Hommage 31 octobre 2021

46 500 plants de camerises pour prospérer et rendre hommage à son père

SAINT–HYACINTHE – Marc-Antoine Pelletier et Emmanuelle Plante veulent devenir les chefs de file de la production de camerises. Ils y consacrent énormément d’efforts, eux qui ont mis en terre 46 500 camérisiers. Après cinq ans d’activité, la ferme roule sur les chapeaux de roues, inspirée par l’innovation du père de Marc-Antoine, un pionnier de l’agriculture biologique.

Les 15 hectares de camerises produiront bientôt près de 100 000 kg de fruits.
Les 15 hectares de camerises produiront bientôt près de 100 000 kg de fruits.

Marc-Antoine Pelletier ouvre la porte de sa grange et nous montre un immense congélateur rempli à craquer de plateaux de camerises. « Tout ça n’est qu’un début », dit-il avec le sourire, spécifiant que dans quelques années, lorsque ses 46 500 plants seront arrivés à maturité, la montagne de fruits sera dix fois plus élevée.

Même si la grange a été transformée en partie comme entrepôt, l’ancienne étable du grand-père de Marc-Antoine est encore visible. Un peu plus loin se trouve le tracteur modifié par son père afin de cultiver du maïs bio de façon atypique, soit en bandes de trois rangs. Cette grange a de l’histoire pour Marc-Antoine, qui incarne la cinquième génération de Pelletier à travailler la terre de 32,5 hectares située à Saint-Hyacinthe. Mais étonnamment, reprendre la ferme aussi vite ne faisait pas partie de ses plans.

Diplômé comme ingénieur, Marc-Antoine Pelletier travaillait à temps plein pour General Electric, notamment dans les barrages hydroélectriques, tandis que sa conjointe Emmanuelle Plante, qui détient une maîtrise en finance, travaillait pour Intact. « En 2015, je cherchais une façon de m’impliquer dans la ferme avec mon père. On a regardé la culture de baies de goji. On est finalement tombé en amour avec la camerise. Le plan consistait à planter cinq hectares de camérisiers et mon père continuait à cultiver le reste en grandes cultures biologiques, comme il le faisait. Mais, au printemps 2016, il est décédé subitement. Je me suis dit : “Qu’est-ce qu’on fait avec la ferme? (Je suis enfant unique.) Et qu’est-ce qu’on fait avec le projet de camerises : on le met en veilleuse ou on se lance?” », se remémore M. Pelletier. Avec émotion, la décision a été prise de continuer les grandes cultures biologiques de son père. Sa conjointe et lui ont également décidé de poursuivre le projet de camerises et même d’y aller le tout pour le tout en plantant 15 hectares au lieu des 5 initiaux.

Fiche technique

Nom de la ferme
Les Délices du Rapide

Spécialités
Camerises biologiques et grandes cultures bio

Année de fondation
2017

Noms des propriétaires
Emmanuelle Plante et Marc-Antoine Pelletier

Nombre de générations
5

Superficie en culture
32,5 hectares 

Frapper le mur

Ce projet de camerises était coiffé d’un soupçon de naïveté, avoue candidement l’agriculteur. Travailler à temps plein, élever une jeune famille et cultiver la terre entraînaient des conflits d’horaire notoires. « Même si Emmanuelle, ma mère et ma famille en faisaient beaucoup, je manquais de temps pour les cultures et je devais couper les coins ronds. Après deux ou trois ans d’accumulation de coins ronds (!), j’ai pris la décision en 2020 de laisser mon travail et de me concentrer sur la viabilité de la ferme », partage M. Pelletier.

Chefs de file de la camerise

Marc-Antoine Pelletier et Emmanuelle Plante visent haut pour leur ferme. Après avoir investi près de 400 000 $ dans l’implantation des camerises, ils procèdent présentement à une phase d’investissement d’un demi-million de dollars pour accroître leur productivité, avec l’achat d’une trieuse optique, d’une éventuelle récolteuse, etc.

Le développement de la mise en marché demeure l’autre point névralgique puisque les 15 hectares de camerises produiront bientôt près de 100 000 kg de fruits, à vendre! « Je ne peux pas dire que je m’assois à attendre que le téléphone sonne. Il faut trouver nous-mêmes les clients. Et si on veut tirer notre épingle du jeu, il faut aussi se diversifier en développant des produits plus nichés qui procurent de meilleures marges. On doit le faire d’ici deux ans maximum », indique M. Pelletier, qui se concentrera sur les produits congelés vendus directement en épicerie. Il veut également offrir de la camerise déshydratée pour l’industrie pharmaceutique et nutraceutique.

Son père en serait-il fier? « Je pense que oui, je le souhaite! Il a fait son chemin comme pionnier dans les grandes cultures sur billon et ensuite en bio avec ses méthodes culturales aux 90 pouces qui donnait du 14 tonnes de maïs à l’hectare. Des gens venaient ici s’inspirer de ce qu’il faisait. Je suis ses traces, à ma façon, dans un créneau différent. Notre mission, c’est la même : d’être les leaders, mais dans la camerise », conclut Marc-Antoine.


Fait maison

Ingénieur de formation, Marc-Antoine Pelletier a fabriqué lui-même certains équipements afin de diminuer les coûts. Il a modifié une vieille boîte à ensilage pour épandre le paillis sur ses 46 500 plants de camerises. Il a suffi d’enlever le toit et d’ajouter une chute latérale. Cette boîte à ensilage lui a coûté 1 500 $ au lieu d’un épandeur à paillis commercial neuf à 25 000 $. Lors de l’entrevue, l’agriculteur recyclait des pièces pour en faire un système hydraulique adapté au tracteur, qui enroulera les kilomètres de filets nécessaires à la protection des fruits contre les oiseaux. 

Le bon coup de l’entreprise

Prendre l’initiative d’investir et de planter, dès le départ, trois fois plus de plants de camerises que prévu afin d’obtenir une masse critique de fruits apparaît comme le meilleur coup de l’entreprise jusqu’à maintenant. Cette décision a incité Marc-Antoine Pelletier à délaisser son emploi pour se consacrer totalement à la ferme. Il est ainsi devenu plus productif et centré pleinement sur l’objectif de rendre l’entreprise pérenne et profitable. Les récoltes plus imposantes justifient l’achat d’équipements performants pour cultiver et conditionner les fruits, ce qui entraînera des économies d’échelle. Finalement, le fait d’avoir planté tôt un grand nombre de camérisiers procurera un avantage stratégique. « Il y a cinq ans, les gens ne savaient pas ce qu’était la camerise. Aujourd’hui, la demande ne fait qu’augmenter. C’est une culture qui prend trois à quatre ans pour donner une récolte, alors si nous voulions être prêts quand le bateau allait passer, il fallait commencer »,  dit M. Pelletier.