
Tournée des sucres 2023 : quelques coulées pour se réchauffer
Le temps doux du début février a livré les premières coulées dans le sud du Québec, juste ce qu’il faut pour démarrer les équipements, effectuer un rodage du système et pousser les acériculteurs à terminer l’entaillage de leurs arbres. Cette année encore, La Terre suivra la saison des sucres de cinq producteurs de régions différentes. Voici la présentation de leurs installations et, pour certains, quelques mots sur la première coulée.
David Bourdeau, Montérégie
Objectif de rendement : 6,5 lb/entaille
Nombre d’entailles : 12 000
Les érables commençaient à se dégêner, le 15 février, chez David Bourdeau, à Havelock, près de la frontière américaine, en Montérégie. « Ça coule aujourd’hui! On va mettre les gars sur les fuites pour garder l’eau et préparer l’osmose pour la séparer », indique l’acériculteur, qui poursuit les travaux d’entaillage sur les 12 000 entailles qu’il exploite avec son père. Il anticipe une hausse d’efficacité cette saison en raison de l’acquisition de nouveaux équipements, dont un évaporateur au mazout 5 X 16 et un concentrateur par osmose inversée, qui devrait amener l’eau à 30 degrés Brix. Sa cabane, qui mesurait auparavant 12 X 15 mètres (40 par 50 pieds), a également été pratiquement doublé avec une extension de 12 X 13 mètres, elle est maintenant dotée d’un nouvel espace logeant des silos d’eau d’érable pour éviter que la chaleur du soleil ne dégrade l’eau. « Les gens vont dire qu’on est pas mal équipé pour une érablière de 12 000 entailles, mais on manque de main-d’œuvre et, l’an passé, je bouillais des heures à plus finir. Je suis en train de m’équiper pour bouillir quand je veux, en gardant mon concentré réfrigéré, car j’aime mieux passer plus de temps dans le bois que dans la cabane », exprime M. Bourdeau. Autre particularité : il a enfoui presque 1,5 kilomètre de maître-ligne. « Il y a des places qu’on a creusé 17 pieds dans la terre. Je ne voulais pas de station de pompage, et maintenant, tout rentre avec une seule pompe », explique celui qui travaille en excavation. Il vise un rendement de 6,5 lb/entaille. « Dans ma tête, c’est le minimum, car intérieurement, je serais un peu déçu », admet-il.
Alexandre Bourdeau, Outaouais
Objectif de rendement : 5 lb/entaille
Nombre d’entailles : 38 000
Alexandre Bourdeau venait de s’enlever une couche de stress grâce à cette première petite coulée du 15 février, qui lui a permis de mettre ses équipements en fonction. « Quand ça fait un an que ça n’a pas marché, c’est toujours stressant. Surtout que je suis le genre qui aime bien ça quand c’est en ordre vite. Présentement, on a commencé à collecter l’eau, rien pour s’énerver, car ça ne coule pas beaucoup et le taux de sucre est faible à 1,2 degré Brix, mais au moins, je sais que 75 % de mes machines sont fonctionnelles », commente l’acériculteur, dont l’érablière est située en terres publiques, à Lac-Simon. Ce dernier dispose d’un évaporateur 5 X 16 au mazout ainsi que des concentrateurs qui amènent l’eau d’érable à 32 degrés Brix. L’eau d’environ 14 000 entailles est dirigée vers une station de pompage munie d’un concentrateur à osmose contrôlé à distance. Le concentré est ensuite transporté par camion jusqu’à la cabane située 5 km plus loin. Alexandre Bourdeau aimerait atteindre son objectif de 5 lb/entaille, lui qui affiche une moyenne de 5,25 lb/entaille depuis qu’il a acheté en 2015.
