Vie rurale 7 mars 2018

Au bord d’un arrêt respiratoire à cause des pesticides

BERTHIERVILLE — Un soir de juin 1992, Michel Désy a été transporté d’urgence à l’hôpital. Le producteur de lait venait de se faire arracher un doigt par l’une des rampes de son pulvérisateur à pesticides et commençait à perdre connaissance.

Ce qu’il ne savait pas, c’est que l’entrée en contact de sa plaie ouverte avec la rampe enduite de pesticides lui avait causé une importante intoxication sanguine et qu’à son arrivée à l’hôpital, il était à 30 minutes d’un arrêt respiratoire.

L’histoire date peut-être de 1992, mais le sujet de l’intoxication aux pesticides est encore d’actualité. Dans le cadre de la Semaine de la santé et de la sécurité en agriculture, qui se déroule du 7 au 14 mars, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et l’Union des producteurs agricoles (UPA) unissent leurs efforts pour sensibiliser les agriculteurs aux risques liés aux pesticides sous la thématique « Protégez vos cultures, protégez votre santé ». Des activités sur ce thème se dérouleront tout au long des prochains mois.

Souvenirs douloureux

À 20 h, Michel Désy rentrait chez lui après une journée à arroser ses cultures de soya. En passant devant l’un de ses champs, il s’est souvenu qu’il ne lui restait qu’une largeur de 50 pieds à arroser. « Pourquoi remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui? » s’est alors dit le producteur de lait de Lanaudière. « J’aurais mieux fait d’aller me coucher ce soir-là », affirme-t-il maintenant.

Pour employer les pesticides de façon sécuritaire, on doit porter des gants et un masque, et utiliser un tracteur muni d’une cabine et de filtreurs au charbon. Crédit photo: CASA
Pour employer les pesticides de façon sécuritaire, on doit porter des gants et un masque, et utiliser un tracteur muni d’une cabine et de filtreurs au charbon. Crédit photo : CASA

À l’époque, il n’y avait pas de rampe repliable hydraulique sur son pulvérisateur à pesticides; il fallait la déplier manuellement. La dernière section lui a glissé des mains et pour l’empêcher de se rabattre sur l’autre section, il a mis sa main devant et s’est fait arracher le bout du doigt. « Je sentais le sang couler, mais il faisait noir et je ne voyais rien », raconte-t-il. Le producteur n’avait pas de téléphone cellulaire à l’époque; la seule façon de s’en sortir était de détacher le pulvérisateur du tracteur… à une main. L’homme a finalement réussi à quitter le champ plus d’une demi-heure après l’accident.

Hôpital

En arrivant chez lui, Michel Désy s’est évanoui. Sa femme l’a emmené à l’hôpital le plus proche, à une trentaine de kilomètres de là. « Étant donné que j’étais sur l’arroseuse depuis 5 h 30 du matin et que je n’avais pas de cabine sur le tracteur, j’en avais partout. Je sentais l’herbicide à plein nez », explique M. Désy. Le médecin n’a pas perdu de temps : tente à oxygène, prises de sang régulières, radiographies aux demi-heures, etc. Le doigt arraché n’était pas la priorité, contrairement à ce que M. Désy pensait lorsqu’il a repris connaissance. Son estomac, ses poumons et son sang étaient intoxiqués.

On lui a donné des médicaments et la batterie de tests s’est poursuivie jusqu’à 7 h le lendemain matin. Finalement, l’homme est rentré chez lui après avoir subi une opération chirurgicale au doigt. Le surlendemain de l’accident, le médecin qui l’avait accueilli à l’urgence l’a convoqué dans son bureau. « Il m’a dit : « Vous êtes bien chanceux d’être assis devant moi. Vous étiez à 30 minutes de faire un arrêt respiratoire » », rapporte M. Désy.

Prévention

« C’est long à guérir et tu y penses longtemps », raconte le producteur, 26 ans après l’événement. Joueur d’accordéon, Michel Désy n’a pu recommencer à s’exercer qu’un an et demi après l’accident. La même année, il s’est acheté des gants, un masque et un tracteur avec cabine auquel il a installé des filtreurs au charbon. L’homme est aussi allé suivre un cours sur la sécurité et les pesticides. L’année suivante, il s’est équipé d’une rampe hydraulique et de jets antidérive. 

Utiliser les bonnes méthodes de prévention

« La démarche de prévention de l’utilisation des pesticides va au-delà du simple port d’équipement individuel, souligne la présidente du conseil d’administration de la CNESST, Manuelle Oudar. Ça commence par l’identification des risques, la priorisation des actions et le choix des correctifs et des moyens de prévention à mettre en place pour éliminer les risques. »

Concrètement, pour les producteurs, la première méthode de prévention des accidents liés aux pesticides est… d’éviter de les utiliser et de considérer d’abord les moyens de lutte mécanique, thermique ou biologique. Si l’utilisation des pesticides est inévitable, on s’assurera de consulter les étiquettes (qui font office de loi) et les fiches de sécurité et de sélectionner les produits qui sont le moins nocifs pour la santé. Ensuite, « il faut vérifier comment l’exposition des utilisateurs peut être réduite de façon efficace, souligne la CNESST. Une combinaison de plusieurs mesures, telles que le port de l’équipement de protection, la réduction du nombre de traitements, l’aménagement des installations et le choix des équipements et des méthodes de travail, peut être requise ».

Pour plus d’information, vous pouvez consulter ce site.