Politique 25 septembre 2019

Auditions de la CAPERN – Jour 3

Les auditions de la Commission de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN) se sont amorcées le 23 septembre à Québec. L’objectif est d’examiner les impacts des pesticides sur la santé publique et l’environnement. La Terre est sur place.

Résumé de l’intervention de la FSAA de l’Université Laval

La Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation (FSAA) de l’Université Laval forme 85 % des agronomes membres de l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ), a indiqué le doyen Denis Roy en commission. L’éthique de l’agronome est enseignée dans deux cours durant la formation, soit celui sur les pratiques professionnelles en agronomie, qui étudie le code de déontologie de l’OAQ, et celui sur les enjeux éthiques de l’agroalimentaire.

En ce qui a trait aux pesticides, les étudiants doivent obligatoirement suivre le cours Pesticides et environnement depuis 2017, mais il est offert dans le programme depuis 1996 en option. En commission, la professeure qui donne ce cours, Josée Fortin, a souligné que ses étudiants étaient adéquatement formés pour pouvoir prendre des décisions éclairées sur le terrain. « Nos agronomes ont les connaissances, mais le message a de la misère à passer auprès des utilisateurs de pesticides au niveau de la santé. Juste le port de l’équipement de protection par les utilisateurs est un peu mis de côté alors que c’est primordial », a-t-elle souligné en parlant des producteurs.

« Assurément que la majorité de nos étudiants [en agronomie] ne visent pas à travailler au MAPAQ en services-conseils pour toutes sortes de raisons, dont les questions salariales. Avant, on voulait avoir des emplois bien rémunérés à long terme. Maintenant, ce que veulent les nouveaux étudiants, c’est un bon salaires, de bonnes conditions et le MAPAQ a assurément de la misère à recruter de bons conseillers », a fait valoir François Castonguay, directeur du programme d’agronomie de l’Université Laval.


Résumé des chercheurs en santé environnementale de l’Université de Montréal

La professeure de l’Université de Montréal Maryse Bouchard s’intéresse aux effets des pesticides sur la santé humaine et a présenté plusieurs recommandations aux parlementaires. D’abord, que le gouvernement du Québec évalue lui-même les risques des pesticides sur la santé grâce à un comité scientifique transectoriel formé uniquement d’experts indépendants. Pour financer plusieurs équipes de recherche, le gouvernement devra, selon elle, investir 10 à 15 M$ sur une dizaine d’années.

Ensuite, elle milite pour la tenue obligatoire d’un registre d’utilisation des pesticides à des fins agricoles. « Son utilité dépendra de l’accessibilité de ces données. Il est crucial qu’elles soient accessibles aux chercheurs afin de connaître quels pesticides sont épandus et en quelle quantité, à quel endroit et à quel moment. Il n’y a aucune raison valable pour que ces informations d’intérêt public demeurent cachées », a-t-elle nuancé en commission. Les croiser aux données médicales administratives permettrait d’établir des corrélations entre les pesticides et les maladies ou le développement des enfants dans une région donnée.

La professeure de l’Université de Montréal Maryse Bouchard. Photo : Myriam Laplante El Haïli.
La professeure de l’Université de Montréal Maryse Bouchard. Photo : Myriam Laplante El Haïli/TCN

Résumé de l’intervention de l’APNC 

En commission, le président du conseil d’administration de l’Association professionnelle en nutrition des cultures (APNC), également directeur général de Synagri, Sylvain Lavoie, a indiqué que son organisme regroupait les principaux détaillants agricoles du Québec comme Synagri, La Coop fédérée et William Houde. L’organisme avoue pouvoir faire mieux quant à la rémunération des agronomes qui desservent ses membres. L’APNC organise des conférences depuis plusieurs années sur la question où des experts en éthique, en conflits d’intérêts et en déontologie sont invités. Plusieurs de ses membres ont participé à l’enquête sur la rémunération effectuée par l’Ordre des agronomes du Québec et l’APNC adoptera, « si nécessaire », les recommandations du rapport à venir.

Les producteurs peuvent trouver la gestion des bassins versants et des bandes riveraines laborieuse, et pour les aider dans cette tâche, l’Association est en réflexion quant à la mise sur pied d’un fonds destiné à la protection de ces dernières.


