Politique 26 novembre 2019

Opinion – Santé animale Canada : un nouveau verrou de sûreté sur la porte avant

« Les problèmes principaux auxquels fait face la gouvernance des politiques en matière de santé animale au Canada sont… la fragmentation de l’autorité et des responsabilités, le grand nombre d’intervenants au sein et à l’extérieur du gouvernement et l’absence d’un mécanisme simplifié et transparent afin de réaliser une cohérence globale dans un secteur de politique complexe. Bref, le système a besoin d’être simplifié. » – Institut sur la gouvernance, 2013

L’industrie canadienne de l’élevage des animaux a la vie dure. Qu’il s’agisse d’essayer d’épandre le fumier de porc dans les champs détrempés au Manitoba avant la date limite de l’hiver, de réintégrer notre bœuf et notre porc en Chine à la lumière d’une impasse politique aux proportions épiques ou de voir les produits de remplacement de la viande et du lait séduire le cœur et l’estomac des consommateurs, il devient difficile de demeurer optimiste.

Par contre, la demande mondiale en protéines animales est toujours en plein essor. Peu de pays bénéficient du statut d’exportateur de viandes rouges dont jouit le Canada. De plus, que vous les aimiez ou les détestiez, nos systèmes de gestion de l’offre des produits laitiers et de volaille font l’envie des agriculteurs de nombreux pays.

Mais malgré tout, une menace plane sur notre industrie d’élevage des animaux – de la ferme au transformateur au prêteur – face à laquelle les perturbations produites par la météo, les marchés et les régimes alimentaires pourraient sembler modestes. Cette menace provient de maladies animales exotiques qui ferment les frontières et, plus important encore, du système inerte et fragmenté du Canada pour les prévenir, s’y préparer, intervenir et s’en rétablir.

En élevage d’animaux, tout le monde est au courant de la dévastation de la peste porcine africaine : il est maintenant probable que la Chine ait perdu la moitié de sa production porcine et le virus continue à semer la mort dans neuf pays voisins. Plus près de chez nous, qu’il s’agisse de la gourme chez les chevaux en Ontario, de la diarrhée épidémique porcine au Manitoba ou de la tuberculose bovine en Colombie-Britannique, les pressions exercées par des maladies animales qui limitent la production sont fort réelles et elles augmentent. Au cours des 30 dernières années, nous avons survécu à beaucoup plus que quelques situations de crise et « d’incidents évités de justesse » chez de nombreuses espèces, y compris l’espèce humaine menacée par une maladie d’origine animale. Qui peut oublier l’année 2003, où l’on a été affectés par l’encéphalopathie spongiforme bovine ainsi que le syndrome respiratoire aigu sévère?

En réponse aux menaces croissantes, de la formation du Comité consultatif canadien sur la santé des animaux au cours des années 1970 à la Stratégie sur la santé des végétaux et des animaux approuvée par les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux en 2017, nous n’avons pas été à court de stratégies, de coalitions, de réseaux d’information, de programmes et d’outils. Le gouvernement est à même de procéder à des « consultations » et l’industrie se livre à du « lobbying ».

Mais pour une chaîne d’approvisionnement dépendant largement de l’exportation qui stimule la moitié de tous les revenus agricoles et fournit 2 000 000 emplois au Canada, ce n’est pas tout à fait suffisant.

C’est pourquoi, en novembre 2018, 14 dirigeants des associations nationales des producteurs de bétail, de produits laitiers et de volaille ainsi que les chefs de la direction des principaux transformateurs de viande et de produits laitiers ont écrit une lettre aux ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux, qui comportait cette affirmation audacieuse : « En qualité de leaders de l’industrie, nous croyons qu’un meilleur avenir repose sur un nouveau modèle de gouvernance national qui… rassemblera l’industrie ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux dans un partenariat de prise de décision et de partage de ressources et qui sera décrit théoriquement par l’appellation “Santé animale Canada.” »

Depuis, sous l’égide du Conseil national sur la santé et le bien-être des animaux d’élevage du Canada et avec un excellent soutien d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) et de nombreux ministères de l’agriculture provinciaux, une équipe de travail soutenue par un groupe de chefs de direction Champions s’est vouée à l’élaboration d’un nouveau modèle pour les décisions ministérielles et de l’industrie au cours de l’été 2020. En tant que personnes qui ont mené une longue carrière en agroalimentaire dans les secteurs public et privé et qui ont été marquées par des situations de crise, nous nous réjouissons de voir un effort aussi inclusif et énergique pour mener à bien le changement nécessaire.

Les options de changement sont nombreuses d’exemples mondiaux comme Animal Health Australia aux réussites à profil bas comme la Société canadienne du sang (SCS). La Nouvelle-Zélande a son organisation unique, Biosecurity New Zealand, pour protéger tant la santé des plantes que des animaux. Il convient de reconnaître nos défis – en biosécurité, en traçabilité, en système intégré de surveillance, en partage des données, en gestion des maladies de la faune, en intervention d’urgence, en programmation de zonage et de reprise des activités – et de résister à la tentation d’une amélioration plus graduelle. Sans compromettre aucunement le rôle international de l’ACIA en tant qu’autorité compétente du Canada, nous devons rationaliser le paysage organisationnel et cibler un modèle disposant de piliers légaux et financiers qui transformeront notre manière de travailler. Nous savons tous que l’amélioration graduelle ne viendra à l’esprit de personne si nous subissons une catastrophe de plusieurs milliards de dollars, tout comme elle ne l’était pas lorsque la SCS avait été fondée il y a plus de 20 ans à la suite du scandale de sang contaminé.

Nous vivons dans un pays vaste, diversifié et complexe. Les résultats de la récente élection fédérale nous le rappellent. Mais les pathogènes, virus, prions et parasites ne s’en font pas trop, ni nos partenaires commerciaux, si le pire venait à arriver. En raison de la peste porcine africaine qui frappe à notre porte, nous avons besoin d’un nouveau verrou de sûreté. Santé animale Canada est l’occasion que nous devons saisir en 2020.

Rory McAlpine, vice-président principal, Relations avec le gouvernement et l’industrie, Les Aliments Maple Leaf inc.

Dr Bruce Archibald, président d’Archibald Innovations inc. et ancien président de l’ACIA et sous-ministre, ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario

Dr Allan Preston, ancien vétérinaire en chef et sous-ministre adjoint, Manitoba Agriculture