Élevage 16 mai 2012

Le bien-être animal et l’élevage porcin

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Germain Camiré a du mal à contenir son enthousiasme vis-à-vis du marché qui se développe autour du bien-être animal.

« Le porc a toujours été identifié comme un produit de commodité à bas prix. Cette certification rigoureuse en bien-être animal nous permet d’aller chercher une valeur supplémentaire et de nouveaux marchés, estime M. Camiré, directeur de l’approvisionnement porc chez Les Viandes du Breton. Nous prédisons un bel avenir à ce créneau, car la viande, moins dispendieuse qu’une viande biologique, respecte les valeurs d’un bassin grandissant de consommateurs », poursuit-il. Plusieurs éleveurs porcins pourraient se montrer indifférents à cette certification de bien-être animal et même afficher un petit sourire de dérision. Après tout, un très grand nombre de consommateurs ne se préoccupent pas des certifications et continuent d’acheter la viande affichant simplement le plus bas prix. Sauf qu’actuellement, une pression réelle, puissante et mondiale est exercée sur l’industrie du porc. Celle-ci est directement liée à une notion bien-être animal : bannir les cages de gestation.

Dans plusieurs régions du globe, compartimenter les truies dans des cages étroites est une pratique associée à la souffrance animale. Elle est jugée choquante et inacceptable. De nombreux pays européens l’ont déjà bannie, et dès 2013, elle sera interdite au sein de toute l’Union européenne. Les Américains ont emboîté le pas avec une réglementation similaire, en vigueur à des dates différentes selon les États. Au Canada, Stephanie Brown, de La Coalition canadienne pour la protection des animaux de ferme, affirme que les campagnes de pression en vue de proscrire l’utilisation de ces cages progressent bien au Manitoba. Elle mentionne qu’un appui de taille s’est ajouté : un géant du porc canadien, Maple Leaf, s’est engagé à bannir ses cages de gestation au tournant de 2017. Qui plus est, l’Australie, le quatrième client international le plus important des producteurs de porcs d’ici, voit l’une de ses principales chaînes d’épicerie annoncer qu’à partir de 2014, le porc vendu sur ses tablettes proviendra d’élevages qui n’emploieront pas de cages de gestation…

L’élevage porcin sans cages de gestation gagne donc du terrain. Au Québec, quelques fermes porcines – non biologiques – ont décidé d’emprunter cette voie. Quels changements aux méthodes et aux infrastructures cela entraînera-t-il? Rendez-vous à Saint-Alban, où Les Viandes du Breton exploitent depuis deux ans une ferme porcine certifiée bien-être animal.

De nombreux défis

Tout d’abord, il importe de spécifier qu’il existe différents niveaux de certification de bien-être animal. Une certification de base, comme celle dont viennent tout juste de se doter les producteurs de porcs canadiens, exige une alimentation suffisante en nourriture et en eau, un environnement décent, des soins de santé appropriés, etc. À un niveau supérieur de certification bien-être animal se trouve la liberté de mouvement, maintenant exigée par plusieurs consommateurs internationaux. D’où les fermes sans cages de gestation. À un niveau encore plus élevé de certification de bien-être animal se trouvent des élevages qui favorisent en plus les comportements naturels des animaux et interdisent les pratiques douloureuses (couper les queues, les dents, etc.). Finalement, au sommet, s’inscrivent les fermes biologiques, où l’animal a en plus accès à l’extérieur. L’élevage de Saint-Alban n’est pas biologique, mais il se conforme à une certification de bien-être animal très rigoureuse, la Certified Humane qui, elle, est réglementée par l’organisme américain Humane Farm Animal Care. Le cahier de charges se révèle très imposant puisque les cages de gestation sont interdites, tout comme les pratiques douloureuses, et l’animal doit pouvoir exprimer ses comportements naturels. Voici les défis que cela représente pour les producteurs :

