Politique 5 mars 2018

Controverse autour de la recherche québécoise sur les pesticides

Le Parti québécois et l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ) se posent de sérieuses questions sur les pratiques qui ont cours au Centre de recherche sur les grains (CÉROM) en ce qui concerne la recherche relative aux néonicotinoïdes.

Rappelons que ces pesticides sont visés par un nouvel encadrement provincial qui exigera des producteurs d’obtenir une prescription pour justifier scientifiquement qu’ils sont nécessaires dans tel ou tel cas.

L’affaire du CÉROM a été dévoilée par des enquêtes distinctes du journal Le Devoir et de Radio-Canada, qui parlent d’une « crise » ayant notamment débouché sur le départ d’une dizaine d’employés, dont cinq à sept chercheurs au cours des deux dernières années. Selon diverses sources anonymes citées par ces deux médias, mais que La Terre n’a pu vérifier, la diffusion de certains travaux sur les néonicotinoïdes aurait été compromise par des pressions exercées par des membres de l’industrie qui siègent au conseil d’administration du Centre.

Ces deux enquêtes du Devoir et de Radio-Canada évoquent par ailleurs la question de l’intérêt du public dans la gestion de ce centre de recherche, considérant que les Producteurs de grains du Québec (PGQ) et La Coop fédérée y occupent cinq des dix sièges au conseil d’administration. Sur les dix membres de ce conseil, seulement trois sont indépendants.

Problèmes éthiques

« La situation soulève de sérieuses questions sur le plan de l’éthique, de la gouvernance, de la transparence et de la science. Je déplore le fait que le ministre avait une note en mains [sur les problèmes de gestion au CÉROM] et qu’il n’a pas agi », a mentionné André Villeneuve, porte-parole de l’opposition officielle en agriculture.

« Le travail des agronomes est basé sur la science et on a besoin de données solides qui proviennent du Québec », a indiqué Michel Duval, président de l’OAQ, qui précise qu’il n’accusera personne dans le dossier du CÉROM avant de faire « des vérifications ». Michel Duval parle néanmoins d’un « malaise » et estime que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) doit prendre cette question « au sérieux », d’autant que c’est lui qui finance la majorité des recherches.

Recherche indépendante

Christian Overbeek, président des PGQ, est directement interpellé par ces deux enquêtes journalistiques. Ce dernier a fait une seule déclaration publique par communiqué le 5 mars. « Le respect des mandats qui me sont attribués et le respect des mandats et des compétences des personnes que je côtoie sont la fondation de toutes mes interventions. Cela dit, comme président des PGQ, j’ai le devoir de faire valoir les positions et les préoccupations de nos membres dans l’espace public. L’indépendance de la recherche scientifique réalisée au CÉROM est au cœur de mes préoccupations », a-t-il déclaré.

« Les chercheurs sont autonomes et je n’entends absolument pas les censurer. La diffusion des résultats de recherche fait partie des livrables », a mentionné à La Terre Pierre Fréchette, directeur par intérim du CÉROM depuis le 12 février. Il ne se prononce pas sur ce qui s’est passé avant qu’il remplace le directeur Yanick Graveline. Le CÉROM ne voit pas de problème dans le fait que des membres de l’industrie et du gouvernement siègent à son conseil d’administration. « Les enjeux du secteur des grains sont discutés en collégialité et les besoins en recherche sont identifiés par les principaux acteurs du milieu afin d’en assurer la pertinence », a déclaré Pierre Fréchette par communiqué, le 1er mars.

En fin de journée, le MAPAQ et le cabinet du ministre Laurent Lessard n’avaient pas rappelé La Terre, et La Coop fédérée n’a pas voulu faire de commentaires sur le sujet.