Élevage 2 mars 2020

Une ouverture pour l’abattage de volailles à la ferme

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) ouvre pour la première fois la porte à la possibilité que les producteurs artisanaux abattent leurs volailles directement à la ferme avec l’annonce d’un projet pilote en ce sens. Une initiative applaudie par l’éleveur Dominic Lamontagne, qui milite depuis longtemps pour la légalisation de cette pratique.

« Ça pourrait prendre des années avant que ça mène à quelque chose de concret, mais au moins, c’est un pas dans la bonne direction », commente celui qui possède des poules et des coqs en petite quantité à Sainte-Lucie-des-Laurentides.

Dominic Lamontagne
Dominic Lamontagne

Rappelons qu’à l’heure actuelle, les éleveurs de volailles, peu importe la taille de leur production, ont l’obligation d’envoyer leurs bêtes dans les abattoirs qui répondent aux normes de salubrité établies par le MAPAQ. Pour les producteurs hors quotas, c’est-à-dire ceux qui détiennent 300 têtes ou moins, ce procédé s’avère toutefois compliqué, notamment en raison des coûts de transport et des installations des abattoirs souvent mal adaptées à leur réalité. Or, le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, a annoncé le 15 février qu’un projet pilote sera mis en branle dès juin. L’un des volets consistera à analyser le travail d’abattage à la ferme d’éleveurs artisanaux.

Les données recueillies sur le terrain permettront, espère le ministre, de trouver un moyen d’encadrer les pratiques pour que les producteurs hors quotas puissent éventuellement abattre leurs volailles eux-mêmes et en faire la commercialisation localement.

À noter que la viande issue du projet pilote ne pourra servir qu’à la consommation personnelle, comme c’est le cas actuellement.

Craintes pour la réputation de l’industrie

Si l’initiative constitue un pas en avant pour les petits agriculteurs, les grands éleveurs, de leur côté, émettent certaines réserves. En entrevue avec La Terre, le ­président-directeur général de la Ferme des Voltigeurs, Dominique Martel, craint que l’abattage à la ferme nuise ultimement à la réputation de l’industrie de la volaille.

« Si ça coûte cher aller à l’abattoir, c’est pour une raison. Les installations de salubrité coûtent cher. Pour offrir un produit de qualité aux consommateurs, ça prend un cadre sanitaire strict », estime-t-il. Selon lui, les normes imposées aux producteurs artisanaux, si le MAPAQ décide de légaliser la pratique, devront être aussi rigides que celles imposées aux gros éleveurs.

Des doutes sur la période choisie

Pour déterminer quelles fermes seront sous analyse lors du projet pilote, le MAPAQ procédera à un appel d’offres, et Dominic Lamontagne a bien l’intention de soumettre sa candidature. Il émet toutefois des réserves quant à la période choisie pour observer le travail des agriculteurs. « S’ils viennent m’observer en juin, ma crainte, c’est que la neige ne soit pas encore toute fondue », explique celui qui demandera peut-être que les inspecteurs du ministère viennent plus tard durant l’été afin qu’ils soient en mesure de voir le processus complet d’élevage au pâturage.

« Ce qui est bon pour minou est aussi bon pour pitou » – Pierre-Luc Leblanc

Le président des Éleveurs de volailles du Québec, Pierre-Luc Leblanc, voit d’un bon œil le projet pilote d’abattage à la ferme annoncé le 15 février, mais estime que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) ne pourra pas rendre cette pratique légale que pour les producteurs artisanaux.

« Ce qui est bon pour minou est aussi bon pour pitou », lance l’éleveur de La Présentation, en Montérégie. « Ce ne serait pas correct d’établir un cadre normatif adapté aux petits éleveurs et de leur permettre d’abattre leurs volailles, mais ­d’imposer l’envoi à l’abattoir aux plus gros producteurs », fait-il valoir, insistant sur le fait que les standards sanitaires doivent être les mêmes pour tout le monde. « Si on rend cette pratique légale pour un, elle devra l’être pour tout le monde et des normes claires devront être établies et applicables pour tous. »

Deux réalités incomparables

Les animaux élevés dans un contexte artisanal comportent beaucoup moins de risques du point de vue de la salubrité que ceux issus d’une grosse production, estime le président de l’Union paysanne, Maxime Laplante. C’est pourquoi, selon lui, les normes sanitaires imposées aux petits producteurs doivent être adaptées à leur réalité.

« Si le MAPAQ décide de permettre aux petits éleveurs d’abattre à la ferme, mais leur impose le même cadre sanitaire que les grosses productions et des milliers de dollars en installations à débourser, on ne sera pas plus avancés », ­anticipe-t-il. « L’élevage de 250 poulets dehors au pâturage versus celui de 10 000 poulets entassés, ce sont deux choses complètement différentes », conclut-il.