Fumier. Pour accroître le confort des truies, les normes exigent un maximum de 25 % de plancher latté, et ce, autant pour les animaux en gestation, la maternité que la finition. En d’autres mots, c’est le retour à la bonne vieille pelle. « Tout a été fait dans l’industrie du porc pour mécaniser et automatiser les opérations. Ainsi, dans l’élevage porcin conventionnel, les tâches très physiques représentent moins de 5 % de la journée d’un travailleur. Excepté qu’ici, avec ces normes de bien-être animal, les tâches très physiques comptent pour 40 %. » Ce à quoi fait allusion Félix Michaud, superviseur de production, concerne le fumier des 800 truies, qui doit maintenant être écuré à la main et évacué à l’aide d’un petit chariot. La gestion des lisiers s’avère donc une contrainte de première importance. « Mais il faut avouer une chose : nous avons transformé une bâtisse d’engraissement en une maternité certifiée bien-être animal. Les installations de ce bâtiment ne sont vraiment pas idéales. Elles nous servent justement à prendre de l’expérience », relativise-t-il.

L’expérience acquise depuis deux ans se concrétise en différents aménagements et en certaines idées pour des bâtiments futurs. En premier lieu, lorsque seulement 25 % de plancher latté est toléré, il importe d’en maximiser l’utilisation. L’abreuvoir est positionné au fond, au-dessus de ladite partie lattée, car il est connu que le porc urine habituellement en buvant. Pour évacuer le fumier solide avec plus d’efficacité, Félix Michaud stipule qu’il faut impérativement mécaniser le processus. « Concernant les truies en gestation, il faudrait une allée au bout des parcs où un minichargeur évacuerait le fumier du bâtiment. D’ailleurs, plusieurs porcheries actuellement conçues pour abriter des truies en gestation pourraient être adaptées sans trop de problèmes pour le curage à l’aide d’un minichargeur. » De son côté, Germain Camiré mentionne un classique du paysage rural. « La solution qui me paraît la plus productive est un dalot avec système à raclettes situé au bout des cages ou des parcs. L’investissement s’avère peut-être élevé, mais lorsqu’il est possible de l’installer, ce genre de système offre plus d’efficacité au producteur désirant se spécialiser dans un élevage respectant des règles élevées de bien-être animal. »

Modifications d’infrastructure. Transformer une ferme porcine pour qu’elle réponde à des normes strictes de bien-être animal relève du cas par cas. Alors que certains producteurs pourront y arriver à peu de frais moyennant l’utilisation d’une bonne machine à souder et d’un marteau-piqueur, d’autres devront réinvestir dans de l’équipement. Examinons différents scénarios.

1- Truies en gestation. Les normes de bien-être animal que respectent Les Viandes du Breton interdisent de confiner les truies gestantes dans des cages. Pour le propriétaire d’une bâtisse abritant déjà des truies en gestation, le problème est résolu en supprimant une rangée de cages sur deux, en enlevant la section arrière des cages restantes (voir schéma) et en aménageant des cloisons pour que les animaux vivent en petits groupes. Si une porcherie d’engraissement est modifiée en maternité, les travaux sont plus complexes. Sur le site de Saint-Alban, un muret sur deux a été sectionné afin de créer des zones plus grandes, facilitant le nettoyage. D’une dimension de 5,5 m x 4,9 m (18 pi x 16 pi), ces parcs peuvent héberger huit truies et répondent à leurs normes de bien-être animal qui exigent au minimum 9,75 m2 (32 pi2) par truie gestante. Huit logettes ont été installées, dont le rôle consiste à diminuer les altercations d’ordre hiérarchique. De fait, chaque truie peut bouger dans l’aire commune et si elle le désire, elle peut s’isoler dans une logette afin de se protéger des assauts d’une congénère dominante ou de manger sans crainte de se faire voler sa nourriture.

