Régions 7 décembre 2018

Des « Gaulois » de l’agriculture périurbaine à Québec

CHARLESBOURG — Dans le nord de la ville de Québec, tout près des terres des Sœurs de la Charité acquises par un promoteur immobilier, deux familles d’agriculteurs, les Proteau et les Bédard-Blouin résistent à leur façon aux pressions de l’urbanisation. Rencontre avec des « Gaulois » de l’agriculture en périphérie urbaine.

Les maisons ont eu beau pousser comme des champignons tout autour de la petite ferme laitière Omer Proteau, les membres vieillissants de la famille n’ont rien perdu de la détermination qui coule dans leurs veines d’agriculteurs depuis 360 ans. Cela, même si leur terre est menacée de dézonage par l’administration Labeaume.

Il y a longtemps que les promoteurs immobiliers ont cessé de frapper à leur porte, car ils savent qu’aucune somme d’argent ne convaincra les propriétaires de vendre l’héritage agricole qu’ils portent à bout de bras depuis le décès de leur père en 2006. « Ce serait sacrifier toute une histoire pour un peu d’argent qui va passer », souligne Michel, le prêtre de la famille, qui revient de Trois-Rivières pendant ses congés pour aider à la ferme.

La plupart des sept enfants Proteau habitent sur la même rue. Chaque matin, à 10 h, tous convergent vers la véranda de leur maison natale. Le temps s’arrête pendant cette pause-café. Marie-Hélène, dont la bonne humeur est contagieuse, fait réchauffer des galettes qu’elle sert à ses frères et sœurs. Elle est en quelque sorte le pilier de la ferme avec son frère André. Lui s’occupe des vaches et elle, des poules.

« On va continuer à faire tourner la roue aussi longtemps qu’il n’y aura pas de bâtons dedans », insiste l’opérateur de machinerie lourde à la retraite qui a secondé son père toute sa vie. Parmi les contraintes qui leur ont été imposées, il y a eu l’augmentation de 640 % de la valeur de la ferme en 2013 en raison des transactions immobilières dans le secteur. Le compte de taxes municipales a été majoré en conséquence, mais les agriculteurs ont tenu le coup.

Marie-Hélène et André Proteau représentent les piliers de la ferme familiale établie à Québec depuis 360 ans.
Marie-Hélène et André Proteau représentent les piliers de la ferme familiale établie à Québec depuis 360 ans.

Pas de relève possible

Le récent décès de Charles, l’aîné de la famille, à l’âge de 76 ans, a aussi secoué le reste du clan. « On a perdu un gros poteau. C’était notre homme de confiance », affirment les Proteau au sujet de leur frère mécanicien. Conscients de la fragilité de l’existence, ils continuent néanmoins d’avancer sans chercher à trouver une relève potentielle. « La terre n’est pas assez grande pour faire vivre une autre famille », explique André. C’est faute de moyens pour payer une nouvelle ressource à la ferme que ce dernier -préfère ne pas trop songer à l’avenir.

Même si l’exploitation est située en zone verte, la menace d’un éventuel dézonage plane au-dessus d’elle. « Je ne le verrai peut-être pas, le développement [immobilier], mais l’avenir est incertain. On ne peut pas faire de projets », se désole le producteur. « On vieillit et la ville avance, complète son frère Michel. L’histoire va nous dire quoi faire. »  

Le rêve d’un voisin

AD_Edouard_KellyAujourd’hui, la ferme des Proteau est devenue l’exception à la règle, mais il fut un temps où les 14 maisons de la rue du Vignoble étaient occupées par des agriculteurs. Georges Kelly, un voisin, a documenté l’histoire de ces familles et fait fabriquer des modèles réduits de leur demeure, comme celle des Proteau (sur la photo). Selon lui, la ferme voisine doit absolument être conservée par la Ville ou la province. « C’est une terre qui ne devrait jamais mourir! » affirme-t-il, convaincu du grand potentiel pédagogique et agrotouristique de l’endroit.