Économie 3 avril 2018

Leitão desserre les cordons de la bourse

À six mois des élections, le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, a déposé un budget qui fait augmenter les dépenses de 4,7 % et tente d’atténuer l’impact des années de rigueur budgétaire du début de mandat du gouvernement.

Le secteur agroalimentaire n’est pas en reste avec 349 M$ sur cinq ans pour appuyer la nouvelle politique bioalimentaire qui sera dévoilée le 6 avril. Voici les faits saillants du budget du 27 mars et le pointage ci-dessous accordé par les intervenants invités à commenter les mesures annoncées dans les domaines les concernant.

Politique bioalimentaire

La moitié des 349 M$ annoncés pour la politique bioalimentaire viendra stimuler les investissements dans le secteur agricole (100 M$ sur cinq ans) et celui de la transformation alimentaire (75 M$ sur cinq ans). « C’est une excellente nouvelle! Ce sont des mesures structurantes qui répondent à une demande de l’UPA », a mentionné Charles-Félix Ross, directeur général de l’Union.

La quarantaine de millions restants seront répartis pour appuyer notamment Aliments du Québec ainsi que l’innovation, la formation et les régions. 

Le directeur général cite néanmoins des « oublis », tels que le soutien au secteur végétal et l’appui spécifique aux petites fermes et aux MRC prioritaires.

Note de l’UPA : 8/10


Drainage, chaulage et environnement

Québec allouera 4 M$ par année pour financer le drainage et le chaulage des terres en région et 11,5 M$ sur cinq ans pour encourager les pratiques responsables concernant la santé des sols. « On reste encore sur notre appétit. Les producteurs étaient prêts à relever le défi de l’agroenvironnement [utilisation plus serrée des fertilisants et des pesticides]. On n’a pas eu des réponses très encourageantes du gouvernement. Ses
2,5 M$ par année, ce n’est pas grand-chose comparativement aux impacts négatifs de 20 M$ qu’entraînera la nouvelle réglementation sur les pesticides », souligne Christian Overbeek, président des Producteurs de grains du Québec (PGQ). Il n’a également pas apprécié que le gouvernement « détourne » le solde résiduel de 38 M$ du programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles du maïs et du soya pour financer la politique bioalimentaire. Les PGQ auraient aimé que cette somme leur soit redistribuée dans ce budget.

Note des Producteurs de grains : 6/10


Agriculture biologique 

Sur cinq ans, 11,5 M$ pour soutenir la croissance accélérée de la production biologique au Québec. « Les programmes ont été très favorables dans les dernières années pour augmenter la production en bio. C’est plein de bon sens de les poursuivre, car il faut aider les producteurs qui commencent si on veut répondre davantage à la demande des consommateurs », affirme Gérard Bouchard, membre de la Table de développement de la production biologique. 

Note des producteurs biologiques : 7/10


Taxes foncières

Le budget ajoute 20 M$ à court terme pour couvrir la hausse des remboursements de taxes foncières agricoles de 2017 et de 2018. L’Union des producteurs agricoles (UPA) qualifie de « plaster » cette solution temporaire, mais espère qu’une solution à long terme sera trouvée dès que possible. Le directeur général Charles-Félix Ross considère que les bénéfices que les producteurs pourraient tirer de la politique bioalimentaire risquent d’être annulés par la hausse du fardeau fiscal foncier dans les années à venir. Le ministre Laurent Lessard défend sa position sur cet ajout de 20 M$, dont les chèques sont « déjà partis ». « Les producteurs ont reçu 20 M$ dans leurs poches. On peut respirer, on a du temps pour travailler. La solution définitive n’a pas encore été identifiée; les simulations qui ont été faites ne résistaient pas à l’analyse à long terme », souligne-t-il.

Note de l’UPA à ce stade : 3/10

En 2016, les producteurs ont maintes fois revendiqué une réforme au Programme de crédit de taxes foncières agricoles. Crédit photo: Archives TCN
En 2016, les producteurs ont maintes fois revendiqué une réforme au Programme de crédit de taxes foncières agricoles. Crédit photo: Archives TCN

Aliments du Québec

Le dernier budget prévoit injecter 10,8 M$ sur cinq ans pour identifier et promouvoir les aliments de chez nous. Ces quelque 2 M$ par année constituent une bonification par rapport aux 1,7 M$ annoncés en juillet. « Ça correspond à nos demandes, souligne la directrice générale d’Aliments du Québec, Marie Beaudry. C’est beaucoup plus que ce que nous avons jamais eu. Nous sommes bien heureux. » Mme Beaudry salue également le fait que les sommes soient réparties sur cinq ans plutôt que sous la forme d’une enveloppe annuelle. 