2- Mise bas. Pour que l’élevage soit approuvé par la Certified Humane, la truie qui allaite doit avoir la liberté de bouger et de se retourner. Cela se traduit par un espace minimum de 14,6 m2 (48 pi2). Les cages dans les installations conventionnelles faisant généralement 1,5 m x 2,1 m (5 pi x 7 pi), elles doivent être agrandies. À la ferme expérimentale de Saint-Alban, différentes dimensions ont été testées. Leur conclusion : la cage idéale mesure 2,1 m x 2,4 m (7 pi x 8 pi). Ces 17,1 m2 (56 pi2) excèdent les normes, mais, selon Germain Camiré, il en résulte un impact positif sur la productivité. « Considérant que la truie est libre, plus la cage est large, plus nous diminuons les probabilités que la mère écrase ses petits. L’espace accru facilite également l’accès, laissant les employés travailler avec plus d’agrément et de rapidité. » Toujours en vue d’abaisser le taux de mortalité, deux dispositifs de protection permettent aux porcelets de se mettre à l’abri de la mère. D’un côté une barre courbée, de l’autre, une structure métallique protectrice où se trouvent nourriture et lumière chauffante. Certaines truies adoptent des comportements agressifs lors de traitements médicaux ou en présence d’un intrus qui pourrait menacer ses rejetons. À cet effet, la cage comprend deux portes métalliques qui, une fois refermées, contiennent la truie. Finalement, alors que la première section de la cage présente une couche de litière, l’extrémité est pourvue d’une superficie lattée. Le même stratagème consistant à y installer l’abreuvoir est répété. Provenant d’Europe, un produit fort intéressant pour diminuer la fréquence de remplacement de la litière a récemment été introduit sur le marché. « Il s’agit d’une plaque en plastique trouée qui n’est pas considérée comme un plancher latté, mais qui se fixe sur ce dernier, explique M. Camiré. L’urine des porcelets et de la truie s’écoule par les trous, retardant la viciation de la litière. Ce type de surface, associé à un dalot avec raclette à l’extrémité des cages, représente à mon sens un modèle viable et efficace pour la certification de bien-être animal. C’est le genre d’installation que je verrais au Québec. »

Finition. En production conventionnelle, la finition des animaux s’effectue dans des parcs, ce qui répond déjà aux normes de bien-être animal. L’alimentation et la ventilation ne font pas non plus l’objet de changements. Une première contrainte liée au bien-être, qui n’en est pas vraiment une, consiste à diminuer le nombre de bêtes afin que chacune ait son espace de 3,7 m2 (12 pi2). L’obstacle le plus difficile se trouve cependant ici : présence obligatoire de litière et, encore une fois, 25 % maximum de superficie de plancher latté. Il faut donc une alternative à la gestion du fumier solide, soit un dalot avec système à raclette à l’extrémité des parcs, soit un corridor pour minichargeur, etc.

Litière. « Le porc est un animal fouisseur. Pour qu’il puisse exprimer ce comportement naturel, les normes nous obligent à disposer une couche de litière dans sa zone de couchage. Dans un parc de finition, cela représente 75 % de l’espace total. » Composée de ripe et de paille, la litière est changée aux deux jours, ce qui représente une dépense annuelle de 4000 $.

Alimentation. À la ferme expérimentale, l’alimentation des bêtes s’effectue de la même façon qu’en production conventionnelle. Les truies en gestation ont accès à des doseurs, mais parce qu’elles peuvent changer de logettes, les doses sont ajustées pour le parc au complet. Les normes du bien-être animal Certified Humane régissent par ailleurs le niveau de corpulence, autorisant un maximum de 5 % d’animaux maigres ou gras. Advenant le cas où ce pourcentage est dépassé, le producteur doit en expliquer la raison et décrire quels moyens ont été employés pour remédier à la situation. Concentrer les bêtes à la corpulence problématique dans les mêmes parcs afin d’apporter les correctifs nécessaires apparaît une solution très souvent appropriée. Les normes obligent également l’éleveur à offrir une nourriture sèche et un accès à l’eau aux porcelets, et ce, dix jours après leur naissance. Cette tactique a pour but de diminuer le stress des animaux lors du sevrage et de préparer leur système digestif à l’alimentation en grains.

