Actualités 18 décembre 2021

Payant pour les agriculteurs de cultiver leurs réseaux sociaux

À une époque où le magasinage en ligne est roi et où la publicité envahit nos écrans, le monde agricole doit aussi faire pousser son audience numérique. Être ami Facebook avec ses clients semble être un prérequis pour les petites fermes québécoises qui veulent s’inscrire dans leur génération et perdurer dans le temps. 

Au début de l’année 2021, une étude française de la firme Agrinautes concluait que plus des deux tiers des agriculteurs étaient présents sur les réseaux sociaux. Bien qu’il n’existe pas de données équivalentes pour le Québec, les experts consultés confirment que la situation est similaire de ce côté de l’océan.

« Maintenant, les fermes sont dotées de systèmes automatisés de pointe et les agriculteurs doivent connecter entre eux et avec le public pour survivre », explique Francine Rodier, experte en marketing agroalimentaire et directrice du Département de marketing à l’Université du Québec à Montréal. « Comme dans la population en général, certains agriculteurs sont nés dans le numérique; d’autres ne le sont pas et ils partent de loin. Mais il y a un renouveau, surtout avec les dernières générations qui reprennent les fermes familiales », reprend l’experte. 

Petite ferme demande grande connexion

Selon leur taille et leur capacité de production, les fermes utilisent différents moyens pour publiciser et marchander leurs produits. Les petites fermes ont souvent recours à ce que le jargon du marketing qualifie de circuit de distribution court. En d’autres mots, le légume passe du champ du producteur au panier du consommateur, sans intermédiaire. Pour ce faire, il est primordial pour l’entreprise de se bâtir une clientèle, et les réseaux sociaux sont le meilleur moyen de se rapprocher du public cible puisqu’ils permettent une interaction. 

« On n’est pas juste là pour sortir des légumes, on est là pour offrir une relation de fermiers de famille. Pour nous, c’est important que ce soit des posts qui soient « humains » », explique Laurence Harnois, copropriétaire de la ferme Les Carottés, située à Brigham en Estrie, qui cultive sur une surface d’un peu moins d’une acre. Des statuts quotidiens ou hebdomadaires sur Facebook permettent une connexion entre les petites fermes et la clientèle, même quand ce n’est pas jour de marché, ajoute Mme Harnois.

Toujours dans un objectif de proximité avec la clientèle et de transparence, certains producteurs maraîchers, comme Laurence Harnois, nourrissent leurs pages Facebook et Instagram de photos de leurs installations, de légumes saisonniers qui vont bientôt être offerts dans leur panier de produits hebdomadaires et de leurs équipes à l’œuvre. Une présence active sur les réseaux sociaux est un moyen simple, mais fort efficace de sensibiliser les gens au processus de production des aliments en plus de créer un sentiment d’appartenance et d’attachement à l’entreprise.

Récolter le fruit de la pandémie

La pandémie de COVID-19 a poussé une quantité impressionnante de jardiniers amateurs vers les pelles et les pioches. Ce regain d’intérêt pour l’agriculture s’est transposé dans les réseaux sociaux, puisqu’une profusion de vidéos ayant pour thème le jardinage ont fait surface sur des plateformes comme YouTube et TikTok. 

Laurence Harnois admet avoir observé un intérêt grandissant pour le jardinage, mais ne voit pas d’impact sur les entreprises agricoles elles-mêmes: « On n’a pas vraiment le temps de faire du contenu; notre job, c’est de faire pousser des légumes. » Si elle ne remarque pas non plus de changement dans les interactions en ligne avec les consommateurs par rapport à la période avant la pandémie, elle identifie de nouveaux venus dans leur bassin de clients. « On a remarqué qu’il y avait une nouvelle clientèle qui s’est développée et ça, c’est les gens qui ont eu le temps de penser pas mal à leur alimentation et qui ont décidé de faire le move vers un fermier ou une fermière de famille », commente l’agricultrice. 

De son côté, Francine Rodier estime que la pandémie a permis à certains de mieux identifier les producteurs locaux, ce qu’elle qualifie de « très rassurant ». Au courant de l’été 2021, elle a notamment travaillé avec GreenUXlab, un laboratoire de recherche canadien, pour développer une plateforme qui permettrait aux clients de trouver des producteurs. Un peu comme un Panier bleu, mais pour les fermes. « J’ai peut-être des œufs ou des légumes dans ma cour et je ne le sais même pas! Mais si je le savais, je l’encouragerais, le producteur », conclut Mme Rodier pour illustrer la demande dans ce secteur.

Par Alizée Balleux et Mathilde Cloutier

Cet article a été produit en association avec le cours Quête de sens journalistique, animé par Jean-François Gazaille à l’Université du Québec à Montréal