Politique 29 novembre 2019

Le MAPAQ blâmé pour son inaction dans la lutte à l’antibiorésistance

Dans un rapport sur la gouvernance du Québec, la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, a notamment pointé du doigt l’inaction du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) sur la lutte à l’antibiorésistance chez les animaux destinés à l’alimentation humaine. Voici ce qui ressort de son rapport sur le sujet.

Les 7 constats

L’inexistence d’une stratégie au MAPAQ pour assurer un usage judicieux des antibiotiques en production animale;

Le manque de données sur les quantités d’antibiotiques utilisées ne permet pas au MAPAQ d’informer les agriculteurs pour qu’ils améliorent leurs pratiques;

La vérificatrice générale, Guylaine Leclerc.
La vérificatrice générale, Guylaine Leclerc.

Le MAPAQ tarde à proposer des règlements pour interdire ou restreindre les usages des antibiotiques reconnus comme non appropriés;

Aucun programme d’inspection n’a été mis en place pour surveiller l’application de la réglementation interdisant l’utilisation des antibiotiques de catégorie 1 à des fins préventives. Le MAPAQ effectue peu de contrôles pour s’assurer que les producteurs n’administrent pas un médicament à un animal sans détenir une ordonnance;

Le ministère tarde à mettre en œuvre le programme permettant aux intervenants du milieu agricole (incluant les agriculteurs) d’avoir accès aux sommes disponibles pour soutenir la lutte à l’antibiorésistance;

Le MAPAQ n’exerce pas de contrôle efficace auprès des exploitants de meuneries et des producteurs d’animaux d’élevage;

Le respect des concentrations de résidus d’antibiotiques permises dans les aliments n’est pas rigoureusement surveillé par le MAPAQ.

Manque de leadership

Le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, reconnaît le manque de leadership de son ministère dans ce dossier, mais indique qu’une importante étude sur l’utilisation des antibiotiques en santé animale est en cours. Il faudra cependant patienter jusqu’en 2021 pour en connaître les résultats.

Il n’existe actuellement aucun système centralisé de collecte de données sur l’usage des antibiotiques multiespèce au Québec et l’information est difficile à amasser, selon la présidente de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec (OMVQ), Caroline Kilsdonk, pour expliquer l’échéancier tardif de 2021.

En 2018, la Faculté de médecine vétérinaire (FMV) de l’Université de Montréal et l’OMVQ ont été mandatés par le MAPAQ pour évaluer la faisabilité d’un tel système.

« Nous réaliserons en 2020 plusieurs projets de démonstration pour résoudre des enjeux techniques, la standardisation de l’entrée de données par exemple, la compatibilité entre les logiciels existants, le consentement au partage de données, la gouvernance d’un tel système, etc., et pour en estimer le coût », soutient la coordonnatrice du projet à la FMV, Cécile Ferrouillet.

Actions à venir

Le cabinet du ministre soutient pour sa part que les données amassées par l’étude permettront d’orienter les actions du MAPAQ en matière de lutte à l’antibiorésistance, de fixer des cibles de réduction et d’évaluer l’efficacité des mesures mises en place. En attendant, André Lamontagne s’engage à respecter les sept recommandations contenues dans le rapport. 


Ce qu’ils ont dit…

« On revient encore au leadership du MAPAQ et il a un rôle à jouer [dans le dossier des antibiotiques]. Je pense que c’est ça le nœud du problème. Ça nous prend un ministère qui a plus de leadership, plus de vision et qui prend les problèmes à bras le corps et qui s’assure de les régler. »

– Émilise Lessard-Therrien, députée de Québec solidaire

« On comprend que la vérificatrice générale trouve que [le dossier des antibiotiques] n’est pas rendu assez loin. On est en travail continu pour progresser dans la voie de la diminution [des antibiotiques] et de leur usage judicieux. »

– Caroline Kilsdonk, présidente de l’OMVQ

« J’aimerais bien que le MAPAQ prenne un rôle plus actif dans l’utilisation judicieuse des antibiotiques en injectant aussi de l’argent pour nous aider à faire les vérifications [de l’utilisation des antibiotiques], parce qu’on s’est donné des règles et des objectifs au niveau de la filière porcine, et ça, on le fait en grande partie sur le bras des éleveurs. »

– David Duval, président des Éleveurs de porcs du Québec

« C’est sûr que la vérificatrice générale est sévère dans son rapport. Cela étant dit, ce n’est pas parce qu’il n’y a rien qui se fait. La volonté est là. »

– Luc Descôteaux, directeur de l’étude de faisabilité pour un système de monitorage pérenne de l’utilisation des antibiotiques en santé animale au Québec

Myriam Laplante El-Haïli, journaliste.

Le Prix de la noirceur remis au MAPAQ

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) a remis le Prix de la noirceur au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) pour le licenciement du lanceur d’alerte Louis Robert en janvier dernier. Ce prix a pour but de souligner le manque de transparence d’un organisme public ou sa réticence à collaborer avec les médias. Selon la FPJQ, le MAPAQ a eu un impact négatif sur la population en sévissant contre l’agronome qui avait dénoncé l’ingérence de l’industrie des pesticides dans la recherche. À la suite de ce congédiement, la FPJQ avait d’ailleurs demandé au gouvernement de modifier la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics.

Johanna Pellus, journaliste