Méthodes d’élevage. Si la gestion des fumiers impose aux travailleurs une adaptation majeure, la naissance des porcelets aussi. « Dans l’élevage conventionnel, il est commun de “fouiller” la truie lors de la mise bas. Cette pratique permet de superviser les naissances, d’empêcher que les porcelets ne soient écrasés par la mère, tout en les dirigeant rapidement sur les mamelles. Mais dans un élevage certifié bien-être animal, les naissances s’effectuent naturellement, sans intervention. C’est vraiment une approche différente », note M. Michaud. La période des mises bas dans ce type d’élevage commande un surplus de travail, et plus particulièrement beaucoup d’observation. « Il faut du personnel qui surveille constamment les signes naturels de mise bas, le plus annonciateur étant que la truie se fait un « nid ». Lorsque les naissances débutent, nous devons être présents afin de vérifier s’il y a des risques de complications, nous assurer que la mère ne présente pas un comportement agressif envers ses rejetons et placer les porcelets face aux mamelles. » Que la truie soit libre ajoute un élément supplémentaire de difficulté. D’une part, elle peut mettre bas à l’extrémité de sa cage, à l’opposé des dispositifs de protection prévus pour les porcelets. Les probabilités qu’elle écrase ses petits augmentent alors significativement, surtout si la mise bas survient alors que l’éleveur est absent (40 % des naissances ont lieu la nuit à la ferme expérimentale). D’autre part, certaines truies témoignent d’un comportement maternel très protecteur. Entrer dans une cage où elle est libre peut devenir dangereux pour le personnel, limitant, dans ces cas, les possibilités d’interventions.

Autre grande différence dans les techniques d’élevage : il est interdit de couper la queue et les dents; seule la castration est tolérée. Laisser les dents signifie pour l’éleveur naisseur de constamment veiller à ce que le nombre de mamelles fonctionnelles soit au moins égal au nombre de porcelets. Autrement, la compétition alimentaire pourrait aboutir en des blessures aux porcelets et à la mère. Cette certification de bien-être animal ne transcende pas les valeurs qu’elles défendent; en d’autres mots, l’éleveur a droit de déroger aux normes si cela augmente le bien-être des animaux. Dans l’hypothèse où les porcelets s’infligent des blessures en se mordant ou blessent la mère, l’éleveur peut intervenir, notamment en leur limant les dents. Cependant, ces altérations doivent être notées dans les registres afin de justifier cette action aux certificateurs. Ne pas couper les queues représente un défi supplémentaire qui affecte les finisseurs. En effet, le risque de caudophagie y est élevé. « Le comportement d’un porc qui mange la queue d’un autre est souvent la conséquence d’un stress : un environnement trop humide, un taux ammoniacal trop élevé, un brusque changement d’alimentation ou la privation de certains comportements naturels. La litière permet d’exprimer un certain comportement de fouissage, mais les porcs finissent par s’en lasser, note Félix Michaud. Pour les distraire, nous leur donnons des jouets, des ballons, etc. Il faut néanmoins être extrêmement attentifs. Si des animaux commencent à mordre la queue de leurs congénères, ils doivent être isolés immédiatement, car le sang a un goût salé, et la situation peut rapidement dégénérer. »

Est-ce rentable?