Note d’Aliments du Québec : 8,5/10

Le gouvernement compte investir plus de 2 M$/an dans l’identification et la promotion des aliments du Québec. Crédit photo: Archives TCN
Le gouvernement compte investir plus de 2 M$/an dans l’identification et la promotion des aliments du Québec. Crédit photo: Archives TCN

Alimentation locale 

Un montant de 54 M$ sur cinq ans pour favoriser une offre alimentaire québécoise plus saine et locale. « Ces mesures ne cadrent pas vraiment avec nous; c’est plus pour la grande distribution. Un montant de 15 M$ sera d’ailleurs destiné au développement des marchés hors Québec… Voulez-vous m’expliquer comment ça va nous aider à favoriser une offre locale? C’est incohérent! » lance Caroline Poirier, de la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique. 

Note des producteurs de proximité : 5/10


Relève 

Le Secrétariat à la jeunesse du Québec bénéficiera d’une enveloppe de 2,9 M$ sur cinq ans pour financer des organismes dont les clientèles sont aux prises avec d’importants défis de transfert d’expertises et d’entreprises, comme la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ). Les deux campus de l’Institut de technologie agroalimentaire recevront 80 M$ sur cinq ans pour moderniser leurs infrastructures et leur équipement, et 9,5 M$ supplémentaires pour bonifier leur offre de formation. La FRAQ souligne que ce sont deux bonnes nouvelles pour favoriser l’accès au métier et le développement de l’agriculture québécoise.

Note de la FRAQ : 8/10


Serres

Pour les producteurs en serre, Québec bonifie en 2018 le programme de rabais d’électricité de trois façons : le seuil d’investissements minimum des projets est abaissé à 125 000 $, la période d’application du rabais d’électricité se voit prolonger de quatre années supplémentaires (jusqu’au 31 décembre 2028), et pour les projets d’investissements de 5 M$ et plus, le rabais est applicable durant les six années suivant la réalisation des travaux. Les Producteurs en serre du Québec (PSQ) sont satisfaits de ces mesures, mais soulignent cependant l’absence de mesures d’atténuation de la hausse du salaire minimum et de dispositions concrètes pour les entreprises en démarrage et les PME.

Note des Producteurs en serre : 6/10


Tordeuse

Pour pallier l’épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette, 10 M$ de plus iront à la Société de protection des forêts contre les insectes et maladies (SOPFIM) pour l’arrosage avec des insecticides biologiques en forêt privée. Toujours pour les boisés privés, un autre montant de 41,1 M$ sur trois ans est alloué au reboisement et s’ajoute aux sommes prévues pour la mise en valeur forestière. La Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ) « se réjouit » que ce budget soit « cohérent » avec ceux des deux dernières années.

Note des Producteurs forestiers : 8/10

Crédit photo: Archives TCN
Crédit photo: Archives TCN

195 M$ pour les investissements agricoles

Au cours des six années budgétaires 2017-2018 à 2022-2023, Québec prévoit engager 195 M$ pour stimuler la construction et la rénovation de bâtiments agricoles (bien-être animal et efficacité énergétique). Le gouvernement double ainsi l’enveloppe initiale de 95 M$ du Plan de soutien aux investissements en agriculture. L’UPA salue l’effet structurant de cette mesure. « On a été entendus. C’est un autre pas dans la bonne direction. Reste maintenant à voir les modalités de versement », réagit le président des Éleveurs des porcs du Québec, David Duval. En novembre dernier, son organisation estimait les besoins du secteur à 140 M$. Cette dernière a d’ailleurs fait d’importantes représentations pour une bonification du Plan. « C’était une demande criante », ajoute M. Duval. 

Note de l’UPA : 8/10  et des Éleveurs de porcs  : 8/10

Autres annonces en vrac

Salaire minimum. Une seule mesure de compensation pour les petites et moyennes entreprises : baisse de 0,25 % de la cotisation au Fonds des services de santé pour les entreprises avec une masse salariale de moins de 1 M$.

Main-d’œuvre. Une stratégie nationale sur la main-d’œuvre 2018-2023 sera présentée bientôt et le budget prévoit 810 M$ additionnels pour un ensemble de mesures. Le Conseil de la transformation alimentaire du Québec salue cette décision sur un dossier « prioritaire pour l’industrie ».

Énergie. Le budget prévoit plusieurs mesures qui concernent l’énergie comme le prolongement du réseau de gaz naturel en région (36,5 M$ sur trois ans), la valorisation énergétique de la biomasse forestière ou les biocarburants. Pour ces derniers éléments, le montant précis reste à déterminer. 

Avec la collaboration de Myriam Laplante El Haïli, Martin Ménard et Julie Mercier.