Actualités 22 avril 2019

La mouche rose stérile : une solution judicieuse

Le 12 octobre dernier, le Consortium productions en régie intégrée du sud de Montréal. (PRISME) a inauguré sa toute nouvelle usine à mouches roses. Ce bâtiment de 2 800 pieds carrés, situé à Sherrington et construit au coût d’environ 650 000 $, permettra d’en élever des dizaines de millions annuellement.

La compagnie de recherche Phytodata, qui fait partie du Consortium PRISME, travaille sur la mouche stérile de l’oignon depuis une quinzaine d’années. Dans les années 1990, le contrôle de la mouche de l’oignon (Delia antiqua) reposait principalement sur l’emploi de chlorpyrifos appliqué au semis, sans compter plusieurs traitements foliaires qui devaient être appliqués lorsque les dommages de mouches dépassaient 1 %. Déjà, à cette époque, même avec une utilisation d’un insecticide à base de chlorpyfiros trois fois supérieure à la dose permise, le contrôle des dommages était un échec.

Recherche

Dès 2002, les pertes causées par la mouche de l’oignon et l’utilisation massive des insecticides ont incité PRISME et Phytodata à développer des solutions de remplacement à ces produits, dont les mouches stériles. La technique consiste en une irradiation des mâles élevés en usine à l’aide de rayons ionisants, au stade de pupe, afin de les rendre stériles. Si un accouplement se produit, la femelle, une fois relâchée, pondra des œufs non fertilisés, puisque le mâle est infécond. La première étude de faisabilité sur cette technologie a été réalisée en 2004 par François Fournier, du Cégep Montmorency, avec l’aide des fonds du Conseil pour le développement de l’Agriculture du Québec (CDAQ).

Le financement de recherche et de développement durant une douzaine d’années assuré par divers programmes gouvernementaux ainsi que l’implication des producteurs membres du PRISME ont permis l’adoption de cette technique et l’abandon du chlorpyrifos au semis sur près de 60 % des superficies dépistées par le consortium tout en maintenant les rendements par rapport aux régies conventionnelles.

À l’été 2019, 21 agriculteurs de la Montérégie et 4 de Lanaudière auront recours aux mouches roses dans leurs champs d’oignons. Les essais de démonstration se poursuivront également en Ontario et des tests devraient être entrepris dès la saison 2020 dans l’État de New York, avec la collaboration de deux chercheurs de l’Université Cornell.

Coûts

En 2018, le coût moyen à l’hectare pour l’utilisation des mouches stériles s’est établi à 218 $ dans les oignons secs, sans compter la subvention accordée dans le cadre du volet 1 du programme Prime-Vert du ministère québécois de l’Agriculture pour l’achat des insectes. La maîtrise de la technique et la diminution des populations naturelles de Delia antiqua ont permis de réduire de près de 90 % le taux d’introduction (nombre de mouches stériles relâchées à l’hectare) depuis 2011. Plusieurs producteurs estiment que le coût de cette méthode est maintenant comparable à celui des insecticides chimiques. Par ailleurs, cette approche ne nécessite pas de prescription et donne la possibilité d’abaisser les risques associés aux insecticides sur la santé et l’environnement.

Le rôle de l’agronome

Avant de recommander l’emploi de mouches stériles à la ferme, l’agronome, en collaboration avec un entomologiste, doit effectuer un suivi des populations de mouches et identifier les espèces afin de confirmer et de quantifier la présence de l’insecte.

L’agronome encadre le producteur pour que celui-ci les utilise de façon optimale et qu’il les relâche à l’endroit le plus stratégique et au meilleur moment. Pour ajuster le taux de lâchers à long terme en fonction des besoins dans un plan de lutte intégrée, l’agronome assurera aussi un suivi de l’évolution des populations naturelles, des ratios mouches stériles/naturelles, de l’incidence des dommages et des espèces qui causent ces derniers. 

Les mouches roses en chiffres

  • De 10 000 à 80 000 mouches roses par hectare d’oignons secs sont relâchées par année;
  • Les superficies d’oignons bénéficiant de l’action des mouches stériles au Québec sont passées de 140 ha en 2011 à près de 750 ha en 2019.

Emmanuelle Lalonde, agr., agente de communication et de développement à l’Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ)

Carl Dion-Laplante, agr., PRISME

En collaboration avec Anne-Marie Fortier, biologiste, entomologiste M. Sc., directrice scientifique adjointe à la Compagnie de recherches Phytodata inc.