Pour du porc qui respecte ses normes de bien-être animal, Les Viandes du Breton offrent une prime de 32 ¢ le kilo. « Nous évaluons qu’un producteur peut obtenir cinq à huit dollars supplémentaires de revenu net par tête, et ce, par rapport à un éleveur conventionnel. Les plus efficaces pourront même en toucher dix », estime M. Camiré. Les coûts s’avèrent toutefois considérables, pas tant au niveau de la transformation des infrastructures, mais plutôt au regard de la diminution du nombre de bêtes par bâtiment. Chez Les Viandes du Breton, une ferme qui accueillait 200 animaux en production conventionnelle n’en contient plus que 125, une fois adaptée aux normes de leur certification. La superficie supplémentaire comporte malgré tout des avantages, selon Félix Michaud. « La santé des truies s’en trouve bien meilleure, comme le reflète le taux de mortalité inférieur de moitié à celui d’un élevage conventionnel. Et même davantage dans certaines conditions, puisque lors de la canicule 2010, aucune truie n’est morte à l’élevage de Saint-Alban, comparativement à 10 à 20 dans chacune de nos fermes conventionnelles. » Comme point négatif, M. Michaud remarque que le pourcentage de mortalité des porcelets, entre leur naissance jusqu’au sevrage, représente environ 10 % de plus dans l’élevage en groupe. En outre, le sevrage à 35 jours plutôt qu’à 20 diminue le nombre annuel de portées par truie. Malgré tout, M. Camiré estime que les avantages contrebalancent les aspects négatifs. « Au sevrage, les porcelets pèsent davantage, atteignant 10 à 11 kilos en moyenne. Ils passent donc directement à la finition (chez Les Viandes du Breton, l’élevage des porcs du programme bien-être s’effectue dans un système sevrage-finition, ce qui épargne l’aménagement d’une pouponnière). Leur gain de poids se révèle ensuite supérieur. C’est vrai que le taux de mortalité des porcelets sous la mère est accru, mais étant donné que les truies ont plus de temps pour se remettre des mises bas et que l’espace plus généreux leur confère une meilleure santé, elles donnent naissance à environ un porcelet de plus par portée qu’une truie élevée de façon conventionnelle. »

Au gym!

À la ferme de Saint-Alban, les nombreux détails associés aux normes de bien-être animal augmentent vraisemblablement le confort des bêtes. « Leur développement musculaire est nettement plus élevé et le nombre de blessures a diminué significativement, tout comme les problèmes de pattes. De plus, nous observons un impact direct sur leur comportement : elles se montrent moins craintives et plus accessibles, fait remarquer Félix Michaud. Les gens qui y travaillent, comme Line Vincent, semblent apprécier ce type d’élevage, qui modifie les liens avec les animaux. « Je travaille dans l’industrie porcine depuis dix ans; faire partie d’une ferme. certifiée bien-être animal, c’est le plus beau cadeau que mon employeur m’aie fait. J’ai toujours eu le confort et le respect des animaux à cœur, et c’est ce que je retrouve ici. Le contact avec les bêtes se révèle très positif. J’aime également le défi que cela représente; car ce type d’élevage exige une attention accrue et un perfectionnement de nos techniques. C’est certain que le travail s’avère plus physique, mais ça m’évite d’aller au gym! »

Un volume assuré pour les élevages certifiés bien-être. Possible?

« Le problème avec un produit de niche, c’est de vendre toute la carcasse à meilleur prix, explique Germain Camiré, directeur de l’approvisionnement porc chez Les Viandes du Breton. Dans le porc biologique par exemple, il fut une époque où seulement 40 % de la carcasse était vendue en tant que produit bio. Le reste était alors écoulé au prix du porc de commodité. Afin de ne pas être limités à un seul marché, nous demandons à nos éleveurs de produire un porc répondant à la fois à nos normes de bien-être animal et aux normes SSPA-SA (sans sous-produit animal – sans antibiotiques). De cette façon, si au moment de l’abattage la demande s’avère plus faible pour la viande certifiée bien-être animal, les découpes restantes sont vendues sous l’étiquette du SSPA-SA. L’accès à ces deux marchés offre une garantie supplémentaire à nos éleveurs. »

Le bien-être animal : c’est pour qui?

