Environnement 2 septembre 2014

Mascouche veut les exproprier pour un aéroport

Tel que publié dans La Terre de chez nous

Pour la troisième fois en quatre ans, des producteurs agricoles sont menacés d’expulsion pour faire place à un aéroport qui sera construit en zone verte.

 

 

En 2010, la Cour suprême a donné le feu vert à un aérodrome en zone verte à Shawinigan, en Mauricie, sans l’autorisation de la Commission de la protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ).

Plus récemment, à Neuville, près de Québec, un aéroport est apparu en zone agricole, en dépit des protestations des défenseurs des terres cultivables.

Il y a un mois, à Mascouche, le maire Guillaume Tremblay, ex-député péquiste dans la circonscription de Masson, et son équipe de conseillers, ont donné le feu vert à la relocalisation de l’aéroport de Mascouche… en zone verte.

Puisqu’il s’agit de dossiers qui tombent sous la juridiction de Transports Canada, les opposants se retrouvent chaque fois dans un cul-de-sac.

Mais cette fois, à Mascouche, on assiste à une levée de boucliers. La résistance s’organise. La Terreest allée voir, sur le terrain, si le monde agricole est sur une bonne piste.

« Quand tu apprends qu’on veut t’exproprier pour construire un aéroport sur des terres agricoles parmi les plus riches du Québec, ça te fait tout un pincement au cœur… »

Gilles Gouger s’interrompt. Le producteur âgé de 58 ans est étranglé par l’émotion. À ses côtés, sa femme, Denise, a peine à contenir ses larmes.

Le couple de producteurs agricoles vit des moments de grande tension. « On a l’impression que notre vie est en train de basculer, laisse tomber Denise Gouger. On s’endort en pensant à cet aéroport. On se réveille en y pensant encore. Et on se demande où on sera dans six mois, dans un an, à cause de ce même aéroport. »

« Je n’arrive pas à croire qu’on devra cesser d’exercer notre métier parce que le maire préfère les avions à l’agriculture », ajoute son mari.

Rappelons les faits.

Le 10 juin, le maire de Mascouche, Guillaume Tremblay, annonce en grande pompe devant la Chambre de commerce locale qu’il souhaite relocaliser l’aéroport de la municipalité afin de créer, sur ces terrains convoités qui bordent l’autoroute 640, à proximité du futur train de banlieue, un pôle industriel technologique.

Le lendemain, le couple reçoit par courrier express une lettre l’informant qu’un huissier lui livrera, le 13 juin, un « avis d’imposition de réserve foncière pour des fins publiques ».

En d’autres termes, on leur annonce que leurs terres classées 2, parmi les plus propices à la culture agricole selon l’Inventaire des terres du Canada (ITC), seront recouvertes d’asphalte pour permettre aux petits avions privés de décoller et d’atterrir sur le site du nouvel aéroport, dans leur cour. Et plus question de faire des travaux sur la propriété jusqu’à nouvel ordre, précise l’avis expédié par la municipalité.

« Je n’en reviens pas encore! s’indigne le producteur. Non seulement on veut prendre la terre de mon grand-père, mais on m’apprend que je ne suis plus maître dans ma maison. Il y a un mois, j’étais chez nous. Je ne le suis plus… »

Et sa femme d’ajouter : « On a l’impression de revivre ce qu’ont vécu les agriculteurs de Sainte-Scholastique quand on les a chassés pour construire l’aéroport de Mirabel. On comprend mieux aujourd’hui ce que ces gens-là ont traversé. »

Un goût amer

Le couple Gouger refuse néanmoins de baisser les bras. Et il a des appuis, tant à la Fédération régionale de Lanaudière de l’Union des producteurs agricoles (UPA) qu’au sein même de la population.
Une pétition contre la relocalisation de l’aéroport en zone verte a permis de recueillir 1 400 signatures en moins de deux semaines.

«On aimerait que l’ensemble du Québec nous appuie dans nos revendications », dit espérer Gilles Gouger.

« Il y a de sérieuses questions à se poser, avance sa conjointe, de son côté. Tout semble s’être négocié en catimini et nous avons le droit d’avoir des réponses. On nous a placés devant un fait accompli. Cela signifie-t-il que les villes peuvent faire n’importe quoi et s’appuyer sur les lois fédérales pour planter devant nous des aéroports pour des pilotes du dimanche? »

Choqué

À la Fédération régionale de l’UPA de Lanaudière, Marcel Papin ne cache pas son profond malaise face à la position adoptée par le maire Guillaume Tremblay et son équipe de conseillers municipaux.
« C’est choquant », résume-t-il. Il dit avoir tenté de les faire fléchir, sur le choix du site pour l’aéroport, lors d’une rencontre d’une durée d’une heure à laquelle a pris part le directeur général, Claude Perrotte, et où « tout le monde est resté sur ses positions ».

« Mais nous allons défendre l’intégrité du territoire agricole bec et ongles », annonce le producteur et syndicaliste.

Cela pourrait passer par une intervention du Fonds de défense professionnelle de l’UPA. « On songe à porter cette cause devant les tribunaux », dit-il sans préciser davantage sa pensée.

Parce que le couple Gouger n’est pas seul à mener bataille pour empêcher l’administration du maire Tremblay de faire poser les aéronefs en sol cultivable. Un autre producteur, Gérald Bérubé, qui fait de l’élevage de moutons et qui a retapé sa maison ancestrale, est au désespoir.

Selon la ville de Mascouche, 7 terres agricoles et 5 propriétés se retrouvent dans la zone du futur aéroport.

« La vérité, c’est qu’il y a 11 terres agricoles qui vont disparaître pour faire plaisir à l’Association des pilotes de l’aéroport de Mascouche », rectifie Gilles Gouger.