Francis Roy, Chaudière-Appalaches
Objectif de rendement : 5 lb/entaille
Nombre d’entailles : 70 000 entailles
« C’est le début; on est vraiment dans les préparatifs », dit Francis Roy, qui était en train d’entailler, à Saint-Côme–Linière. Ce dernier exploite un total de 70 000 entailles réparties sur quatre sites de 5 000 entailles, un de 10 000, un autre de 15 000 entailles et finalement, celui de 25 000 entailles, où se trouve la cabane. Chaque site comprend un concentrateur par osmose inversée qui amène l’eau entre 12 et 15 degrés Brix, une stratégie qui limite les volumes transportés, les sites les plus loin étant à 30 minutes de route. La cabane dispose de deux évaporateurs, l’un électrique pouvant traiter 340 gallons de concentré à l’heure et l’autre, un modèle 6 X 18 au bois. « Ça sort trois barils à l’heure chacun », affirme M. Roy, qui possède l’entreprise avec son beau-frère. Des capteurs de fuite sont en place partout et ses installations sont « sur la coche », dit-il, spécifiant que chaque site est attitré à un employé. Ses employés travaillent d’ailleurs toute l’année dans une compagnie d’installation d’équipement acéricole dont M. Roy est aussi copropriétaire.
Les frères Laprise, Centre-du-Québec
Objectif de rendement : 3,5 lb/entaille
Nombre d’entailles : 29 000
Le projet de départ des frères Laprise, qui consistait à acheter une petite cabane à sucre de 2 000 entailles pour en faire un lieu de rencontre familiale, s’est transformé en une réelle entreprise acéricole, qui bouille l’eau de 29 000 entailles. « On n’avait jamais vu une bouilleuse de notre vie ni travaillé dans le bois avant », raconte Carl. Ils ont loué les lots des voisins, aménagé la forêt et obtenu du contingent. Pour la production, les Laprise ont acheté un terrain résidentiel à Lemieux, près de la route et des lignes électriques afin d’y ériger, en 2017, une cabane à sucre de 49 sur 18 mètres. Ils ont opté pour un évaporateur électrique 340, et concentrent l’eau seulement entre 8 et 12 degrés Brix, ce qui évite d’obstruer les membranes, précise François. L’eau d’érable est transportée par un maître-ligne sous-terrain de trois kilomètres. Circulant à plus d’un mètre de profondeur, l’eau se garde au frais, sans geler les tuyaux. Les Laprise ont un objectif de rendement de 3,5 lb/entaille. « On ne veut pas mettre la barre trop haute. L’eau n’est pas sucrée ici, car on a beaucoup d’érables rouges. C’est la nature. Et on est heureux avec ça », dit Carl.
Pascale Malenfant, Bas-Saint-Laurent
Objectif de rendement : 4 lb/entaille
Nombre d’entailles : 3 000
Âgée de 30 ans, Pascale Malenfant a acheté l’érablière familiale de 3 000 entailles, il y a trois ans, à Sainte-Rita, au sud-est de Trois-Pistoles. « C’est une passion depuis que je suis jeune. Il y a aussi une valeur sentimentale, car c’est une érablière qui est restée dans la famille depuis quatre générations », mentionne la mère de trois jeunes enfants. Ses érables sont dans « un méchant beau spot », dit-elle, dans un versant sud, près d’un lac. « Je fais pas mal tout de A à Z. Cette année, avec les enfants, je vais avoir besoin d’un coup de main pour partir ma saison, mais après, c’est moi qui bouille et qui m’occupe des fuites. Je n’ai pas d’employé », mentionne-t-elle fièrement. À l’occasion, elle téléphone à son père Martin pour des conseils. « Mais il ne peut pas vraiment venir m’aider. Il a sa propre érablière à quatre heures de route [l’érablière Escuminac en Gaspésie, de 65 000 entailles]. » Elle mise présentement sur un évaporateur au mazout qu’elle aimerait changer pour un modèle électrique et concentre l’eau d’érable à environ 17 degrés Brix. À son troisième printemps, elle aimerait obtenir un rendement de 4 lb/entaille. « Ou le plus possible, précise-t-elle, car j’aimerais vraiment grossir mon quota! »