Quelles sont les fermes les plus aptes à se conformer aux normes de bien-être animal comme celles de la Certified Humane? Les fermes familiales possédant une capacité de 150 à 200 truies constituent, aux yeux de Germain Camiré, celles qui semblent les plus appropriées à ce type de production. « Pour connaître du succès avec notre certification bien-être animal, il faut qu’un éleveur soit passionné. Ça prend quelqu’un de méticuleux qui s’assure du confort des animaux, sélectionne des truies maternelles et surveille les naissances avec assiduité, parfois même la nuit. Ce genre d’éleveur est souvent propriétaire de sa ferme. » La mauvaise période que vit l’industrie du porc occasionne des problèmes de relève, et M. Camiré considère que ce type d’élevage pourrait susciter de l’intérêt, notamment chez les jeunes. « La nouvelle génération est connue pour ses préoccupations environnementales et son penchant pour ce qui est naturel. Un élevage moins intensif, axé sur la qualité plutôt que sur la quantité, en convaincra certains d’œuvrer dans le porc. »

Les éleveurs du Québec doivent-ils bannir les cages de gestation?

« J’ai connu l’époque où les truies en gestation se trouvaient dans des parcs de 40 à 60 animaux, se rappelle Edouard Asnong, producteur de porc et président du Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage. Lorsque les cages de gestation ont fait leur apparition, c’était merveilleux. L’élevage était devenu plus productif, les bagarres entre les animaux étaient chose du passé. Aujourd’hui, on nous parle de bannir ces cages. Les producteurs de porcs d’ici sont ouverts au bien-être animal et veulent répondre aux demandes de leurs consommateurs. Mais avant de démanteler les cages, il faudrait premièrement nous prouver scientifiquement que cela augmente réellement le bien-être des animaux. Deuxièmement, si la société ou les consommateurs l’exigent, il faudra fournir aux éleveurs un soutien nécessaire pour effectuer les aménagements requis, car les finances des producteurs ne sont pas à leur plus haut niveau. » Au Centre de développement du porc du Québec, Marie-Josée Turgeon, professionnelle experte en bien-être animal, abonde dans le même sens. « En Europe, et faute de moyens financiers, beaucoup de producteurs de porcs ne réussiront pas à se conformer aux normes du bien-être animal pour leur délai de 2013. Au Québec, la situation financière difficile des producteurs ne se prête pas à des investissements en réaménagement structural. Surtout qu’avant de transformer toutes les fermes porcines, il me semblerait plus judicieux, premièrement, d’identifier les critères d’achat des consommateurs (quel genre de porc que désirent les Québécois, les Japonais…?) et ensuite adapter notre production afin de leur livrer un produit sur mesure, à prix compétitif. » Mme Turgeon ne croit pas que les cages de gestation seront bannies au Québec, à moyen terme du moins. Nonobstant cet avis, celle-ci et plusieurs experts estiment que les éleveurs projetant des rénovations majeures devraient considérer que leur utilisation pourrait un jour être interdite. Les dimensions d’un nouveau bâtiment devront être adaptables à un éventuel élevage en groupe. Si le producteur opte immédiatement pour ce type de production, Marie-Josée Turgeon, qui a analysé plusieurs systèmes, recommande d’éviter les mauvaises décisions. « L’élevage en groupe s’est beaucoup amélioré et peut offrir d’excellents résultats. Mais gare aux mauvais choix d’infrastructures qui compromettraient la rentabilité : un système trop rudimentaire ne permettra pas de performer et, à l’opposé, les coûts d’un système trop sophistiqué peuvent être difficiles à supporter. » Si aucun dispositif pour l’élevage en groupe n’est parfait, Mme Turgeon préconise d’opter pour les propriétés suivantes :

– Un plancher latté offre l’avantage de bien se nettoyer et il peut offrir un bon niveau de bien-être animal, à condition que sa surface soit antidérapante. Par contre, avec ce genre de plancher, il faut s’assurer que les animaux aient des aires de repos sèches et confortables. Certains vont jusqu’à installer des murets supplémentaires contre lesquels les animaux peuvent se coucher, ou des zones de couchage avec litière ou tapis de caoutchouc. L’important est de s’assurer que les animaux bénéficient de tout le confort possible, mais le bâtiment doit être aussi facilement nettoyable.