Résumé de l’intervention des Producteurs de grains du Québec

L’intervention du président des Producteurs de grains du Québec, Christian Overbeek, a commencé sur les chapeaux de roues lorsqu’à la fin de sa présentation, il a mentionné que certains parlementaires avaient déjà pris position sur les enjeux de la commission. « On a entendu de la part de certains membres des propos qui ont une certaine tendance à tirer des conclusions vis-à-vis la Commission et nous souhaitons qu’ils n’expriment pas certains éléments avant la fin des auditions », a-t-il déclaré. Le président de la CAPERN, Mathieu Lemay, s’est empressé de préciser qu’aucune conclusion hâtive n’avait été formulée et que si des propos avaient été entendus, ils n’avaient pas été discutés avec les membres de la Commission.

L’organisation estime que la pression agroenvironnementale (pesticides, bandes riveraines et taxe carbone) coûterait 20 000 $ de plus à une ferme productrice de maïs et de soya sur 350 ha annuellement. Cette hausse se traduirait sur les prix, ce qui pourrait nuire à la compétitivité des producteurs sur le marché international. Les Producteurs souhaitent une politique ambitieuse pour soutenir la lutte aux ravageurs ainsi que des incitatifs financiers pour les efforts agroenvironnementaux déployés par les agriculteurs, notamment.

Photo : Myriam Laplante El Haïli
Photo : Myriam Laplante El Haïli/TCN

Résumé de l’intervention de l’INRS

L’Institut national de la recherche scientifique (INRS) a évalué l’effet de certains pesticides sur l’environnement. Le directeur général Luc-Alain Giraldeau a rappelé que son organisme effectue de la recherche indépendante pour le gouvernement. « L’IRNS vous annonce ici sa disponibilité à saisir ce nouvel enjeu stratégique pour la société québécoise. Avec de nouveaux chercheurs et en regroupant ceux déjà présents sur le territoire du Québec, l’IRNS pourrait très bien développer un centre de recherche interdisciplinaire sur l’environnement et l’agriculture », a-t-il affirmé.

Aux parlementaires, Valérie Langlois, professeure titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicogénomique et en perturbation endocrinienne, a rappelé le lien entre pesticides et cancers. En ce qui a trait à l’environnement, elle étudie actuellement la possibilité d’utiliser des bassins de captage des eaux d’irrigation afin que les pesticides présents s’y dégradent avant d’atteindre les bandes riveraines ou l’environnement.


Résumé de l’intervention du Consortium Prisme

Contrairement aux parlementaires, les méthodes de lutte intégrée promues par le Consortium Prisme, qui regroupe les clubs-conseils Prisme et DataSol et le centre de recherche Phytodata, sont bien connues des producteurs maraîchers de la Montérégie. Après 10 ans de recherche, Hervé Van Der Heyden, directeur scientifique de Phytodata, a relaté le prestigieux bilan de l’organisme : une diminution moyenne de 30 % des applications de fongicides grâce aux capteurs de spores et une réduction d’un peu plus de 50 tonnes de chlorpyrifos à l’aide des mouches roses de l’oignon.

Le financement « récurrent » reste toutefois le nerf de la guerre pour l’organisme. À lui seul, le développement de la technologie des mouches roses a coûté 2,8 M$.

Pour sa part, l’agronome Carl Dion-Laplante a souligné que l’accompagnement d’un agronome favorisait la rétention des pratiques de lutte intégrée chez un producteur. « Malheureusement, la rareté de la main-d’œuvre, mêlée aux conditions de travail exigeantes et aux responsabilités élevées des conseillers non liés, fait en sorte qu’ils se feront de plus en plus rares si leur travail n’est pas davantage valorisé et soutenu financièrement », a-t-il précisé.

Marc Van Winden, président de Prisme et producteur maraîcher, rappelle qu’il y a un coût associé aux services-conseils pour les producteurs et que les subventions sont plafonnées à 5 500 $/an. « Ce qui représente pour les maraîchers une très faible proportion de la facture », a-t-il affirmé. Les incitatifs devront être bonifiés pour les agriculteurs qui auront besoin des services d’un club-conseil.

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