Page conseils 26 janvier 2023

Véhicule lourd en surcharge : une responsabilité partagée entre l’expéditeur et le transporteur

Vous faites appel à un transporteur pour effectuer une livraison (ex. : bois, grain, lisier). Un contrôleur routier intercepte le transporteur et constate que la masse totale en charge excède la limite permise. Vous pourriez recevoir, au même titre que le transporteur, un constat d’infraction.

L’article 517.2 du Code de la sécurité routière (« CSR »)1 établit l’obligation, notamment pour l’expéditeur2, de fournir par écrit à l’exploitant du véhicule lourd (« transporteur ») les informations permettant d’établir la masse du chargement. Aucune exception ou exemption ne s’applique aux secteurs agricole ou forestier3.

Les éléments essentiels de l’infraction que doit prouver le poursuivant sont les suivants :

  • la masse totale en charge excède les limites imposées par le Règlement sur les normes de charges et de dimensions applicables aux véhicules routiers et aux ensembles de véhicules routiers4;

  • le chargement est considéré comme une charge entière aux fins du transport. C’est le cas, entre autres, lorsque tous les biens sont transportés pour le compte d’un seul expéditeur ou vers un seul lieu de destination;

  • l’expéditeur a omis de fournir par écrit au transporteur les informations lui permettant d’établir la masse du chargement.

Cette infraction, qualifiée de responsabilité stricte, permet à l’expéditeur de soulever une défense de diligence raisonnable, en démontrant qu’il a pris tous les moyens raisonnablement possibles pour éviter de commettre l’infraction5. Toutefois, selon la jurisprudence, les difficultés vécues par l’expéditeur pour se conformer à l’obligation prévue à l’article 517.2 du CSR ne sont généralement pas retenues. Évidemment, l’issue d’un dossier devant le tribunal demeure tributaire d’un ensemble de facteurs, dont les faits mis en preuve.

D’ailleurs, l’expéditeur ne peut, par contrat, se dégager de sa responsabilité pénale6. Toutefois, l’expéditeur pourrait demander au transporteur de s’engager à rembourser le coût de toute amende qui pourrait lui être imposée.

Comment réduire les risques d’infraction

Concrètement, l’expéditeur peut contacter Contrôle routier Québec pour discuter des pistes à envisager pour préparer l’écrit remis au transporteur, afin d’établir la masse du chargement.

Si l’expéditeur n’est pas en mesure d’établir la masse du chargement, il doit néanmoins s’assurer que le transporteur n’est pas en surcharge, notamment en :

  • s’informant des normes de charges applicables, particulièrement en période de dégel, pendant laquelle des restrictions s’appliquent pour trois zones géographiques;

  • exigeant que les camions soient chargés sans atteindre leur pleine capacité7, de manière à prévoir une marge de manœuvre suffisante;

  • privilégiant le recours aux transporteurs qui s’engagent à utiliser un système permettant de mesurer avec précision la masse du chargement. 

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La chronique juridique est une vulgarisation de l’état du droit en vigueur et ne constitue pas une opinion, un conseil ou un avis juridique. Nous vous invitons à consulter un avocat ou un notaire pour connaître les règles particulières applicables à une situation donnée.

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Me Myriam Robichaud

Pratique le droit civil et administratif, est médiatrice accréditée en matière civile, commerciale et du travail et aux petites créances, et est membre du Barreau du Québec depuis 2011

 


1 RLRQ, c. C-24.2.

2 Un office de producteurs qui prend en charge la direction et le transport du produit pourrait être considéré comme un expéditeur puisqu’il retient les services du transporteur.

3 Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Rebec inc., 2021 QCCQ 337, par. 36 et 39. Notons toutefois que la Fédération des producteurs forestiers du Québec, appuyée par l’UPA, a déjà fait des représentations visant à mieux adapter cette disposition au contexte des opérations en forêt privée. Voir : Fédération des producteurs forestiers du Québec, « Infraction de surcharge : une responsabilité qui ne peut pas être assumée par le propriétaire forestier », Mémoire déposé dans le cadre de la commission parlementaire sur le projet de loi 165 modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, Décembre 2017.

4 RLRQ, c. C-24.2, r. 31.

5 Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Opérations forestières Carbonneau inc., 2019 QCCQ 325, par. 17.

6 Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Société d’exploitation des ressources des Monts inc., 2019 QCCQ 7077, par. 18.

7 Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Rebec inc., 2021 QCCQ 337, par. 38.