–  Un système d’alimentation où l’animal n’est pas en compétition avec ses congénères lorsqu’il mange est une option à favoriser.

–  Dans les parcs d’engraissement, l’accès à de la nourriture fibreuse, comme un dispenseur à foin, ou des bouts de bois permettront aux porcs d’exprimer leur comportement de mâchonnement, réduisant les probabilités de caudophagie. Il faut cependant respecter les exigences du programme AQC et s’assurer que le matériel n’endommage pas le système de gestion des déjections.

–  Toutes les infrastructures de la ferme (parcs, corridors, rampe de chargement…) et toutes les méthodes de manipulation devraient viser à minimiser les blessures ainsi que le stress des animaux. Car au-delà du bien-être des porcs, il est démontré que ces façons de faire diminuent les pertes de viande et en augmentent la qualité, la couleur, etc. De plus, une meilleure conception facilite le travail du producteur lui-même.

Est-ce la fin de la castration?

Après les cages de gestation, le nouveau dossier chaud du bien-être animal en Europe concerne les pratiques douloureuses, lance d’emblée Marie-Josée Turgeon. La non-castration des porcs confère une odeur forte à la viande, laquelle est perçue différemment par les consommateurs à travers le monde. Les Nord-Américains y sont sensibles, d’où l’habitude de castrer les animaux. « Je ne connais pas beaucoup de producteurs qui raffolent des journées dédiées à l’ablation des testicules. À ce sujet, la castration immunologique risque d’en intéresser plus d’un : la bête est simplement castrée bar le biais de deux injections, un procédé plus rapide qui n’inflige pas de douleur. Le produit utilisé n’est pas encore homologué au Canada. Reste à voir si cette pratique sera acceptée par l’industrie et les consommateurs. Un dossier à suivre! »

Pourquoi certains producteurs non certifiés bien-être animal apprécient-ils l’élevage en groupe?

Au Centre-du-Québec, plus précisément à Saint-Zéphirin-de-Courval, vit Yvan Fréchette, un producteur qui croit à l’élevage en groupe, notamment pour diminuer les frais liés aux problèmes de santé des animaux. « À mon avis, le plus rentable consiste à tirer profit de chaque système en ayant sous un même toit une proportion de truies en groupe et en cages. Les truies qui ont des problèmes de pieds retrouvent rapidement la forme en groupe, diminuant ainsi les coûts de traitement et le nombre d’animaux euthanasiés à la ferme. Mais je n’ai pas remarqué de performances supplémentaires avec l’élevage en groupe. À l’inverse, la densité plus faible d’animaux entraîne une baisse de production par superficie et une hausse des coûts de chauffage. Et certaines truies sont trop dominantes ou antisociales pour être en groupe. »

Les producteurs de porcs avant-gardistes

Au fait des tendances mondiales, les producteurs de porcs de l’ensemble du Canada ont décidé d’être avant-gardistes et de se conformer à une certification bien-être animal, et ce, avant que les consommateurs ne les y obligent. Cette certification, appelée Programme Bien-être animal (BEA), sera obligatoire en 2012, mais n’interdira pas d’installer des cages de gestation ni de couper les queues ou de rogner les dents. Elle dresse plutôt des exigences en termes d’approvisionnement en eau et en nourriture, de soins médicaux, de ventilation, de manipulation des animaux, etc., bref, des pratiques à la base du bien-être animal déjà établies dans les fermes. « Il faut rapprocher les consommateurs de nos élevages, clame Jean-Guy Vincent, président de la Fédération des producteurs de porcs du Québec. Nous ne voulons pas seulement affirmer aux acheteurs que nos méthodes respectent des normes de bien-être animal, nous devons le prouver. Et c’est ce que permet cette certification. Ainsi, tous les trois ans, un évaluateur externe visitera chaque ferme afin d’attester qu’elle répond à des critères de bien-être animal de même qu’aux normes AQC. Le cahier des charges s’avère positif pour l’éleveur parce que les pratiques qu’il contient visent également à augmenter les rendements. »  

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