Actualités 15 juin 2016

Atrazine : sensibiliser avant de légiférer

SAINT-ANICET—Banni de l’Union européenne depuis 2003, l’atrazine est un herbicide auquel on attribue de graves dangers pour la santé humaine et l’environnement. Comme il s’agit d’un herbicide efficace et abordable pour éradiquer certaines mauvaises herbes, il est impensable pour plusieurs de s’en passer. Pour sa part, Roger Caza, un producteur de Saint-Anicet, en Montérégie, tient un autre discours. Pour lui, la recherche agricole est capitale et, sans les producteurs, elle ne peut pas avancer.

Un produit controversé

Si l’atrazine est encore très utilisé aujourd’hui pour se débarrasser de certaines espèces de mauvaises herbes, des voix commencent à s’élever pour réclamer une législation semblable à celle qui s’applique en Europe. L’atrazine est réputé pour être un perturbateur endocrinien, une substance qui trouble les cycles hormonaux des animaux, en plus d’affaiblir le système immunitaire des espèces qui en consomment.

Main dans la main

« Les agriculteurs peuvent contribuer à faire avancer les choses. » Roger Caza est catégorique : si personne ne participe aux projets de recherche, comment la science progressera-t-elle? C’est avec cette vision que le producteur a accepté de s’allier au projet du Club agroenvironnemental du bassin La Guerre lorsque François Cadrin, conseiller, le lui a proposé. Une partie d’un de ses champs ne sera pas traitée à l’atrazine cette année, question de voir si l’utilisation du pesticide est réellement indispensable.

Cela implique bien sûr que l’agriculteur prenne le risque de perdre une partie de ses récoltes… ce qui ne semble pas l’inquiéter outre mesure. « Je suis bien plus stressé par le manque de pluie que par la lutte intégrée, lance Roger Caza. Il y a un suivi qui se fait; on n’est pas laissés à nous-mêmes. » Bien qu’il n’existe pas encore d’aide financière qui compense les pertes potentielles des producteurs, le suivi du conseiller est subventionné. François Cadrin accompagne donc M. Caza depuis le début de la saison, en plus de sensibiliser d’autres agriculteurs. Sans compensation financière, son travail est plus ardu, mais il a bien développé ses techniques. « J’aime discuter avec toute la famille, explique le conseiller. Il y a presque toujours un membre du groupe qui sera plus intéressé par les causes environnementales. »

La volonté, plus puissante que les lois

Si une législation semblable à celle de l’Union européenne est implantée au Québec, les producteurs seront mis devant le fait accompli. Par la sensibilisation, François Cadrin espère prévenir les difficultés d’une potentielle transition. « Mon travail permet de prendre de l’avance sur la loi. Comme ça, les agriculteurs ne seront pas pris au dépourvu si elle est mise en place. » 

Roger Caza est du même avis. Il pense même que les arguments environnementaux ont un meilleur impact qu’une loi, puisque les producteurs participent de bonne volonté au projet. « Moi, par exemple, je ne regarde pas la perte de rendement, explique-t-il. Je regarde le progrès qu’on a fait et ça me rend fier. »
Le duo est optimiste quant à la suite des choses, surtout que cinq fermes de la région participent maintenant au projet de recherche. « Qu’on ne dise pas que
les producteurs ne s’impliquent pas, conclut Roger Caza. Ce n’est pas tout le monde qui est prêt à sacrifier une partie de son revenu, mais certains prennent tout de même le risque et il faut les encourager. »

 

Plantule de renouée persicaire, l’une des espèces supprimées par l’atrazine.
Plantule de renouée persicaire, l’une des espèces supprimées par l’atrazine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ennemi à vaincre

Si l’on attribue souvent un faible rendement aux insectes, certaines mauvaises herbes peuvent causer leur lot de dommages, comme les renouées, des plantes particulièrement agressives. Elles compétitionnent les cultures en monopolisant les ressources du sol. Leurs racines s’ancrent profondément dans le sol et l’atrazine compte parmi les quelques herbicides efficaces pour lutter contre ces adventices.

La Ferme Babiroussa

Roger Caza possède 250 acres de terres parfois sablonneuses, parfois argileuses. Bien qu’à la Ferme Babiroussa le blé ne soit pas cultivé cette année, celui-ci est une des trois productions habituelles, avec le maïs et le soya. En plus de travailler aux champs, M. Caza pratique également l’élevage de sangliers.