Régions 7 septembre 2020

Opposition à un projet de porcherie en Estrie

Le mouvement d’opposition au projet de porcherie dans le Canton de Valcourt, en Estrie, ne semble pas perturber le calme naturel de son promoteur. « Ce n’est plus entre mes mains. C’est maintenant aux agronomes, aux ingénieurs et aux responsables de répondre aux questions », dit Stewart Friesen avec détachement.

Après plus de 27 mois d’attente, cet agriculteur d’expérience a finalement obtenu en juin dernier son certificat d’autorisation du ministère québécois de l’Environnement pour construire une porcherie d’une capacité maximale de 3996 porcs d’engraissement.

Jugé conforme par la municipalité, le projet a passé l’étape des consultations publiques en vue de la délivrance du permis de construction. Mais des opposants ont obtenu la tenue d’une séance publique, le 9 septembre, par la MRC du Val Saint-François.

« Maintenant, on doit juste attendre », dit M. Freisen avant de mettre en perspective le nombre de protestataires à son projet. «La MRC a reçu 36 lettres, mais seulement 18 d’entre elles proviennent de personnes directement concernées. Dix-huit sur 4000 habitants», spécifie-t-il. « Les autres lettres proviennent de militants écologistes. »

Histoire de famille

Ce Manitobain d’origine, qui vit au Québec depuis 30 ans, a déjà possédé une porcherie de 750 bêtes pendant une dizaine d’années dans les années 1990 dans la région d’Acton Vale, en Montérégie. Il a ensuite exploité une érablière à Shefford, en Estrie, avant d’acheter sa ferme d’élevage de bovins en 2015. Il n’avait pas prévu bâtir une porcherie avant que sa fille et son mari demandent à faire partie du projet.

« On cherche donc à accroître nos revenus pour faire vivre deux familles », explique-t-il.

Comme le financement et la construction pourraient prendre encore plusieurs mois, le projet évalué à plus d’un million de dollars sera-t-il encore viable en ces temps difficiles pour les producteurs de porcs? Les prix actuels du marché ne couvrent à peine que 75 % des coûts de production.

« Une compagnie m’offre d’acheter les porcs à un prix garanti. Ce contrat me permettra d’obtenir le financement nécessaire », se contente de répondre M. Freisen. Il affirme avoir injecté 15 000 $ « et beaucoup d’heures » jusqu’à présent dans le projet.

Des consultations jugées inutiles

Patrick Mundler, professeur à la faculté des Sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, croit que les inquiétudes du voisinage d’une future porcherie peuvent être légitimes quant à leur impact possible « sur la qualité de vie ou la valeur de sa maison», dit-il par exemple. Seul le temps permet de savoir si ces craintes sont fondées ou non.

Le problème, dans le cas du projet dans le Canton de Valcourt, se trouve dans le processus où les dés semblent pipés d’avance, avance M. Mundler. « La consultation dit d’avance qu’elle ne servira à rien puisque le projet est accepté. Les gens se sentent floués. C’est quelque chose qui est souvent reproché aux consultations publiques », souligne-t-il.

Dans un rapport publié en 2009, l’Institut national de santé publique relevait que les projets de porcherie pouvaient susciter des tensions sociales susceptibles de laisser des traces dans des ­communautés. 

Un projet bloqué à Adstock

Un producteur de Saint-Éphrem-de-Beauce, Rénald Roy, affronte depuis plusieurs mois, lui aussi, une forte opposition de résidents d’Adstock à son projet de deux porcheries de 2950 bêtes. Les propriétaires du voisinage craignent une dépréciation de leur maison, une perte de qualité de vie et la pollution de l’eau potable. Face au mécontentement, la municipalité se refuse d’émettre le permis de construction. Même des négociations menées par un médiateur envoyé par Québec n’ont pas permis de trouver un terrain d’entente, malgré une série de modifications apportées au plan d’origine. « Tout est bloqué depuis le mois de mars », déplore M. Roy. « J’ai mis le dossier entre les mains de l’UPA. » Selon le producteur, les porcheries projetées seraient construites sur d’anciennes terres agricoles. « C’est un des rares bons sites encore disponibles. Les agriculteurs du rang sont partis et il ne faut pas le perdre. Des citadins sont venus se construire des domaines dans le rang, mais ils ne veulent pas que ça sente la campagne. »