Actualités 22 juillet 2016

Trésors cachés dans les rangs : Estrie

D’un vallon à l’autre, la région de l’Estrie a tout pour ravir les touristes en quête d’exotisme et d’originalité. Par une trop rare journée de congé et au hasard d’une
balade, les agriculteurs se laisseront aussi prendre par la mise en valeur des produits de la ferme et les initiatives de leurs confrères.

La visite pourrait débuter par un arrêt à Gourmet par Nature, sur le chemin des Pères à Magog, sortie 115 de l’autoroute des Cantons-de-l’Est. France Hamel et son conjoint y tiennent une savonnerie artisanale depuis une quinzaine d’années. À la recherche d’un nouveau défi et désireux d’utiliser son vaste terrain en bordure du prestigieux lac Memphrémagog, le couple a mis en terre 200 plants d’argousiers. Fort satisfaisante, la première récolte de fruits a eu lieu l’automne dernier et a été transformée à la ferme. Gelées, confit d’oignons, moutardes et sorbets, huit produits aux baies d’argousier sont ainsi proposés.

« Notre but, explique France Hamel, ce n’est pas la grande distribution, mais d’être autonomes en transformation. Rien n’est fait que pour être mangé sur un bout de pain, sans colorant ou sucre artificiels. »

Pas facile de récolter les fruits de l’argousier. L’arbuste est muni d’épines acérées pour défendre ses précieuses baies. On doit couper le tiers des branches
 avec les fruits. Sectionnées en petits bouts de 18 à 24 pouces, elles sont immédiatement surgelées durant 48 heures. Les baies se détachent alors facilement, enfin presque. Il faut quand même trier le tout à la main. « Nous sommes des artisans passionnés », lance France Hamel, sans doute pour se donner du courage. C’est que la production d’un seul litre de jus de baies d’argousier nécessite 1 kg de fruits.

www.savondescantons.com

 

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Poussés dans le dos

L’estomac bien rempli, on reprend la route vers le centre-ville de Magog et le chemin de Fitch Bay via la route 141 (chemin d’Ayer’s Cliff). L’exploitation Au pied levé, un gîte à la ferme et une table champêtre, vaut le détour. Marie-Thérèse Bonnichon et Denis Carrier ont abandonné la ville pour y tenter la grande aventure de l’agriculture en 2008. Dans la cinquantaine avancée, le couple a vraiment le goût du risque. « On ne connaissait rien à l’agriculture, mentionne candidement Marie-Thérèse Bonnichon. Quand on a reçu notre tracteur, on s’est demandé de quelle bête sauvage il s’agissait. On l’a regardé pendant une journée! »

« Le premier été, ajoute-t-elle, on a passé notre temps à déplacer les clôtures. Après une semaine, les vaches avaient tout mangé et nous poussaient dans le dos. » Tous les animaux sont élevés à l’extérieur, une particularité de la ferme. Le troupeau de vaches Highland comprend une quarantaine de têtes, alors que les chèvres Boer pour la viande sont une vingtaine. Les pintades, oies, canards, dindes sauvages et les porcs s’y prélassent aussi. Les clients de la table champêtre et du gîte, une continuité de l’exploitation, sont les premiers à s’en régaler.

www.aupiedleve.ca

 

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Le local en vedette

Direction Ayer’s Cliff et le prestigieux lac Massawippi. Au centre-ville, les visiteurs pourront d’abord faire une halte à la nouvelle laiterie artisanale, La Pinte. L’entreprise vient tout juste d’ouvrir ses portes, rue Westmount. Les trois jeunes actionnaires, Dany Rouleau, Pascal Valade et Rémi Ducharme, ont misé sur les bonnes valeurs : favoriser la production locale et la responsabilité sociale.

« Nous utilisons la bouteille de verre consignée et les gens l’adoptent », se réjouit Dany Rouleau. La laiterie s’approvisionne principalement auprès d’agriculteurs de la région, dont un qui pratique l’élevage de Jersey. Éventuellement, elle offrira aussi du lait de brebis. Les consommateurs de Sherbrooke, de Magog et de Bromont peuvent retrouver les bouteilles de La Pinte dans les épiceries IGA et Metro. « Sur notre terrasse, souligne Dany, les gens peuvent aussi déguster un scone avec un bon verre de lait ou un milk shake. »

www.lapinte.ca

 

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Toujours au centre-ville d’Ayer’s Cliff, la boucherie Face de boeuf met en vente une viande produite localement. L’établissement appartient à la famille d’Alain Bouffard, un producteur de bovins de la région. En plus de fournir plusieurs boucheries, l’éleveur écoule la viande provenant de son troupeau de 1 500 à 1 800 têtes. Il possède également une seconde boucherie dans l’arrondissement de Bromptonville. Une troisième, cette fois munie d’une salle de découpe, devrait aussi bientôt voir le jour dans l’arrondissement Rock Forest. L’homme, qui a été devancé par Mario Côté à Asbestos, rêve un jour de posséder son propre abattoir.

Alain Bouffard se spécialise également dans les fourrages. Chaque année, il produit jusqu’à 300 000 petites balles rectangulaires, exportées à 98 % en Floride. Outre ses vastes entrepôts, l’agriculteur a mis au point des séchoirs où près de 15 % de sa production est traitée. Il dit s’être inspiré d’un modèle au mazout d’un producteur de Mirabel. Ses séchoirs fonctionnent à l’électricité, un peu avec l’énergie solaire. « Le foin qui va partir pour la Floride et qui va passer trois jours dans un camion fermé, explique-t-il, on le fait ventiler quelques heures. »

Alain Bouffard, un père de 12 enfants, a le plaisir d’en compter une dizaine en agriculture, dont la majorité auprès de lui. Il pense avoir réussi à combiner les points forts de son beau-père, « un bon cultivateur », avec ceux de son propre paternel, « un bon père », mais piètre agriculteur. « J’inscrivais mes gars au baseball, mais ils aimaient mieux m’aider », s’amuse-t-il aujourd’hui.

www.boucheriefacedeboeuf.com

 

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Soya 2.0

Par la route 143 jusqu’à la 208 (chemin de Hatley), le visiteur se dirige ensuite vers Compton jusqu’au chemin Dion. À quelques kilomètres de l’intersection, le centre de grains de la familleVaillancourt saute vite aux yeux. Les frères Stéphane et Sébastien sont d’ailleurs en train de mettre la touche ;nale à leur nouvelle salle de traitement du soya. Nemanque plus que le raccordement électrique par Hydro-Québec afin de produire un tourteau pour l’alimentation animale. « Nous avons un procédé de pression à froid, typiquement européen », explique Stéphane, qui sera chargé du traitement. De son téléphone cellulaire, il pourra contrôler toutes les opérations à distance. C’est le soya 2.0!

Aux dires des frères Vaillancourt, leur procédé permet de conserver un peu d’huile, ce qui augmente d’autant la valeur énergétique du tourteau. Le centre pourra traiter le soya cultivé en région, comptant déjà sur les 2 000 tonnes produites par les membres de la famille élargie.

« Nous visons l’autonomie alimentaire pour notre troupeau de 450 têtes, ajoute Stéphane. À la Bourse, le prix est aléatoire. Avec notre plan, on va régulariser le prix et l’alimentation. Il y a aussi de l’engouement pour notre tourteau en région. Comme producteurs, on vise aussi la proximité. Avec le récent prolongement de la 410 à Sherbrooke, nous ne sommes plus qu’à 10 minutes d’une autoroute. »