International 9 mars 2020

Les États-Unis s’attaquent à l’empreinte environnementale de leurs agriculteurs

Le secrétaire américain à l’Agriculture, Sonny Perdue, en a surpris plus d’un au 96e Forum annuel sur les perspectives agricoles le 20 février en annonçant les prochaines cibles du département américain de l’Agriculture (USDA) : augmenter la production de 40 % tout en réduisant de moitié son empreinte ­écologique agricole d’ici 2050.

« Pour un pays qui est mené par un président [dont on connaît les positions] sur les changements climatiques, le fait d’entendre Sonny Perdue parler d’énergie renouvelable, d’eau et d’empreinte carbone est quelque chose d’assez fascinant », a indiqué le conseiller principal en agriculture et en agroalimentaire à la Banque Nationale du Canada, Vincent Cloutier, à son retour de Washington.

Les cibles dévoilées par Sonny Perdue s’inscrivent dans un plan intitulé Agriculture Innovation Agenda, qui vise à réduire de moitié l’empreinte carbone du secteur agricole américain. L’USDA compte améliorer notamment la séquestration du carbone par l’entremise de la santé des sols et de la foresterie, mettre à profit les pratiques agricoles innovantes et les nouvelles technologies, puis miser sur les énergies renouvelables (éthanol, biodiésel et biomasse). Le plan prévoit aussi réduire le gaspillage alimentaire de 50 % d’ici 2030 et accroître la qualité de l’eau d’ici 2050.

Récolte de données environnementales

Grâce à sa collecte de données, Washington dit monitorer la productivité des agriculteurs américains de près, « mais du côté de l’environnement, il y a du rattrapage à faire », souligne l’USDA par voie de communiqué. David Tougas, coordonnateur à l’économie et au commerce à l’Union des producteurs agricoles, fait remarquer que Sonny Perdue n’a pas mentionné de quelle manière ces nouvelles données seront utilisées. « On peut penser que celles-ci pourraient notamment aider à calculer des gains environnementaux issus de nouvelles pratiques [chez certains producteurs] », souligne-t-il. Il précise que l’USDA pourrait par la suite instaurer des programmes incitatifs pour favoriser l’implantation de ces nouvelles pratiques à grande échelle. 

Les perspectives agricoles américaines en bref

Voici ce que retiennent David Tougas, coordonnateur à l’économie et au commerce de l’Union des producteurs agricoles (UPA), et Vincent Cloutier, conseiller principal en agriculture et en agroalimentaire à la Banque Nationale du Canada, du 96e Forum annuel sur les perspectives agricoles américaines qui s’est tenu à Washington les 20 et 21 février.

Des Américains confiants pour 2020

L’année 2019 aura été marquée par des événements météorologiques tels que des pluies abondantes et des chaleurs excessives, et par les tensions commerciales avec la Chine. La mauvaise température a réduit les superficies ensemencées de grains, notamment de 16 millions d’acres de soya l’an dernier. « On se dit aux États-Unis que les choses ne peuvent pas être pires en 2020 et qu’il y a un haut niveau de confiance pour l’année à venir », rapporte Vincent Cloutier. En 2020, les Américains anticipent un retour à la normale des rendements dans le grain et une croissance de la productivité dans le porc et le lait notamment. Le revenu net des fermes américaines devrait connaître une légère augmentation et les prix ne subiront pas de soubresauts, a observé David Tougas, à Washington.

La consolidation laitière se poursuit

La consolidation se poursuit dans le secteur laitier américain. En 1997, 3,5 millions de vaches produisaient du lait dans des entreprises de 100 têtes et moins, alors qu’aujourd’hui, 5,5 millions le font dans des entreprises de 1 000 têtes et plus. « La production a vraiment fait un transfert des PME vers les très grandes entreprises », constate David Tougas. En 2019, 80 % des fermes laitières américaines n’étaient pas capables de faire face à leurs coûts de production. « Ce sont les grandes entreprises qui ont plus de chances de couvrir leurs coûts de production et ce sont elles qui assurent la très grande majorité de la production laitière », observe pour sa part Vincent Cloutier.

Accord avec la Chine

Les États-Unis et la Chine ont signé la première phase d’un important accord de commerce à la mi-janvier, dans lequel l’Empire du Milieu s’est engagé à acheter à terme 40 G$ de produits agricoles américains par année. Or, avant les tensions commerciales, les États-Unis n’exportaient que 23 G$ de leurs produits en Chine. En prévision de cet accord, les agriculteurs américains ont augmenté la productivité en 2019 et la croissance se poursuivra en 2020. « Encore faut-il que l’entente se concrétise [parce que sinon], ça va engendrer des problèmes », souligne Vincent Cloutier. Si les tensions commerciales devaient toutefois se prolonger en 2020, l’offre américaine pourrait surpasser la demande mondiale et causer une pression à la baisse sur les prix au Québec dans les secteurs du grain et du porc.