Économie 23 mars 2021

Quand la quantité côtoie la qualité : où se situe votre technique de séchage

Lorsque vient le temps de sécher le grain, c’est-à-dire de l’amener vers des conditions d’entreposage et de commercialisation optimales, existe-t-il une technique idéale? L’objectif de sécher de grandes quantités tout en conservant le maximum de qualité est-il atteignable? Chaque méthode présente des avantages et des inconvénients qu’il convient d’examiner avant de faire son choix.

Le processus de séchage est basé principalement sur l’activité de l’eau dans le grain. L’objectif de celui-ci est de créer un différentiel de pression de vapeur afin d’amener l’eau contenue dans le grain à s’évaporer. Plus la quantité d’énergie spécifique dégagée et utilisée pour le séchage sera importante, plus rapide sera le processus. Le grain ne fait pas la différence entre l’énergie utilisée, mais réagit plutôt à la température à laquelle il est soumis.

Figure 1
Figure 1

La figure 1 montre l’effet de la température sur la capacité de saturation d’un kilogramme d’air sec. L’utilisation d’une source de chaleur élevée augmentera les débits de grains séchés, mais nuira à la qualité du grain. Malheureusement, quantité ne rime pas avec qualité. Le choix d’une technique par rapport à une autre ou la modulation à l’intérieur d’une même technique aura nécessairement un impact sur les performances de séchage, mais aussi sur la qualité des grains.

Facteurs affectant la qualité des grains

Quand il est question des facteurs affectant la qualité, nous faisons référence à certains critères tels que le poids à l’hectolitre, les dommages au grain ou la présence d’impuretés. 

1. Le poids à l’hectolitre

Silo séchoir à air chaud de type Top Dry. Photo : Nicolas St-Pierre
Silo séchoir à air chaud de type Top Dry. Photo : Nicolas St-Pierre

Tout d’abord, le poids à l’hectolitre s’avère déterminant dans l’obtention d’une gradation, et plusieurs facteurs peuvent l’impacter. D’un point de vue opérationnel, il sera possible de limiter cet effet surtout par le contrôle des températures de séchage et par le contrôle du temps laissé entre la récolte et l’introduction dans le séchoir. Des températures au brûleur supérieures à 90 0C (194 0F) favorisent la perte de sucres lors du processus de vaporisation de l’eau contenue dans le grain. Pour ce qui est de la respiration cellulaire, une période d’attente au séchage prolongée favorise une activité respiratoire intense, ce qui se traduit souvent par une perte de poids. Pour limiter son impact, il est important de limiter cette période en dessous de 24 heures.

2. Les dommages au grain

De toutes les étapes du conditionnement, le séchage n’est pas le seul coupable au banc des accusés lorsqu’il est question des dommages causés au grain. En effet, dès la récolte, le grain est soumis à diverses tensions qui auront un impact sur l’intégrité de ses parois. Plusieurs études ont démontré qu’un mauvais ajustement des organes de récolte de la moissonneuse-batteuse (batteur/rotor, contre-batteur) favorisera la présence de microfissures. Chaque fois que le grain sera manipulé, des pressions s’exerceront sur ses parois et finiront par créer des cassures. De plus, l’utilisation de températures de séchage supérieures à 60 0C (140 0F) amplifiera les fissurations par le phénomène d’expansion et de rétraction. À titre d’exemple, dans le cycle complet du conditionnement à la commercialisation d’un grain de maïs, il a été démontré qu’il pouvait être manipulé jusqu’à 20 fois.

Système de battage d’une batteuse de type axial.
Système de battage d’une batteuse de type axial.

