International 25 novembre 2022

Un peu d’Afrique

SAINT-HYACINTHE – Depuis son arrivée au Québec en 2013, Chirel Ndounna multiplie les initiatives. Un diplôme d’études professionnelles en culture biologique et un autre en grandes cultures en poche, l’homme de 42 ans, originaire du Cameroun et du Bélize, produit une large variété de petits fruits sur ses terres montérégiennes et, depuis l’an dernier, quelques légumes d’origine africaine pour répondre à la demande locale.

La cameline fait partie des variétés que veut développer  Chirel Ndounna, sur ses terres de Saint-Hyacinthe.
La cameline fait partie des variétés que veut développer Chirel Ndounna, sur ses terres de Saint-Hyacinthe.

La configuration des trois hectares et demi de terre que possède Chirel Ndounna, sur le 3e rang à Saint-Hyacinthe, pourrait changer d’allure l’an prochain. Les Jardins bio de Chirel produisent déjà de l’amélanchier, de l’argousier, de l’aronia, de la camerise et du cassis. Depuis l’an dernier, des légumes un peu plus exotiques diversifient encore davantage la végétation du verger. « J’ai fait un essai avec les amarantes, la molène noire et le ndolè [un légume-feuille originaire du Cameroun] », explique Chirel Ndounna.

Il s’agit d’un tout petit essai, reconnaît le producteur. L’idée consistait à mesurer l’intérêt des consommateurs d’origine africaine et des Caraïbes pour une production locale de ces légumes la plupart du temps achetés de l’étranger. 

« Je me suis rendu compte que les Africains dépensent beaucoup d’argent pour importer ces produits-là », raconte le producteur que le visionnement d’une vidéo, qui montre la ndolè cultivée dans de l’eau impropre à la consommation, a fini de convaincre de se lancer dans ce marché de niche. « Je me suis dit : “Pourquoi laisser les compatriotes africains et caraïbéens dépenser beaucoup d’argent pour importer des plantes qui pourraient les rendre malades alors qu’ils pourraient les trouver directement ici, sur place, à la ferme?” »

Des légumes prisés

La réponse des consommateurs paraît encourageante. La première récolte de légumes exotiques, dont l’aubergine africaine, s’est envolée comme de petits pains chauds, soutient Chirel Ndounna. « Le peu que j’ai produit s’est vendu très rapidement », affirme l’agriculteur, qui prévoit accorder plus d’espace réservé à cette nouvelle production. De 300 mètres carrés cette année, la superficie réservée aux légumes exotiques devrait atteindre un hectare l’an prochain. 

Ce sont de petits supermarchés spécialisés de Montréal, Laval et Gatineau qui se sont approprié l’essentiel de la production de cette année. L’entrepreneur mise cependant surtout sur la vente à la ferme pour développer ce créneau. Quelques heureux visiteurs de la ferme ont d’ailleurs pu se procurer le fruit d’une seconde petite récolte, cette année. 

En passant par Matane

L’ambition de Chirel Ndounna dépasse toutefois la production de légumes africains. L’huile de cameline se trouve aussi dans sa mire. « J’ai commencé à en cultiver quand j’étais à Matane », raconte le producteur, qui s’est aussi arrêté en Angleterre et au Japon avant d’accrocher son chapeau au Québec, il y a près d’une décennie. C’est à cet endroit, situé entre mer et montagnes, qu’il fait la connaissance d’un Belge qui travaillait à un projet de culture de la cameline, une plante cultivée depuis des millénaires dont les graines sont reconnues pour donner une huile particulièrement riche en omégas 3, 6 et 9. « Je me suis dit : “Pourquoi ne pas en produire en Montérégie?” » s’est une nouvelle fois demandé ­l’entrepreneur qui ne semble perdre aucune occasion d’affaires. 

Là encore, le producteur de fruits et de légumes biologiques mise sur la fraîcheur pour se démarquer. « L’huile importée est déjà oxydée lorsqu’elle se retrouve sur les tablettes des supermarchés, étant donné le temps qu’il faut pour qu’elle arrive au pays », croit le producteur. « L’huile que nous proposons ici, en Montérégie, est extraite au moment où vous appelez pour la ­commander », souligne Chirel Ndounna. « Ce court délai entre l’extraction de l’huile et sa consommation assure le client d’un produit qui possède encore tous ses nutriments, en plus de l’odeur de la graine », insiste l’agriculteur, à l’évidence soucieux de limiter l’empreinte environnementale de ses activités.

Claude Fortin, collaboration spéciale


Cet article a été publié dans notre cahier spécial Fruits et légumes du Québec, paru dans La Terre de chez nous du 9 novembre 2022.