Élevage 15 février 2019

« Notre créancier nous donnait six mois »

Dany Labranche, un producteur laitier de la relève, a réagi à notre dossier de la semaine dernière sur les releveuses d’étables, ces conseillères en gestion qui aident les fermes à rétablir leur situation financière. Il a lui-même failli assister à la fin de son exploitation familiale en raison d’un manque de rentabilité. Heureusement, le plan de redressement a porté ses fruits, mais a par contre affecté sa relation avec ses parents.

« On était en congé de capital depuis cinq ans. Notre créancier nous donnait six mois pour changer la situation, sinon il mettait la clé dans la porte », se remémore l’agriculteur de Chaudière-Appalaches. Dans le processus de médiation avec leur institution financière, Dany Labranche et ses parents ont été obligés de rencontrer la conseillère en gestion Susan Fleury, que La Terre a présentée la semaine dernière, afin d’établir un plan.

Dur à entendre

« Elle n’est pas passée par quatre chemins pour nous dire ce qui ne fonctionnait pas. Ç’a été dur à entendre », se rappelle Dany, qui se dépeint comme un jeune mordu de l’agriculture. « Je voulais que la ferme continue, confie-t-il. Les conseils de Mme Fleury ne sont pas entrés dans l’oreille d’un sourd. J’ai fait un virage à 180 degrés de nos pratiques et de notre vision. » L’entreprise a dû réduire ses dépenses, améliorer la régie d’élevage de même que ses pratiques au champ. « On fait maintenant trois coupes, ce qu’on ne faisait jamais avant », donne-t-il en exemple.

Revoir la gestion de l’exploitation de 60 vaches en lactation a causé des frictions importantes avec sa famille. « Il a fallu prendre des décisions que mes parents n’avaient pas envie de prendre, raconte Dany Labranche. Ça faisait 40 ans qu’ils travaillaient d’une certaine façon. Pourquoi changer? »

Changement de garde

Le processus de redressement a également fait en sorte que le contrôle de l’exploitation et sa comptabilité ont été entièrement transférés à Dany. « On ne pouvait pas être trois à tenir le volant. Mes parents sont des gens fiers et ils se sont sentis tassés par moi, mais je n’avais pas le choix. C’est le bout plate de l’histoire : tout ça a laissé de grosses séquelles dans la famille », se désole l’agriculteur de 35 ans.

Le fait que Dany Labranche ait aussi décidé de délaisser la haute génétique a contribué à la déception de ses parents. « Les vaches Excellentes, c’est beau, et j’adore encore la haute génétique, mais ça nous prend plutôt des bêtes payantes qui ont de bons pis et de bonnes pattes. De plus, pour notre type d’étable, j’ai compris que la race Holstein n’était pas la plus rentable. Ç’a été un autre gros choc pour mes parents », reconnaît-il. 

Un conseil à ceux qui sont en difficulté

Redresser une ferme laitière n’a rien de facile, témoigne Dany Labranche. Il se dit toutefois encouragé par les résultats financiers obtenus après sa première année aux commandes de l’entreprise familiale. Il formule d’ailleurs ce conseil aux agriculteurs dont l’exploitation se trouve dans une situation précaire : « N’ayez pas peur d’aller consulter et de vous entourer. Si rien n’est fait, le problème grossit et il peut ensuite être trop tard. Il faut rester positif face à l’avenir de la production laitière et se dire qu’on est capable de réussir. »

SUR LE MÊME SUJET
Les releveuses d’étables à la rescousse
Cinq stratégies pour redresser sa ferme laitière
4 éléments qui plombent la rentabilité