Vie rurale 21 novembre 2018

Les agriculteurs boudent l’équipement de protection

Le coût, la complexité et les caractéristiques mêmes des équipements de protection contre les gaz toxiques s’avèrent souvent un obstacle à la prévention.

La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), ne recommande d’ailleurs aucun modèle de détecteur en particulier. « C’est clair que ce sont des équipements coûteux et complexes. [Le fonctionnement] des détecteurs de gaz n’est pas toujours bien compris sur le terrain, constate François Granger, l’expert en prévention de la CNESST. Il faut suivre une formation aussi. » 

De leur côté, les fournisseurs le reconnaissent sans détour : ils réalisent très peu de ventes d’équipement de protection contre les gaz toxiques auprès des producteurs. Mais pour ceux qui veulent bien gérer leur sécurité au travail, le détecteur cinq gaz s’avère le meilleur choix, même s’il ne protège pas contre tous les risques, selon les experts consultés. Encore faut-il avoir choisi de s’équiper.

« Dès qu’il y a une perte de vie [due à une intoxication aux gaz], les gens n’arrêtent pas d’appeler. Après ça, il y a une accalmie. Il faut qu’il y ait quelqu’un qui meure pour les réveiller », déplore Robert Durand, des Équipements Lambert, une division de Silo J.M. Lambert. 

Les producteurs se montrent intéressés à se procurer un détecteur, « mais quand on leur dit le prix [environ
2 500 $], ils reculent », affirme Derek Kelly, représentant pour la compagnie Hazmasters. Le vendeur estime qu’il s’agit d’un non-sens, considérant que des agriculteurs s’offrent des tracteurs à 300 000 $.

Un minimum 

Selon M. Durand, il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire pour améliorer la sécurité au travail des producteurs. Le détecteur cinq gaz, qui permet de déceler le dioxyde d’azote (NO2), le sulfure d’hydrogène (H2S), le monoxyde de carbone (CO), l’oxygène et le combustible est vraiment « un minimum ». Celui à quatre gaz, quant à lui, ne détecte pas le NO2, ce composé chimique bien sournois, le plus souvent responsable de la mort des victimes des gaz de silos.

Il faut donc utiliser son détecteur tout juste avant d’entrer en espace clos et aussi le remettre en état par le biais du service de calibrage tous les 180 jours, ajoute Serge Labrecque, représentant pour Honeywell. Toutefois encore, cet outil n’est pas infaillible. « La solution parfaite n’existe pas. Il peut y avoir la présence de contaminants ou d’air frais [pouvant fausser les résultats] », prévient-il. François Granger invite d’ailleurs à la prudence, car il se peut que d’autres gaz soient indétectables dans les silos ou les préfosses à purin. 

Masques à gaz

Autre équipement qui connaît encore moins de succès : les masques à gaz dotés de bonbonnes d’air, qui peuvent coûter jusqu’à 5 000 $ « Je n’en vends jamais. Les producteurs n’ont pas d’intérêt pour ça », souligne Sylvain Lefebvre, représentant pour Linde Canada.

Il y a quelques mois, Silo J.M. Lambert et Honeywell se sont associés pour offrir à tous les nouveaux acheteurs de silos une trousse de sécurité, comprenant un détecteur de gaz et des sirènes. Jusqu’à présent, 15 agriculteurs ont pu bénéficier de cette offre.

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