Élevage 23 juin 2022

Des producteurs coincés par le moratoire

Sous le joug du moratoire imposé par les Éleveurs de porcs du Québec sur tout nouveau projet d’engraissement porcin entrepris depuis novembre 2021, des producteurs tentent de trouver d’autres voies pour rentabiliser leurs élevages. 

Martin Boutin, propriétaire d’un engraissement porcin à Saint-Charles-de-Bellechasse, dans Chaudière-Appalaches, est l’un d’eux. Il souhaite convertir un bâtiment qu’il utilisait jadis pour la production de veaux de grain en engraissement porcin, car cette dernière production demande moins d’heures de travail et donc, moins de main-d’œuvre, qu’il a par ailleurs du mal à trouver. « Dans le contexte actuel, je crois que c’est la moins pire de mes options pour rentabiliser mon entreprise », estime-t-il. Mais avec la suspension des émissions de nouveaux volumes de référence (VDR) par les Éleveurs de porcs depuis l’annonce des réductions d’achats de 530 000 porcs par année de leur principal acheteur Olymel, M. Boutin est coincé. Il a alors lancé un appel à tous sur les réseaux sociaux afin de trouver un éleveur souhaitant cesser la production dans les prochains mois. Son objectif étant d’acquérir de ce producteur « l’historique de production », soit le VDR du site, pour ensuite le transférer à son propre bâtiment et pouvoir y élever des porcs à l’engraissement.

Or, selon les Éleveurs de porcs du Québec, cette stratégie n’est pas autorisée dans le Règlement sur la production et la mise en marché des porcs. « L’historique de production peut en effet être repris par l’acquéreur d’une ferme lors d’un transfert d’entreprise, mais ne peut pas être transféré à un autre bâtiment que celui où il avait été attribué initialement », explique Steve Gagnon, directeur général adjoint aux Éleveurs de porcs du Québec.

Ainsi, les producteurs porcins qui souhaitent augmenter leur production en période de gel des émissions de VDR peuvent le faire en rachetant une ferme existante, mais seulement en continuant de produire les volumes de référence au même endroit.

Rappelons que la production porcine au Québec n’est pas sous gestion de l’offre. Les Éleveurs ont néanmoins le pouvoir de geler la production, puisqu’ils sont responsables d’attribuer les nouveaux VDR, soit la quantité de porcs produite et mise en marché par semaine pour chaque bâtiment d’élevage. 


Un règlement pour contingenter la production

Un nouveau règlement sur le contingentement de la production porcine est sur la table à dessin des Éleveurs de porcs du Québec. Le projet, pour lequel les Éleveurs ont obtenu l’aval des délégués, le 10 juin, en assemblée générale annuelle, vise à arrimer l’offre à la demande en donnant à l’organisation les outils réglementaires nécessaires pour gérer une décroissance ou une croissance de la production de porcs dans l’ensemble de la province. Cette initiative s’inscrit dans la foulée de la décision du transformateur Olymel de réduire ses achats de 530 000 porcs par semaine dans les élevages du Québec. Les Éleveurs disent avoir été confrontés « au fait qu’aucun autre abattoir autorisé au Québec n’était en mesure de recevoir les 530 000 porcs délaissés, alors que leurs pouvoirs actuels se limitent au seul maintien de la production ». L’organisation prévoit présenter aux producteurs une première mouture du règlement dans les trois à cinq prochains mois.