Économie 10 février 2023

Les producteurs laitiers de la France militent pour un meilleur revenu

Les producteurs de lait français ont eu l’occasion, dans un contexte d’inflation et de flambée du coût des intrants, de tester l’efficacité d’une loi adoptée en octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

« C’était très compliqué, depuis quatre ou cinq ans, de faire passer des hausses [de coûts de production] avec la distribution. Le gouvernement a mis en place une loi, dont le principe est que les producteurs puissent mieux vivre de leur métier et répercuter leurs coûts de production », explique en entrevue Ludovic Blin, administrateur de la Fédération nationale des producteurs de lait en France et président de la section régionale du syndicat en Normandie.

Les producteurs de lait dans son pays, dit-il, militent pour l’amélioration de leur revenu, qui s’élève en moyenne à 22 000 euros par année (32 142 $ CA) par exploitant. « En 2022, ça devrait être meilleur. Avec des situations disparates, ça devrait augmenter en moyenne de 40 %, mais ça reste des revenus qui ne sont pas à la hauteur d’un chef d’entreprise, estime-t-il. On a nos voisins irlandais qui sont à des moyennes trois fois plus élevées par exploitant. »

Ludovic Blin raconte que la loi nommée EGAlim, adoptée en 2018, puis renforcée trois ans plus tard dans la seconde mouture, EGAlim 2, a aidé les agriculteurs français à obtenir un meilleur prix pour leur lait, dans la dernière année, de la part de leurs acheteurs. Toutefois, elle présente encore des failles, à son avis.

Abolition des quotas laitiers en 2015

Depuis l’abolition en Europe des quotas laitiers, en 2015, chaque producteur français est lié à une laiterie par contrat. Les deux parties conviennent d’une entente qui prend notamment en considération les coûts de production à la ferme. Ensuite, le transformateur négocie un prix avec le distributeur, en tentant de transmettre au reste de la filière ce que demande le producteur comme hausse. Or, il arrive que le distributeur ne concède pas l’augmentation demandée par le transformateur et que cela se répercute sur le prix que ce dernier verse finalement au producteur.

« [Avec la loi] le transformateur, quand il va négocier avec le distributeur, peut [maintenant] demander des hausses pour le producteur, que le distributeur ne peut plus refuser », résume l’éleveur de 200 vaches laitières en Normandie, précisant néanmoins que la mise en application de ce règlement en 2022, dans un contexte d’inflation pour toute la chaîne, a été compliquée. « La distribution n’a pas voulu accorder une hausse [qui compense aussi l’augmentation des coûts pour les transformateurs] sur l’énergie, les salaires, le plastique et le transport. Donc, les transformateurs n’ont pas retourné [aux producteurs] la totalité de ce qu’ils avaient passé comme hausse. »

Même si la loi, selon M. Blin, n’est pas encore optimale, elle permet une avancée : « Le problème, c’est que la distribution en France cherche à préserver le pouvoir d’achat des consommateurs, donc elle fait tout en sorte de ne pas passer de hausses. »    


Le prix du lait demeure bas

En moyenne, la valeur du lait cru en France a connu une augmentation de 23 % sur une période d’un an allant jusqu’en novembre 2022, selon des données de l’Observatoire des marchés du lait de la Commission européenne. Il s’agit d’une hausse nettement inférieure à celle observée pour l’ensemble de l’Europe sur la même période, qui s’élève à 44 %. « Le prix [moyen] du lait en France à l’heure où je vous parle doit se situer à peu près à 0,45 euro/litre [65 $ CA/hl]. C’est 0,10 euro de plus que l’an dernier, mais c’est encore très bas », estime l’éleveur Ludovic Blin.

Il observe en revanche que la production laitière, plutôt stagnante depuis 2015, augmente depuis quelques mois. « On commence à manquer de lait et on a des laiteries qui commencent à devenir un peu plus agressives sur le terrain et qui commencent à aller chercher des nouveaux producteurs. Ça, c’est une bonne chose », analyse l’éleveur, qui souhaite justement voir plus de concurrence entre les laiteries. Ce dernier continuera de suivre la situation de près.