Actualités 16 août 2019

Lait : 345 M$ en compensations d’ici la fin de l’année

COMPTON — Les quelque 11 000 producteurs de lait du Canada se diviseront 1,75 G$, dont 345 M$ cette année, en guise de dédommagement pour les accès à leur marché intérieur concédés par Ottawa dans les ententes de libre-échange avec l’Union européenne et les pays de la zone transpacifique.

Le 16 août, la ministre fédérale de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, a fait l’annonce de ce qu’elle a appelé des « compensations pleines et équitables » dans sa circonscription électorale de l’Estrie, plus précisément à la Ferme Valley Clan de Compton.

Détail des versements

Pour la première année, les compensations seront versées sous forme de paiement direct par la Commission canadienne du lait en fonction du quota détenu par chaque ferme laitière pour un soutien approximatif de 315 $/kg de matière grasse. Le versement devrait être fait d’ici la fin de l’année. Les modalités de versement pour les sept années subséquentes du programme n’ont pas encore été déterminées.

Autant la ministre que les représentants des producteurs s’entendaient pour dire qu’il aurait été préférable qu’aucune part de marché sous gestion de l’offre ne soit concédée plutôt que de dédommager financièrement les agriculteurs. « Aucune autre part de marché laitier ne sera cédée dans les prochains accords que nous négocions », a-t-elle promis.

L’aide de 1,75 G$ concerne les pertes liées à l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG) et au Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). Le programme ne dédommage cependant pas les producteurs pour les dernières concessions accordées aux États-Unis dans le cadre de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). La ministre a toutefois promis de compenser les éleveurs pour l’ACEUM, une fois l’entente ratifiée.

Réaction des producteurs

Bien que satisfait de l’aide financière annoncée, le président des Producteurs laitiers du Canada, Pierre Lampron, estime qu’« il ne faut pas que ça s’arrête là ». « On va suivre le gouvernement de près », a-t-il soutenu. En effet, les élections fédérales d’octobre prochain pourraient affecter la livraison du programme.

Pour sa part, le président des Producteurs de lait du Québec, Bruno Letendre, a promis d’être « extrêmement vigilant pour la suite des choses ».

Les autres secteurs

Les détails des compensations aux autres secteurs sous gestion de l’offre, soit les œufs et les volailles, feront l’objet d’une annonce ultérieure. Le président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec, Paulin Bouchard, voit cette première annonce d’un bon œil puisque « leur tour » va venir rapidement. « On comprend que le gouvernement ait commencé par les producteurs de lait [étant donné l’impact des derniers accords commerciaux]. On voit ça positif, car il semble annoncer de vrais sous. C’est encourageant pour nous, de voir que ça progresse. On pense qu’on serait traités équitablement nous aussi », a-t-il indiqué.

De leur côté, les producteurs de lait de chèvre et de brebis ne toucheront pour l’instant aucune compensation, et ce, malgré la compétition accrue des importations de fromages européens prévues à l’AECG. Les transformateurs de lait, d’œuf et de volailles restent aussi sur leur appétit, mais la ministre Bibeau a affirmé qu’ils ne seraient pas oubliés.

Méfiance

De nombreux producteurs de lait de l’Estrie se sont déplacés à l’événement pour entendre la ministre dévoiler la promesse tant attendue. Plusieurs se sont dits satisfaits que les sommes prennent la forme d’un soutien direct plutôt que d’une aide à l’investissement, rappelant le fiasco du précédent Programme d’investissement pour fermes laitières (PIFL), dont un peu plus de 3 300 producteurs ont pu bénéficier. Certains demeuraient toutefois sceptiques face à la promesse des Libéraux de ne plus utiliser la gestion de l’offre comme monnaie d’échange dans les accords commerciaux. « On va toujours être aux aguets », a mentionné à La Terre Marcel Blais, vice-président des Producteurs de lait de l’Estrie. Son confrère Guillaume Nadeau doutait aussi de la sincérité du gouvernement. « Je ne le crois pas. Les Américains et les Européens ont déjà le pied dans la porte. C’est difficile de reculer dans ce cas-là et il y a le Mercosur et le Brexit qui s’en viennent. »