Vie rurale 8 septembre 2014

AgriTerra refuse à son tour de «passer pour un méchant»

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La firme d’investissement AgriTerra, qui achète des terres pour les louer, refuse à son tour de « passer pour un méchant » et de contribuer à faire exploser le prix des propriétés agricoles, au Québec.

« Nous, on n’embarque pas là-dedans », affirme, en entrevue à la Terre, le vice-président de la société implantée en Mauricie, Roger Gauthier.

Il reprend à sa manière les arguments du président d’une autre société d’investissement, Partenaires agricoles, Clément Gagnon. Ce dernier confiait à la Terre, à la fin mars, que les craintes entourant la financiarisation des terres agricoles ne sont pas fondées.

Roger Gauthier, dont l’entreprise a ses bureaux à Trois-Rivières, ne se voit pas comme « un loup dans la bergerie » cherchant à faire des acquisitions sur le dos des producteurs vendeurs.

Il dit toutefois en avoir « ras-le-bol » d’entendre des propos négatifs à l’endroit des firmes d’investissement qui – c’est le cas de son entreprise – se font reprocher de faire monter les prix, au détriment de l’agriculture familiale traditionnelle.

« La spéculation, elle ne vient pas des fonds existants [Pangea, Partenaires agricoles et AgriTerra], soutient celui qui a fondé AgroSol, une entreprise spécialisée dans la vente et la distribution d’engrais et de grains. Il faudrait plutôt regarder du côté des producteurs eux-mêmes. »

Cela veut dire?

« Ils veulent acheter à tout prix, sans calculer la véritable valeur de la terre. Ils se “crinquent” entre eux pour acheter. Au bout du compte, ce sont eux qui font monter les prix. »

Il ajoute : « En Mauricie, un producteur a vendu une terre 6 000 $ l’acre, alors qu’elle n’en valait que 4 000 $. Pour y arriver, il a fait danser trois ou quatre producteurs. Il s’est servi d’eux pour faire monter les enchères. »

« Dans la business »

Roger Gauthier, qui est aussi producteur agricole à Saint-Narcisse, reconnaît qu’il est « dans la business » et qu’il fait de « belles acquisitions », mais toujours, insiste-t-il, en « payant le prix du marché, ni plus, ni moins ». En plus du Québec, AgriTerra est active dans l’acquisition de terres dans les Maritimes et dans l’Ouest canadien.

Il aime rappeler, pour faire image, qu’une terre agricole, c’est comme « du métal trempé solide », et que sa valeur ne peut diminuer, « parce qu’on a besoin de la terre pour nourrir la population ».

Mais il sait également que le phénomène de financiarisation des terres ne fait pas l’unanimité. Pas question de dévoiler la nature des transactions sur les terres sur le site Internet de son entreprise. « On ne veut pas énerver le monde », donne-t-il comme argument.

Il se dit en outre conscient que la stratégie d’acquisitions peut déranger l’Union des producteurs agricoles (UPA). « Mais on ne veut rien provoquer de négatif, ni mettre le trouble, nuance-t-il. On n’est pas là pour jeter l’agriculture à terre. »

Serait-il prêt à ce que le gouvernement mette en place une société d’aménagement et de développement agricole du Québec (SADAQ), qui aurait le pouvoir d’acheter des terres pour la relève?

« Si on met en place une telle structure, on va s’adapter à ça », répond-il.

Mais il précise aussitôt que la nature même de son entreprise, c’est d’acheter des terres pour les mettre en location, pour des « jeunes producteurs », dit-il, « qui ont déjà de l’acrage sous les pieds » (traduction libre : qui possèdent déjà des terres et qui ont besoin de superficies supplémentaires pour leur production).

Et si ses locataires veulent acheter? « Notre modèle, c’est de les conserver. Mais on n’est pas fermé à toute proposition. Il faut voir. »