Politique 25 avril 2018

Une loi à moderniser

Malgré tous les différends, les milieux municipaux et agricoles s’entendent. L’application de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) devrait être modulée en fonction des réalités régionales.

Le président de la  Fédération québécoise des municipalités (FQM), Jacques Demers, estime qu’après 40 ans, la Loi mériterait une cure de jeunesse afin « d’avoir plus de gros bon sens local ». Les refus de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) qui ont fait le plus mal sont ceux où localement, tout le monde était d’accord avec le dézonage, tant le milieu municipal qu’agricole, assure le dirigeant. « Il y a des territoires qui ont besoin d’un peu plus de souplesse si on veut garder du monde dans les villages et maintenir les écoles ouvertes. La pression n’est pas pareille partout. »

« La Loi devrait être renforcée là où la pression est la plus forte. Où elle l’est moins, peut-être que l’on pourrait libérer la Commission et créer des instances régionales en accord avec la Loi », estime le président de l’Union des producteurs agricoles, Marcel Groleau. Dans la Communauté métropolitaine de Montréal, environ 2 000 hectares agricoles sont dans la mire des dézoneurs, alors que la zone blanche recèle des espaces pour les 15 prochaines années, souligne M. Groleau. À son avis, les villes devraient être tenues de respecter leurs engagements en matière de protection et de valorisation de la zone verte, tels que les plans de développement de la zone agricole et le Plan métropolitain d’aménagement et de développement. « L’encre n’est même pas sèche sur ces ententes qu’on est déjà à la Commission pour demander plus de territoire », dénonce-t-il.

La famille de Thimoté Croteau et Virginie Doucet représente un modèle à suivre pour les futurs « fermiers de L’Érable ». Gracieuseté de Solange Thibodeau
La famille de Thimoté Croteau et Virginie Doucet représente un modèle à suivre pour les futurs « fermiers de L’Érable ». Gracieuseté de Solange Thibodeau.

Une ouverture pour l’agriculture à temps partiel

Après sept ans de négociation entre les intervenants du monde municipal, agricole et gouvernemental, la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) a donné le feu vert à la construction de résidences en zone agricole dynamique pour des agriculteurs à temps partiel et dans le respect des fermes déjà en place. 

En février 2017, la Commission a autorisé cette demande « unique et novatrice » de la MRC de L’Érable, une première au Québec. « C’est une grande ouverture de la part de la Commission, de déléguer ses pouvoirs à une MRC pour autoriser de l’agriculture à temps partiel », reconnaît Solange Thibodeau, conseillère au développement agroalimentaire à la MRC. « Il y a quand même beaucoup de critères à respecter. Ça ne prend pas juste trois érables et deux lapins », illustre-t-elle. La MRC a mis en place un « paquet de mesures d’accompagnement et de mentorat » pour bien encadrer ses néo-ruraux, qui formeront la nouvelle « communauté de fermiers de L’Érable ».

La MRC vise les jeunes familles afin de valoriser ses 1 246 terres inoccupées.

Début avril, deux premiers projets ont été autorisés, l’un en cultures commerciales, l’autre en acériculture et en foresterie. Ceux-ci permettront de revitaliser la campagne de Princeville. La MRC, qui a perdu 2 000 habitants entre 1986 et 2000, s’est fixé l’objectif d’établir 10 nouvelles familles par année.

En vertu de l’article 59 de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, la CPTAQ peut déterminer dans quelles conditions une MRC peut autoriser la construction de résidences en zone verte. À l’échelle de la province, plus d’un million d’hectares ont ainsi été rendus disponibles pour près de 38 000 résidences.

La productrice d’ail Isabelle Vachon souhaite construire sa résidence sur son lot situé en zone agricole. Gracieuseté d'Isabelle Vachon.
La productrice d’ail Isabelle Vachon souhaite construire sa résidence sur son lot situé en zone agricole. Gracieuseté d’Isabelle Vachon.

Agricultrice sans résidence

Une récente décision de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) soulève le mécontentement de toute une communauté, qui réclame maintenant la modernisation de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA). À Saint-Charles-de-Bellechasse, Isabelle Vachon souhaite construire sa résidence sur son lot situé en zone agricole afin de favoriser le développement de son entreprise de culture d’ail. Depuis une douzaine d’années, la dame s’active à remettre en culture une terre laissée en friche pendant 40 ans. L’agricultrice habite actuellement à 60 km de son site de production, ce qui complique les activités et la viabilité de son entreprise, Ail Bellechasse. 

À deux reprises, la CPTAQ a refusé son projet. Pour démontrer le sérieux de sa démarche, Mme Vachon a construit une grange sur son lot. Puis, l’automne dernier, elle a mis en terre plus de 50 000 caïeux d’ail en vue de la récolte de cette année. Dans sa plus récente décision, la Commission persiste et signe, alléguant que la principale occupation de Mme Vachon n’est pas l’agriculture. Pourtant, pour Isabelle Vachon, le fait d’habiter sur sa terre lui apporterait un meilleur contrôle de sa production, plus de ventes à son kiosque à la ferme et de meilleurs revenus, que la Commission estime néanmoins insuffisants. « Dans le rang, je ne sais pas s’il reste deux producteurs alors que moi, je veux m’implanter », plaide-t-elle. Dans son milieu, le projet a rallié l’Union des producteurs agricoles, la municipalité régionale de comté et Développement économique Bellechasse. Le refus de la CPTAQ a d’ailleurs mené les élus locaux à réclamer par résolution une « modernisation de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles ».

VOIR AUSSI
Protection du territoire agricole :  40 ans d’un éternel combat