Forêts 28 septembre 2017

« Je suis un parteux de projets » – Julien Dupasquier

FRELIGHSBURG — Julien Dupasquier se définit comme un « parteux de projets ». Fils de producteur laitier de Montérégie, il rêvait de posséder un jour sa propre entreprise. En juin dernier, quand il a constaté que cinq millions de nouvelles entailles étaient disponibles, il a vu l’occasion de concrétiser son projet plus rapidement que prévu. Sans expérience aucune et en un temps record, il a remis en production une ancienne érablière de 3 300 entailles.

« C’est plus de travail que ce à quoi je m’attendais », reconnaît-il maintenant, ayant rencontré passablement d’imprévus. Dans sa naïveté toute millénium, le jeune homme de 25 ans croyait n’avoir qu’à appuyer sur des boutons!

Le nouvel acériculteur s’est plutôt retrouvé dans une véritable course contre la montre. Il n’a commencé l’installation de la tubulure que le 2 décembre 2016. En effet, l’automne dernier, en plus de devenir père, il se remettait d’une intervention chirurgicale à une jambe après avoir porté un plâtre durant quelques mois. De toute façon, il n’avait pas accès à l’érablière, louée par son propriétaire à des chasseurs de chevreuils. Avec des copains, il a terminé l’installation vers le 15 février, juste à temps pour la première coulée.

Cette première coulée a eu lieu le vendredi 17 février 2017. Sauf que Julien n’avait pas encore entaillé! Il s’est donc mis résolument à l’entaillage, qu’il a terminé six jours plus tard. L’acériculteur en herbe a mis son osmose en marche le 21 février et a réalisé sa première bouillée le lendemain.

Julien Dupasquier a commencé l’installation de la tubulure le 2 décembre et a produit son premier sirop d’érable le 22 février dernier. Crédit photo : Pierre-Yvon Bégin
Julien Dupasquier a commencé l’installation de la tubulure le 2 décembre et a produit son premier sirop d’érable le 22 février dernier. Crédit photo : Pierre-Yvon Bégin

« J’étais fier, surtout en pensant à toutes les heures passées [1 000] dans le bois, affirme-t-il. Voir le sirop sortir, c’était la phase finale d’un projet de 70 jours, au travers desquels il y a eu Noël, des jours à moins 20 degrés et des tempêtes de neige. Bien des journées, après quatre heures de travail, on quittait parce qu’on avait les gants et les bottes mouillés. »

« J’entaillais le matin, ajoute-t-il, puis l’après-midi j’installais l’équipement, les cheminées de l’évaporateur, le réservoir d’huile, je branchais les relâcheurs et l’osmose. C’était une production inconnue pour moi. »

Julien a aussi vite réalisé que pour faire de l’argent en acériculture, il faut posséder toutes sortes de compétences, notamment en plomberie, en électricité et en cuisine. Comme il avait acheté de l’équipement usagé, il a dû effectuer une vérification minutieuse de chaque appareil.

« À 100 $ l’heure, j’étais mieux de le faire moi-même », s’est-il dit.

C’est sur les sites Internet de petites annonces que Julien a trouvé ses pièces d’équipement. Leur récupération lui a permis de visiter le Québec : un évaporateur à Lac-Mégantic, un séparateur à Saint-Hyacinthe, un bassin à Saint-Prosper, une pompe vacuum à Granby et un relâcheur à Varennes.

Le néophyte a pris soin de sélectionner de l’équipement haute performance pour un haut vacuum de 27-28 po de mercure. Il a également veillé à choisir des appareils soudés à l’argon afin de se conformer à la future norme sur le plomb. Comme celle-ci entrera en vigueur d’ici trois ans, il savait que les grosses aubaines peuvent cacher de mauvaises surprises.

À l’intérieur de sa cabane, Julien Dupasquier est fier d’afficher le drapeau suisse et les traditionnelles cloches à vaches. Crédit photo : Pierre-Yvon Bégin
À l’intérieur de sa cabane, Julien Dupasquier est fier d’afficher le drapeau suisse et les traditionnelles cloches à vaches. Crédit photo : Pierre-Yvon Bégin

Se démarquer

Julien Dupasquier a obtenu un quota de 2,5 lb/entaille. Comme son érablière profite d’un microclimat favorable à Frelighsburg, il s’attendait à en produire le double. De fait, il a mis un terme à sa récolte le lundi 10 avril, fort satisfait de ses 1 300 gallons et d’un rendement moyen de 5,5 lb/entaille.

« J’ai tellement de sirop que je ne sais plus quoi en faire », confie-t-il, espérant écouler lui-même une bonne partie de sa production hors contingent. Situé en bordure de la route de Saint-Armand, il prévoyait installer un kiosque pour la vente directe. Cet été, Julien a aussi couru les marchés publics où il a pratiquement écoulé toute sa production. Les choses ont tellement bien tourné pour lui qu’il vient de louer une seconde érablière où il mettra 3000 nouvelles entailles en production le printemps prochain.

« Je dois innover pour percer un marché local déjà inondé de sirop d’érable, déclare-t-il. La façon de me démarquer, c’est d’appeler mon entreprise La Coulée Suisse. Les gens sont curieux et ça fonctionne. À moyen terme, je vais peut-être partir un food truck où je vais mélanger des recettes suisses, raclettes ou crème pâtissière, avec le sirop d’érable. »

L’érablière compte déjà près de 600 abonnés sur sa page Facebook, dont le tiers sont des résidents de Suisse. Certains ont même demandé comment s’y rendre pour venir faire bonne provision, étonnés d’apprendre que la Suisse produisait du sirop d’érable! Bien non! Il faudra venir vous régaler au Québec!

Ce texte provient de l’édition de septembre 2017 du magazine Forêts de chez nous.