Forêts 8 mai 2018

Une année de misère pour plusieurs

La récolte de sirop d’érable 2018 est pratiquement terminée, et le bilan s’avère décevant pour la plupart des régions de la province, avec des rendements nettement sous les attentes. 

La saison se résume aisément : la Montérégie, une portion du Centre-du-Québec et une bande de la rive nord du fleuve se sont maintenues pendant près de trois semaines consécutives dans un spectre de températures optimales. Les volumes de sève récoltés ont alors été aussi élevés que constants. Pendant ce temps, les acériculteurs des secteurs légèrement plus froids tapaient du pied : les arbres ne coulaient pas. Ces producteurs ont gardé espoir jusqu’à la fin, mais c’était trop peu, trop tard : mère Nature a mis un terme à la saison des sucres. Plusieurs ont à peine récolté le tiers de leur production habituelle.

Un sondage mené par la Fédération des producteurs acéricoles du Québec auprès d’une centaine de ses membres lui permet d’estimer la récolte 2018 à un peu plus de 100 millions de livres (Mlb). Un résultat bien en deçà des 150 Mlb récoltés lors des deux dernières années.

Témiscamingue – Une saison à oublier

« Dans la région, je dirais qu’en moyenne, on a 40 % moins de sirop que d’habitude. Chez moi, c’est notre pire saison depuis 1998. On a eu seulement 15 ou 16 jours de coulée et c’était de petites coulées », dit Yan Gaudet, qui a fini de recueillir l’eau de ses 25 500 entailles le 3 mai. Également représentant pour un équipementier de l’érable, il remarque que cette faible récolte n’encouragera pas les producteurs à investir, notamment pour se conformer à la réglementation sur la teneur en plomb du sirop.

Beauce – Une production 25 % plus faible

Un des bastions de l’érable, la Beauce, n’a pas connu une saison prolifique non plus. Marcel Larochelle s’attend à une production environ 25 % plus faible qu’à l’habitude pour l’ensemble du territoire. « Il manque 1 lb à l’entaille pour beaucoup de producteurs. Les érablières situées sur un versant sud, comme celle de mon voisin, ont par contre produit un nombre de barils qui approche leur moyenne », explique l’acériculteur et président du Syndicat des producteurs acéricoles de la Beauce. Il note que la saison a été particulièrement longue. « J’ai commencé le 25 février et j’ai arrêté le 27 avril. Deux mois avec de l’eau dans la bouilleuse, c’est long! Moi, je suis retraité, ce n’est pas si grave, mais ceux qui ont un autre emploi ou qui engagent des employés pour bouillir leur eau verront un impact [sur leurs coûts], c’est certain », explique-t-il.

Beauce

Capitale-Nationale – Les sucres ont duré 8 jours!

À Château-Richer, Pierre Dubois et sa conjointe ont récolté de l’eau d’érable seulement du 21 au 29 avril. « Nous sommes situés à 300 m d’altitude et nous nous sommes levés plusieurs matins en avril avec des -15 ou des -18 °C. Nous n’avons pas eu beaucoup d’eau… nous avons obtenu 1,4 lb de sirop à l’entaille », précise M. Dubois. Ce journaliste à la retraite, qui a déjà collaboré à La Terre de chez nous, souligne qu’une petite récolte nécessite la même somme de travail qu’une plus grosse, puisqu’il lui a fallu installer ses 2 000 entailles, tout nettoyer et désentailler. « C’est une saison difficile. Il faut beaucoup de passion, de la folie, même! » confie-t-il.

Pierre

Bas-Saint-Laurent – La pire récolte en 10 ans

La conseillère Andréanne Ouellet n’a jamais vu une aussi mauvaise récolte dans sa région. « On peut dire que c’est une année catastrophique! La situation est généralisée, de La Pocatière à la Gaspésie. Certains chanceux, dans des secteurs plus chauds, ont tiré leur épingle du jeu avec 3 lb à l’entaille, mais la majorité des producteurs ont eu moins que ça. Dans certains cas, on parle même de 0,5 lb à l’entaille », dépeint-elle.

Elle précise que le temps froid, combiné aux précipitations de neige – au lieu de la pluie –, est principalement responsable de cette mauvaise récolte. Certains producteurs tentent de sauver les meubles en récoltant jusqu’à la toute fin. « Des gens qui sont capables d’adapter leur méthode de bouillage lorsque la saveur change [vers un goût de sève] réussissent à aller chercher un peu de production. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde », décrit Mme Ouellet, du Club d’encadrement technique en acériculture de l’Est.

Estrie – Du sirop au goût de bourgeon à prévoir

Dans la région de Mégantic, en Estrie, Vincent Poisson vient de clore la saison avec 2,7 lb à l’entaille. « On a eu de belles coulées entre les 20 et 25 avril qui ont sauvé notre saison, mais ça demeure ordinaire », mentionne-t-il. En date du 3 mai, les érables coulaient encore chez lui, mais le goût de bourgeon l’a forcé à tout arrêter. Il s’attend d’ailleurs à ce que le Québec produise une quantité plus importante qu’à l’habitude de sirop présentant un défaut de saveur de type bourgeon. « C’est difficile pour certains producteurs d’arrêter de bouillir quand l’eau entre à plein tuyau. Alors, ils forcent la note et envoient du sirop avec un défaut de saveur. D’autres ne font pas exprès; ils ont de la difficulté à déceler le goût de bourgeon », explique M. Poisson, également conseiller au Club acéricole du sud du Québec.

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