Environnement 12 avril 2022

Potentiel de réduction des GES de 20 à 30 % en agriculture d’ici 2050

Pour limiter la hausse de la température mondiale à 2 °C ou moins, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime, dans son sixième rapport, que l’agriculture, la foresterie et les autres utilisations des terres ont le potentiel de réduire de 20 à 30 % leurs émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050.

Le rapport de 2 913 pages, dans lequel le préfixe « agri » revient 1 267 fois, stipule qu’en raison de la déforestation, le secteur regroupant l’agriculture, la foresterie et les autres utilisations de terres se classe au troisième rang des plus importants émetteurs de GES de la planète (22 %) après les secteurs de l’énergie (34 %) et des grandes industries (24%). Les 278 experts du GIEC en provenance de 65 pays précisent que la réduction des GES en milieu agricole s’orchestrerait principalement autour de la gestion améliorée et durable des cultures et de l’élevage, de la séquestration du carbone dans les cultures et les prairies, de l’agroforesterie et de l’utilisation de biochar, un charbon d’origine végétale utilisé comme un engrais à effets prolongés. « Le biochar présente un potentiel d’atténuation important [des GES], et peut également améliorer les propriétés du sol, ce qui renforce la productivité et la résilience au changement climatique. Cependant, l’atténuation et les bénéfices agronomiques dépendent fortement des propriétés du biochar et du sol sur lequel il est appliqué », souligne le rapport. En milieu forestier, la conservation, la gestion améliorée et la restauration des forêts, des zones humides, des tourbières, des savanes et des prairies permettraient d’atteindre les objectifs de réduction, de concert avec des efforts de reforestation en zone tropicale. 

Peu de politiques agricoles

En 2020, bien que 56 pays aient adopté des lois visant la réduction des GES, les gouvernements ont été peu nombreux à en voter spécifiquement pour la production agricole, industrielle ou des matières premières. À ce jour, le GIEC estime que seulement 0,7 G$ US par an ont été dépensés sur les 400 G$ US par année pour atteindre l’objectif de réduction de 30 % du secteur. « Cette estimation du besoin de financement mondial est inférieure aux subventions actuellement accordées à l’agriculture et à la sylviculture. Une réorientation progressive des subventions actuelles vers l’agriculture et la sylviculture permettrait de faire progresser considérablement l’atténuation [des GES]. Des interventions politiques efficaces et des plans d’investissement nationaux spécifiques aux besoins locaux sont nécessaires de toute urgence pour accélérer le déploiement des options d’atténuation du secteur », lit-on dans le rapport.

Au Canada, l’agriculture représente près de 10 % des émissions de GES. Rappelons que le Québec investira 85 M$ pour rétribuer les bonnes pratiques agroenvironnementales sur son territoire et que le Canada ajoutera 1 G$ aux 550 000 $ déjà investis pour diminuer l’impact environnemental du secteur agricole dès 2022.

Encouragés à consommer moins de viande

Colleen Thorpe, directrice du lobby environnemental Équiterre, a surpris des agriculteurs lors du dernier Sommet agroenvironnemental du
15 mars dernier à Lévis en leur disant que la solution qu’elle prônait pour lutter contre les changements climatiques consistait à faire diminuer, chez les Québécois, la consommation de produits carnés. Il faut orienter l’agriculture vers la production végétale, moins polluante, et diminuer la production animale, a-t-elle signifié. « Nos fermes vont devoir changer et la production va suivre », a affirmé Mme Thorpe. Ces propos ont fait réagir Daniel Gobeil, président des Producteurs de lait du Québec, qui lui a répondu que l’élevage avait notamment l’avantage de valoriser des grains déclassés pour la consommation humaine.

Les experts du GIEC abondent dans le même sens que Colleen Thorpe. « Le passage à des régimes alimentaires comportant une part plus importante de protéines végétales, une consommation modérée d’aliments d’origine animale et une consommation réduite de graisses saturées pourrait entraîner une diminution substantielle des émissions de GES. Les avantages comprendraient également une réduction de l’occupation des sols et des pertes de nutriments dans le milieu environnant, tout en offrant des avantages pour la santé [humaine] », soulignent-t-ils.

Un vaccin contre les émissions des ruminants dans deux ans

Dans deux ans, un vaccin devrait permettre de réduire les émanations de méthane des ruminants. Il s’agit d’un exemple de technologies émergentes mentionné dans le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). On y souligne que les vaccins ou les inhibiteurs de méthane ont le potentiel d’augmenter « considérablement » les chances d’atténuer l’augmentation des gaz à effet de serre (GES) notamment occasionnés par la production bovine. « Leur persistance, leur coût, leur acceptation par le public ou leur approbation réglementaire ne sont pas encore clairs, et leur administration dans les systèmes de pâturage sera probablement difficile », soutient le GIEC. La recherche sur des inhibiteurs alimentaires, tels que les macroalgues ou les algues, est toutefois « prometteuse ». Des préoccupations ont cependant été soulevées quant à l’appétence, à la toxicité, aux effets environnementaux et au développement d’une chaîne d’approvisionnement à grande échelle. Les croisements avec des races à plus faibles émissions de GES font également l’objet de recherches.

Avec la collaboration de Martin Ménard