Forêts 7 juin 2017

Des producteurs touchés témoignent des dommages

Ferland-et-Boilleau Près de La Baie, au Saguenay, Luc Gilbert comptait sur sa récolte d’arbres pour accroître ses revenus de retraite.

Mais il n’aura pas le montant prévu. « La tordeuse a attaqué les sapins. Je n’aurai pas le temps de tous les récolter avant qu’ils ne soient plus bons. Et le fait d’être obligé de les abattre avant qu’ils n’atteignent leur pleine maturité diminuera mon rendement à l’hectare », analyse-t-il. Technicien forestier de formation, M. Gilbert aurait aimé récolter sa forêt sous forme d’éclaircie, mais la tordeuse l’obligera à effectuer une coupe à blanc.

Un peu plus loin, Pierre-Maurice Gagnon a littéralement perdu son temps et son investissement dans une plantation d’épinettes blanches d’une quinzaine d’années; la tordeuse a dévoré les arbres jusqu’à leur mort. Non seulement le forestier n’en tirera aucun revenu, mais il devra couper les arbres, les laisser pourrir en andain, préparer le terrain et reboiser à nouveau. Les contribuables sont également perdants, puisque l’État avait subventionné une partie des travaux sylvicoles associés à cette plantation.

De malheureux souvenirs

Toujours près de La Baie, Jacques Lavoie possède près de 400 hectares de forêt qu’il aménage avec les membres de sa famille depuis plus de 60 ans. La moitié de la propriété est attaquée par la tordeuse. « Ça nous rappelle de malheureux souvenirs. Dans les années 1980, nous avions perdu pas mal de bois à cause de la tordeuse, et ça recommence », se désole-t-il. L’expérience du forestier lui a servi : il a réagi plus tôt face à cette nouvelle épidémie et a fait traiter une portion de son peuplement avec un insecticide. Les arbres ont apprécié, retrouvant leur couleur verte. « On a aussi engagé un entrepreneur avec une abatteuse à tête multifonctionnelle. On met le paquet pour couper le plus d’arbres possible, mais on ne réussira pas à tous les vendre, et on en perdra », assure-t-il.

La plantation sera rasée prochainement. « C’est dommage, car cette plantation aurait pu bénéficier encore de belles années de croissance, souligne le technicien forestier Marc-André Dion. En la coupant tout de suite, le producteur se prive d’un rendement de 25-30 m3 à l’hectare, d’une valeur de 750 $ l’hectare. »

La deuxième menace

Les propriétaires de forêts privées font aussi face à une autre menace : la perte de marché pour leur bois. Ils craignent que « la montagne de bois » provenant de la forêt publique et de la forêt privée surpasse les capacités de production des usines, qui auront ensuite beau jeu d’offrir un prix dérisoire ou de refuser carrément des livraisons.

Au Saguenay, le technicien Marc-André Dion précise que les compagnies ne sont pas friandes de sapin baumier, l’une des essences les plus touchées par la tordeuse. Le producteur Jacques Lavoie ajoute que la région n’a plus de débouché pour le bois résineux destiné au secteur des pâtes et papiers, contrairement à ce qui s’est produit au cours de l’épidémie précédente.

Charles-Edmond Landry, directeur du Syndicat des producteurs forestiers du Bas-Saint-Laurent, souligne un autre élément : les surplus de sous-produits. « Les usines ne réussissent pas à commercialiser les copeaux, la sciure et les planures. Les cours sont pleines. À tel point que certaines usines pourraient prochainement être obligées de ralentir ou même de cesser leurs activités », indique-t-il.

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