assurances agricoles, constate que les ennuis dus à des engins artisanaux sont « plus fréquents qu’on le pense » et souligne l’importance de bien faire vérifier ses machineries après modifications auprès d’un ingénieur ou du fabricant. Les transformations sur un véhicule circulant sur les routes publiques doivent, quant à elles, être validées par la Société d’assurance automobile du Québec. « Les producteurs sont habiles et ingénieux, mais il faut rester sécuritaire. La fierté du patenteux peut virer au cauchemar », indique-t-elle.

« L’idée générale que nous bénéficions d’un régime public au Québec, appelé le no fault, et qui indemnise toutes les victimes, est fausse. Les exceptions existent : un employeur qui n’a pas de masse salariale, un voisin qui donne un coup de main, un bénévole qui ne serait pas protégé. Le régime ne s’appliquera pas, explique Me Hotte. Tout comme si l’accident est causé par un tracteur, une remorque, un véhicule d’équipement en dehors d’un chemin public. »

Maladresse, imprudence, insouciance ou négligence, dans tous les cas, ces fautes engagent une responsabilité civile chez le producteur, une éventuelle poursuite devant les tribunaux et des frais juridiques qui peuvent nuire financièrement et humainement à l’entreprise agricole.

Responsabilité civile

En 2012, un travailleur de Tingwick a malencontreusement perdu pied en descendant d’une échelle à penture artisanale appuyée sur une mezzanine servant au rangement du foin. D’après le rapport d’enquête émis par la CSST (la CNESST depuis 2016), son décès illustre la faute d’action ou d’omission qui peut engager une responsabilité civile au propriétaire.

« Là où ça devient problématique, c’est lorsqu’un équipement ou un véhicule agricole modifié cause des dommages corporels », note Me Hotte, qui insiste sur l’importance d’avoir des assurances pour se protéger en cas de dommages à autrui. « La responsabilité du producteur pourrait être engagée si, par exemple, un passager d’une remorque à foin chute et se blesse parce qu’on a enlevé un côté de la remorque », illustre-t-elle.

Les situations à risque lors desquelles le droit commun peut s’appliquer sont multiples : tours de remorque artisanale, visite de ferme offerte au public dans des véhicules non conformes, prêt d’équipement modifié à un voisin. Pour Paul Doyon, ces cas d’espèce évoquent bien l’importance de prendre le temps et les ressources pour s’assurer que les modifications apportées sont conformes. « Notre seule motivation, c’est de prévenir les accidents, sensibiliser nos gens sur l’importance d’avoir des équipements sécuritaires. En convaincre ne serait-ce qu’un, c’est toujours un gain. »