Actualités 18 décembre 2021

Soleil, soleil, montre tes fonctions!

Une étude de l’Université de l’Oregon démontre que l’ajout de panneaux solaires sur un pâturage amenait de nombreux bénéfices, sans pour autant réduire la productivité de la terre.

Cette recherche fait suite à d’autres études qui ont démontré que les terres agricoles dans les régions au climat tempéré sont des emplacements idéaux pour installer des panneaux solaires et en maximiser la productivité énergétique.

L’agrivoltaïsme, c’est-à-dire la combinaison de panneaux photovoltaïques et de l’agroalimentaire, est utilisée depuis quelques années en France, notamment dans le domaine de la viticulture. L’étude de l’Université de l’Oregon est toutefois la première à mesurer l’impact de l’agrivoltaïsme sur l’élevage.

Désireux de savoir si la productivité énergétique venait au détriment de la productivité agroalimentaire, les chercheurs ont installé des panneaux solaires sur des pâturages d’agneaux. Les panneaux étaient placés à quelques mètres du sol, de sorte que la végétation puisse profiter d’un ensoleillement suffisant pour pousser et que les agneaux puissent librement circuler en dessous. Pendant les saisons printanières de 2019 et de 2020, l’équipe d’Alyssa Andrew a comparé la croissance de deux troupeaux d’agneaux de la région de Corvallis en Oregon, l’un dans un pâturage agrivoltaïque, l’autre dans un pâturage à ciel ouvert.

Sur les deux années, les terres agrivoltaïques ont produit jusqu’à 38 % moins de cultures fourragères, l’alimentation de base des agneaux. Toutefois, les individus des deux troupeaux ont gagné le même poids pendant la même période. Comme les agneaux à l’étude pouvaient bénéficier de l’ombre fournie par les panneaux solaires, ils dépensaient moins d’énergie pour la régulation de leur température. Ils ont donc pu prendre la même quantité de poids, même si leur pâturage produisait moins de ce dont ils se nourrissent. L’étude a aussi démontré que les agneaux sur des pâturages agrivoltaïques consommaient moins d’eau que ceux sur une terre à ciel ouvert par moments plus chauds.

Au final, les rendements des pâturages se sont élevés à 1046 $ US par hectare pour les terres traditionnelles, comparativement à 1027 $ US pour les terres agrivoltaïques. Ce dernier montant ne tient même pas compte de la production énergétique générée par les panneaux solaires. « Ces résultats illustrent que l’agrivoltaïsme peut être un système agricole viable et durable », note Alyssa Andrew.

Jumeler agroalimentaire et énergie solaire semble être une voie d’avenir. De fait, les innovations pleuvent dans le domaine de l’énergie solaire. En 2018, l’Agence internationale sur les énergies renouvelables (IRENA) établissait que l’énergie solaire comptait pour 46 % des investissements en énergie renouvelable dans le monde, avec quelque 193 G$ dans l’amélioration des systèmes solaires.

Ces investissements permettent aux fabricants de réduire considérablement leurs coûts de production de panneaux solaires. « Avant, ce qui coûtait cher dans un panneau solaire, c’était les cellules [photovoltaïques]. On est passé de 10 $ le Watt à presque 25 sous. C’est une tendance irréversible et les prix vont continuer de baisser », explique Daniel Rousse, directeur des programmes d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique à l’École de technologie supérieure (ÉTS).

Le solaire, viable au Québec?

« Notre électricité est moins chère que partout en Amérique du Nord. […] Ce n’est pas tant une question de produire davantage que d’avoir une meilleure efficacité énergétique, donc non, je ne crois pas que c’est demain la veille que les gens vont installer du solaire au Québec », mentionne Daniel Rousse.  

En fait, le tarif de base d’Hydro-Québec pour sa clientèle résidentielle et agricole est de 6,159 sous par kilowattheure. Avec les périodes de pointe, le chauffage et différentes mesures tarifaires mises en place par la société d’État, le québécois moyen paiera son kilowattheure en moyenne 8 sous à la fin de l’année. Selon Eurostat, le prix moyen payé par kilowattheure dans l’Union européenne était de 30 sous en 2019.

Depuis le 1er décembre 2020, les quelque 1 000 producteurs en serre de la province bénéficient même d’un taux préférentiel de 5,59 sous le kilowattheure pour l’éclairage et le chauffage de leurs installations.

Efficacité plutôt que productivité

Le professeur de l’ÉTS, qui a aussi une expertise dans l’efficacité énergétique des volaillers, mentionne que des options peuvent réduire la facture énergétique. Dans le cas des poulaillers, il invite les producteurs à peindre leurs toits en blanc pour réduire la charge thermale, et donc l’ammoniac, dans l’air du poulailler. Cela améliore considérablement l’efficacité de la ventilation, et au bout du compte la qualité du produit.

« Évidemment, je ne suis pas expert de tous les domaines agroalimentaires, donc je ne suis pas prêt à dire que l’agrivoltaïsme n’a pas sa place au Québec. Chaque producteur devrait calculer sa période de retour sur l’investissement, et s’il est intéressé, des outils s’offrent à lui pour financer la réalisation », conclut Daniel Rousse. Un programme provincial intitulé ÉcoPerformance existe au Québec. Le programme aide les agriculteurs à financer des initiatives qui permettent de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, de l’ordre de 125 $ par tonne de CO2 économisée pendant 10 ans.

Par Victor Desilets

Cet article a été produit en association avec le cours Quête de sens journalistique, animé par Jean-François Gazaille à l’Université du Québec à Montréal