Économie 26 novembre 2018

La Régie en faveur d’une limitation de la production

Voulant éviter qu’une vague de lait ne vienne déstabiliser le secteur laitier québécois, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ) permet aux Producteurs de lait du Québec (PLQ) de limiter la croissance de la production.

En août dernier, les Producteurs ont déposé une demande de modification du Règlement sur les quotas afin de ralentir la croissance de la production découlant de la reprise des journées non produites accumulées (tolérance). 

Dans un premier temps, les PLQ demandaient à la Régie de réduire l’utilisation de ces marges de tolérance à une journée par mois. Dans un deuxième temps, ils proposaient d’appliquer une pénalité de 20 $ par hectolitre (hl) pour la production excédant la tolérance autorisée. 

Cette requête découle d’un contexte très particulier et inédit puisque depuis le début de 2018, l’offre de lait surpasse de façon importante la demande, notent les régisseurs France Dionne, Lucille Brisson et Gilles Bergeron.

En juin dernier, la tolérance moyenne accumulée au Québec atteignait -14,1 jours de production. L’utilisation par les éleveurs de ces journées accumulées pourrait entraîner une « vague de lait » au printemps 2019. L’accroissement des livraisons au-delà des besoins du marché pourrait faire diminuer le prix du lait de 1 $/hl et de l’ordre de 5 $ à 6 $/hl pour le lait excédentaire, ont fait valoir les PLQ.

Opposition

Lors de l’audience, plusieurs éleveurs se sont opposés à la limitation de l’utilisation des tolérances à un maximum d’une journée par mois. Certains ont suggéré de fixer la reprise à trois jours sur trois mois. À la suite de l’audience, les PLQ ont amendé leur requête originale (maximum de +1 jour/mois). Ils demandaient plutôt de fixer eux-mêmes le nombre de jours de production excédentaire permis par mois en fonction d’indicateurs économiques. En contrepartie, ils proposaient de limiter la restriction à un maximum de deux périodes consécutives de trois mois dans une même année.

Dans sa décision du 20 novembre, la Régie coupe la poire en deux. Elle retient la proposition des PLQ de limiter les périodes de restriction à un maximum de deux périodes consécutives de trois mois par année. Elle refuse cependant de laisser le pouvoir discrétionnaire aux Producteurs de déterminer le nombre de jours de production pouvant être repris par mois. La Régie fixe plutôt la barre à trois jours de production supplémentaire sur trois mois, comme le suggéraient des éleveurs intervenus à l’audience.

De plus, le tribunal fixe plusieurs conditions à l’application de ces nouvelles restrictions. Il limite d’abord leur utilisation à l’année 2019. La décision des PLQ devra être prise avant le 1er avril 2019 si le déficit de production toléré (la marge) dépasse les -14 jours. Finalement, avant la mise en œuvre de la restriction, les éleveurs devront recevoir un préavis de 90 jours.

Si les PLQ veulent à nouveau réduire l’utilisation de la flexibilité ou le faire dans des contextes différents, ils devront soit obtenir l’autorisation de la Régie, soit consulter leurs membres et obtenir leur accord sur une modification du Règlement sur les quotas. 

Concernant la pénalité de 20 $/hl, la Régie donne son aval à la demande des PLQ, mais laisse aux producteurs le droit de contester les pénalités avant qu’elles ne soient soustraites de leur paie de lait. 

Analyse

La décision de la Régie est tombée à la veille de l’assemblée semi-annuelle des PLQ. À cette occasion, leur président, Bruno Letendre, a laissé entendre qu’il ne s’agissait pas de la « décision du siècle ». Les conditions d’application posées par la Régie feraient en sorte que les limitations ne déclencheraient pas, a-t-il indiqué devant les délégués.

Pour l’instant, son organisation compte prendre le temps d’analyser le verdict avant de se prononcer davantage sur celui-ci, a précisé son directeur adjoint aux relations publiques et gouvernementales, François Dumontier. Chez des éleveurs ayant participé à l’audience, la décision est bien accueillie.

« Va falloir gérer plus serré », notent Enrico Lefebvre et Nathalie Gauthier, de la Ferme trois chemins.