3. La présence d’impuretés

La présence d’impuretés dans un lot de grains représente une source potentielle de perte de qualité, mais peut également engendrer des coûts supplémentaires. Ces impuretés proviennent majoritairement de graines de mauvaises herbes, de débris ou de pailles que la ­moissonneuse-batteuse n’a pas été capable de rejeter au champ. Malheureusement, si le conditionnement et la manutention occasionnent des grains cassés, ceux-ci seront considérés également comme des impuretés. Lorsque ces impuretés se retrouveront dans une structure d’entreposage, elles auront comme impact de limiter le passage de l’air dans la masse de grains, ce qui amènera le plus souvent des foyers potentiels d’échauffement. Par un bon ajustement de la moissonneuse-­batteuse, il sera possible de limiter la présence de ces débris. Dans la mesure où il y a une forte concentration de débris dans un silo, il sera important d’instaurer un programme de ventilation afin de garantir des conditions d’entreposage optimales. À ce sujet, vous trouverez sur le site des producteurs de grains un guide sur la ventilation périodique : https://bit.ly/3ac0jll et
https://bit.ly/2NCcO20. Finalement, la présence en grande quantité de ces débris exigera plus d’énergie pour les sécher, ce qui se traduira le plus souvent par une augmentation des coûts de séchage, mais également par une pénalité sur les prix payés à la tonne.

Technique de séchage

Il existe plusieurs façons de sécher du grain. D’une méthode à l’autre, les variabilités sont surtout attribuables à l’énergie spécifique nécessaire, au type d’énergie utilisé, mais aussi à la durée de temps pour y arriver. Pour simplifier, il est possible de les définir en trois grandes catégories : le séchage à l’air (au champ ou à l’aide d’un crib), le séchage à air forcé (séchage à basse température) ou le séchage à air chaud. Les deux premières méthodes sont beaucoup associées à l’effet hygroscopique du grain et aux caractéristiques de l’air ambiant, c’est-à-dire qu’en conditions d’humidité basse, le grain s’asséchera progressivement. Ces techniques ont comme avantage d’être simples et peu coûteuses, mais demandent plus de temps et une bonne compréhension de l’effet des conditions climatiques sur le potentiel d’assèchement du grain.

En ce qui concerne le séchage à air chaud, plusieurs variantes existent. Le gros avantage de cette technique est qu’elle permet un contrôle rapide du processus d’assèchement. Cependant, les frais d’exploitation sont plus élevés et varient d’un producteur à l’autre ainsi que d’un équipement à l’autre. Cette technique repose sur deux phases, soit une de vaporisation d’eau superficielle et une autre de vaporisation d’eau liée aux organes internes. Comme il est plus facile d’extraire de l’eau superficielle, des techniques associées comme le refroidissement en silo auront un impact sur les frais de séchage. Si l’on prend l’exemple du maïs, il faudra 1,5 fois plus d’énergie pour extraire la même quantité d’eau en fin de processus. La gestion des températures et du temps d’exposition à cette chaleur demeure le plus grand défi de cette méthode, surtout en ce qui concerne la gestion des quantités à sécher et le maintien de la qualité du grain.

Séchoir à air chaud de type à colonne muni d’une protection pour limiter l’impact des vents dominants sur les coûts de séchage. Photo : Nicolas St-Pierre
Séchoir à air chaud de type à colonne muni d’une protection pour limiter l’impact des vents dominants sur les coûts de séchage. Photo : Nicolas St-Pierre

Gestion des coûts de séchage

La gestion des coûts de séchage passe par l’efficacité et l’efficience des techniques utilisées. Pour ce qui est de l’utilisation d’une source de chaleur comme principe de séchage, la gestion des coûts passera également par la récupération d’une partie de l’air rejeté lors du processus. Cette récupération, jumelée à d’autres pratiques, pourra engendrer des économies pouvant varier de 15 à 40 % des coûts de séchage selon les équipements utilisés. Pour une tonne de maïs séchée, ces économies peuvent représenter des sommes variant de 2 $ à 7 $ la tonne (basées sur un coût de séchage de 18 $/tonne).

Finalement, peu importe la technique utilisée, une analyse de la gestion de vos opérations constitue la première étape avant de vous lancer dans de gros investissements. N’oubliez pas que la meilleure technique de séchage est celle qui sera en mesure de répondre à vos besoins! Il existe une large gamme en ce qui concerne les équipements de séchage, donc sans planification, il est facile de s’y perdre et de regretter son investissement. 

Pour plus d’information, vous pouvez consulter la conférence donnée par Nicolas St-Pierre sur le sujet dans le cadre des webinaires en grandes cultures du MAPAQ à l’adresse : https://bit.ly/2YeFyjl

Nicolas St-Pierre / agr., enseignant au Collège d’Alma