Forêts 25 avril 2022

Record de 9,54 livres à l’entaille

Le Québec se dirige vers une très grosse saison de production acéricole. Ici et là, des producteurs parlent de records, dont David Bolduc, dans Chaudière-Appalaches.

« Je viens d’atteindre 9,54 livres à l’entaille. J’ai même réussi à battre mon record de 2020! Et ce n’est pas fini, ça coule encore », exprime cet acériculteur reconnu pour appliquer une régie de production minutieuse. Il sait qu’un tel rendement lui vaudra des remarques sarcastiques. « Plusieurs me traitaient de menteur les années où j’avais 6 ou 7 livres à l’entaille, alors j’imagine [ce que ça va être] à 9 ou 10 livres! » Signe qu’un haut volume de sirop devrait être produit cette année dans l’ensemble du Québec, les régions de l’est, qui étaient encore couvertes de neige, commencent également à ouvrir les vannes. Voici le cinquième compte-rendu de la saison des producteurs suivis par La Terre.


Gracieuseté de David Bolduc
Gracieuseté de David Bolduc

David Bolduc, Chaudière-Appalaches
Fin de l’entaillage: 19 février
Première évaporation : 23 février
Rendement en date du 21 avril : 9,54 lb à l’entaille
Objectif de rendement : 7,5 lb à l’entaille
Nombre d’entailles : 3 225

« On a une saison extraordinaire : de grosses coulées, de gros rendements et le sirop est très bon. Nous avons beaucoup de plaisir à la cabane », résume David Bolduc, qui devrait s’approcher, avec sa conjointe Mado, de la marque incroyable de 10 livres à l’entaille. « Je tombe dans les défauts de saveur aujourd’hui. J’aurai au minimum neuf livres à l’entaille sans défaut de saveur et je m’attends à faire encore trois quarts ou une livre de sirop industriel », précise celui qui exploite 3 225 entailles à Saint-Jacques-de-Leeds. Au moment de l’entrevue, le 21 avril, il débutait l’aération de son eau d’érable en vue d’éviter, espérait-il, le goût de bourgeon. « Je travaille mon eau avec des colonnes d’aération. Ça peut aider, mais je ne retravaille pas le sirop, car quand il est rebouilli, c’est dangereux de masquer le goût de bourgeon et ensuite qu’il réapparaisse. Quand tu travailles juste l’eau, le goût reste stable », assure-t-il. David Bolduc ne se gêne pas pour produire du sirop industriel. « Beaucoup de personnes démonisent le sirop de bourgeon, mais ce sirop a une vocation. Il y a un marché pour ça et il est payé », indique-t-il. L’acériculteur mettra fin à sa saison lorsque le sirop sera difficile à faire circuler dans la presse. Son succès s’explique par différents facteurs, dont l’aménagement de l’érablière, lui qui a supprimé 700 entailles lorsqu’il a pris la relève de son père. « Certains ne le croient pas encore, mais faire de l’aménagement et enlever des entailles permet de faire encore plus de sirop », argue-t-il.   


Gracieuseté de Zoé Bisaillon
Gracieuseté de Zoé Bisaillon

Zoé Bisaillon, Montérégie
Fin de l’entaillage : 16 février
Première évaporation : 12 février
Objectif de rendement : 4,5 lb à l’entaille
Rendement final : 4,76 lb à l’entaille
Nombre d’entailles : 8 500

La saison des sucres est officiellement terminée pour Zoé Bisaillon, à Acton Vale. « On aurait pu continuer à faire du sirop de fin de saison, mais il ne nous restait plus de barils, on avait passé pas mal à travers notre réserve de bois et l’eau d’érable commençait à être brouillée. On a arrêté ça là », explique l’acéricultrice. D’autant plus qu’elle disposait encore d’une quantité de sirop de fin de saison de l’année précédente que son conjoint et elle utilisent dans la préparation de gin, de confit d’oignon, etc. Elle termine la période des sucres avec le sourire, elle qui vient ainsi d’égaler son record de production de 2020. La qualité constante du sirop se démarque cette année. « On a eu du sirop pratiquement parfait toute la saison », souligne-t-elle. De nouvelles saisons commencent pour elle, celles de la transformation des produits de l’érable et de son vignoble. Zoé Bisaillon commercialise pour la première fois son vin à l’érable vieilli deux ans en fût de calvados.  « C’est fait à 100 % de sirop d‘érable. Les fûts de calvados apportent un goût de pomme et de poire. C’est excellent », exhibe-t-elle. 


