Forêts 15 mai 2020

Aux commandes de l’une des plus vieilles érablières du Québec

DONNACONA – Michel Beaudry raconte avoir choisi le nom de son entreprise agricole, Le Patriote, après s’être un jour adonné au visionnement d’un film sur la révolte de 1867 contre le conquérant anglais. Rien d’étonnant pour cet acériculteur féru d’histoire, qui est à la tête de l’une des plus vieilles érablières du Québec.   

En 1669, Léonard Faucher dit Chateauvert s’est installé là où ses descendants ont ensuite perpétué la tradition familiale. En bordure du Saint-Laurent, sur une parcelle située à Donnacona, dans la MRC de Portneuf, les lieux sont occupés par une même lignée depuis les débuts de la Nouvelle-France, soit 14 générations. C’est d’ailleurs sur la route Beaudry que la cabane à sucre est exploitée par ce clan tissé serré.

« Comme tous les colons, Léonard Faucher dit Chateauvert, qui a épousé une fille du Roy, comptait sur son érablière pour combler les besoins en sucre de sa famille tout au long de l’année. Je m’intéresse beaucoup au passé parce que mon grand-père, Aloysius, était très connaissant en géographie, en histoire et en politique. Il avait aussi une mémoire phénoménale », raconte Michel Beaudry. 

Après avoir cultivé la terre et trait des vaches pendant 53 ans, le septuagénaire ne conserve aujourd’hui que son érablière de 6 000 entailles et les lots à bois qu’il continue de bûcher en compagnie de son beau-frère. Voilà 16 ans, Michel a cédé ses terres agricoles à son fils aîné, Élie, et au printemps, c’est le deuxième de ses enfants, Josué, qui vient lui donner un coup de pouce pour « chauffer l’évaporateur ».   

Modernisation graduelle

« Quand je suis devenu propriétaire, en 1963, j’ai commencé avec 600 érables et par la suite, j’ai racheté plusieurs fois de la terre. Celle-ci s’étend maintenant du fleuve à la rivière Jacques-Cartier, indique le producteur acéricole. Durant les 15 premières années, j’ai utilisé des chevaux. En 1978, alors qu’Élie n’était âgé que de huit jours, nous nous sommes modernisés et la tubulure a fait son arrivée. »

L’été dernier, un évaporateur au bois à haute efficacité énergétique avec lave-pannes intégré a remplacé le finisseur et l’ancienne bouilloire de 6 pieds par 16. Ces vieux équipements – et d’autres accessoires également – ont dû céder leur place à du matériel répondant à la nouvelle norme californienne sur le plomb. Dans les années à venir, Josué envisage de hausser de 2 500 le nombre d’entailles.

En plus de la production en barils, les Beaudry transforment leur sirop en une dizaine de produits. « À mes tout débuts, le gallon se vendait 4,50 $ et le pain de sucre, 45 cents », souligne Michel Beaudry, plongé dans ses souvenirs. 

Tout reconstruire en un temps record

Le 5 mars 1981, un incendie ravage la cabane à sucre des Beaudry. « Tout était neuf depuis un an; il a fallu tout refaire en empruntant une somme de 10 000 $ à un taux d’intérêt de plus de 19 %, que nous avons heureusement pu rembourser rapidement », relate Michel Beaudry. Cette année-là, la saison avait été très hâtive, « le plus gros printemps du siècle », dit-il. Avec l’aide de bénévoles qui se relaient jour et nuit, une semaine seulement est nécessaire pour que les installations soient de nouveau fonctionnelles… et que la production reprenne ! 

C’est sur la route Beaudry à Donnacona, près de Québec, que la cabane à sucre est exploitée par ce clan tissé serré. Photo : Gracieuseté de la famille Beaudry
C’est sur la route Beaudry à Donnacona, près de Québec, que la cabane à sucre est exploitée par ce clan tissé serré. Photo : Gracieuseté de la famille Beaudry