International 28 novembre 2018

La guerre de Trump affecte le Québec

Après des années difficiles, l’année 2018 laissait entrevoir une embellie pour les producteurs de porcs du Québec. C’était sans compter sur les ambitions du président des États-Unis de lancer une guerre commerciale contre l’acier et l’aluminium étrangers. La tempête qui s’ensuit affecte divers marchés agricoles, dont celui du porc.

En mars dernier, Donald Trump a décidé de taxer l’acier (25 %) et l’aluminium (10 %) du Canada, du Mexique, de l’Union européenne et de la Chine en vertu d’une obscure disposition de la Loi sur l’expansion du commerce de 1962, évoquant la sécurité nationale. Le Mexique et la Chine n’ont pas tardé à répliquer avec des tarifs punitifs sur plusieurs commodités américaines. Ces surtaxes de 20 et 25 % ont rapidement fait plonger le prix du porc américain, entraînant avec lui celui en vigueur au Québec. 

En quelques semaines, les cours du porc québécois ont dégringolé brutalement, du jamais vu en 20 ans! « Le prix a chuté de près de 50 % au début de l’été alors qu’habituellement, c’est à cette période qu’on fait les profits de l’année », se désole le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval. Depuis le creux du mois d’août, le prix au Québec a remonté, mais peine à dépasser le coût de production. Les Éleveurs évaluent les pertes entre 20 et 30 $/porc. Pour les animaux commercialisés depuis juillet, les dommages dépassent les 60 M$. 

Demande d’aide

Depuis la débandade de cet été, les Éleveurs de porcs réclament de manière urgente une aide gouvernementale d’au moins 50 M$. « L’assurance stabilisation des revenus agricoles n’est pas conçue [pour contrer] ces mesures protectionnistes », insiste David Duval, qui rappelle que le programme est financé au tiers par les producteurs eux-mêmes. De plus, les 863 M$ annoncés à la mi-août par Québec pour les entreprises qui subissent les répercussions des décisions de l’administration Trump ne prévoient aucune mesure particulière pour le secteur porcin, pourtant le plus touché par ce conflit, déplorent les Éleveurs. 

Même en Iowa, le cœur du Trump Land où se concentre le tiers de la production porcine des États-Unis, la dispute commerciale représente une facture salée. Pour l’ensemble de l’année 2018, les pertes liées aux entraves commerciales s’élèvent à près de 800 M$, soit 10 % de la valeur de l’industrie porcine de l’Iowa, calcule un groupe d’économistes renommés de l’Iowa State University. 

Pour limiter les dégâts, le gouvernement américain a mis en place un programme d’aide de 12 G$ US, incluant un paiement aux éleveurs de 8 $/porc pour 50 % de leur cheptel. Le département américain de l’Agriculture ne précise cependant pas la part des 12 G$ US qui sera réservée au secteur porcin.  

Trump divise pour mieux régner

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) se trouve sur la ligne de tir de Donald Trump. Cet organe qui dicte les règles du jeu en matière de commerce international se voit maintenant paralysé par le dirigeant américain. 

Il ne cache d’ailleurs pas sa préférence pour les ententes bilatérales, où les États-Unis peuvent pleinement user de leur rapport de force.

Selon l’Institut Cato, un think tank libertarien basé à Washington, l’OMC traverse actuellement une crise existentielle causée par « les tentatives d’intimidation du président Trump ». Les États-Unis bloquent ainsi la nomination des juges à l’organe de règlement des différends, une pierre d’assise de l’OMC. 

Parmi les 164 pays membres de l’OMC, les États-Unis et la Chine constituent deux poids lourds puisqu’ils dominent l’économie mondiale. En conséquence, la guerre qu’ils se livrent a également des conséquences sur ce tribunal. Les deux superpuissances étaient d’ailleurs absentes d’une réunion sur la réforme de l’Organisation, convoquée par le Canada les 24 et 25 octobre. Douze autres membres y participaient. Dans une déclaration commune, les 13 pays ont réaffirmé leur « soutien clair et ferme à l’égard du système commercial multilatéral fondé sur des règles ». 

Jugeant la situation actuelle à l’OMC non viable, ils se sont dits « profondément préoccupés par la montée du protectionnisme, qui a des conséquences néfastes sur l’OMC et qui met en péril l’ensemble du système commercial multilatéral ».

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