Gracieuseté de Sandra Gaudet
Gracieuseté de Sandra Gaudet

Sandra Gaudet, Témiscamingue
Fin de l’entaillage : 15 mars
Première évaporation : 21 mars
Rendement en date du 21 avril : 4 lb à l’entaille
Objectif de rendement : 4 lb à l’entaille
Nombre d’entailles : 600

« Ça coulait énormément la nuit dernière. On a rempli un réservoir de 500 gallons. C’est pas mal un record pour une coulée! Mon père nous a même appelés pour nous dire : ‘‘Venez-vous-en bouillir; c’est plein!’’ » raconte l’acéricultrice du Témiscamingue, propriétaire de l’Érablière les petits doigts collants. Les derniers jours lui ont apporté de généreux volumes d’eau. « Mais le jour, ça ne coule pas beaucoup. Nos érables travaillent de nuit, on dirait », constate-t-elle en riant. La saison est productive.

Mme Gaudet dit qu’elle allume l’évaporateur tous les deux jours. Une grosse journée de bouillage a même produit 110 litres de sirop. « On approche de notre 4 livres à l’entaille. J’ai dit à mon chum : ‘‘Il faut monter notre objectif au moins à 5 lb à l’entaille!’’ Surtout qu’on a remarqué depuis quelques jours de la pierre de sucre, même dans le concentré. Les vieux disaient que cela signifie qu’il reste encore un mois de sucre. On n’a pas fini! » partage-t-elle avec enthousiasme. Elle qualifie le goût du sirop de raffiné et d’exceptionnel. 


Gracieuseté de Bianka Pagé
Gracieuseté de Bianka Pagé

Bianka Pagé, Mauricie
Fin de l’entaillage : 25 février
Première évaporation : 24 mars
Rendement en date du 21 avril : 3 lb à l’entaille
Objectif de rendement : 4 lb à l’entaille
Nombre d’entailles : 4 000

Lorsque La Terre lui a parlé, le 22 avril, Bianka Pagé revenait d’un gala où elle a été finaliste pour le prix de l’entreprise agricole de l’année en Mauricie. Les derniers jours lui ont fourni des volumes d’eau d’érable intéressants, lui permettant de rattraper le retard. « Ce ne sera pas une saison exceptionnelle. On n’a pas eu de très grosses coulées et l’eau n’est pas très sucrée, soit environ 1,5 degré Brix. Mais c’est soulageant de voir qu’on n’aura pas une mauvaise saison non plus. On vient de dépasser le 3 lb à l’entaille », commente la copropriétaire, avec son conjoint, de l’Érablière Pagé-Savard et Filles, à Saint-Alexis-des-Monts. Il reste encore de la neige au sol, dit-elle, et un très léger goût de sève se pointe le nez. Elle produit un baril aux deux jours environ et espère que la saison s’étirera. Elle ne croit toutefois pas pouvoir atteindre son objectif de 4 lb à l’entaille. « On s’attendait à mieux, car on avait amélioré notre système de [cueillette d’eau] », admet-elle. 


Gracieuseté de Wesley Levasseur
Gracieuseté de Wesley Levasseur

Wesley Levasseur, Bas-Saint-Laurent
Fin de l’entaillage: 11 mars
Première évaporation : 21 mars
Rendement en date du 21 avril : 2,3 lb à l’entaille
Objectif de rendement : 5 lb à l’entaille
Nombre d’entailles : environ 200 000

« Ça coule assez aujourd’hui pour qu’on produise 100 barils. Avec l’eau que nous avons accumulée et celle qui devrait couler cette nuit, on devrait faire 150 à 160 barils demain », exprime avec une grande satisfaction Wesley Levasseur, qui exploite avec sa famille 200 000 entailles à Saint-Athanase. Les mots commençaient à lui manquer sous le poids de la fatigue, lui qui doit rester debout pour concentrer l’eau d’érable que les arbres lui livrent durant la nuit. En effet, lorsque ses deux réservoirs totalisant 60 000 litres de concentré à 16 degrés Brix sont pleins, il n’attend pas au lendemain et démarre tout de suite une deuxième concentration à 30 degrés Brix, qu’il entrepose dans d’autres réservoirs pour libérer les premiers. Son équipe arrive à 7 h le matin pour actionner l’évaporateur. « C’est notre routine », explique-t-il. Son record de l’an dernier, de 170 barils de sirop en une journée, pourrait être dépassé, anticipait-il à voir le volume d’eau qui entrait au moment de l’entrevue, le 21 avril. Les prévisions météo lui apportent beaucoup d’espoir. « Je serais très surpris qu’on ne fasse pas 5 livres à l’entaille. Je suis confiant qu’on sorte une bonne saison », dit celui qui a dépassé le plateau des 1 000 barils de sirop produits. « Le goût du sirop est très bon. On est dans le meilleur présentement », se réjouit M. Levasseur, qui produit environ 80 barils par jour en moyenne, ces temps-ci.