Économie 17 avril 2019

L’Amérique latine : un marché à la portée des producteurs québécois

Que ce soit sous forme de frite congelée ou de croustille, la pomme de terre transformée gagne en popularité en Amérique latine où les producteurs cultivent toujours plus de variétés européennes pour répondre aux critères de l’industrie. Un expert estime que les variétés québécoises pourraient se tailler une part de marché… à condition que certains obstacles soient aplanis.

En février, le consultant en pomme de terre Carlos Martin se trouvait au port de Bécancour pour accueillir une délégation cubaine. L’objectif de la rencontre : conclure un contrat de 2 500 TM de semences, le plus important jamais obtenu pour un producteur d’ici dans cette région. Le Québécois d’origine chilienne espère que cette entente sera la première étape vers la conquête de ce marché. « Le Québec a un potentiel immense à l’extérieur du marché américain, en particulier en Amérique latine et dans les Caraïbes. Si on déployait les efforts nécessaires, on pourrait prendre la position dominante qu’occupaient le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard il y a cinq ou six ans. »

Nouvelles habitudes de consommation

Dans cette région comme partout dans le monde, l’industrie de la transformation est en croissance en raison des nouvelles habitudes des consommateurs. À l’échelle globale, le marché de la frite congelée représentait des ventes de 51 G$ US en 2016 et devrait atteindre 67 G$ US en 2023.

Pour répondre à cette nouvelle réalité, plusieurs pays importent de grands volumes de semences de variétés mieux adaptées aux besoins des transformateurs. La région de l’Amérique latine et des Caraïbes importe presque 55 000 tonnes métriques chaque année, dont 17 000 seulement pour Cuba. 

Ruines inca, au Pérou. Crédit photo : David Riendeau
Ruines inca, au Pérou. Crédit photo : David Riendeau

Les exportations de semences canadiennes pour cette région, alors dominées par le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard, se chiffraient à 36 000 tonnes métriques en 2012. Cinq ans plus tard, elles chutaient à 3 000 tonnes métriques, essentiellement pour des facteurs liés à la qualité.

Dans ce contexte, une fenêtre s’ouvre pour les producteurs québécois, croit Carlos Martin, également phytopathologiste et chercheur, qui partageait sa réflexion dans le cadre d’un colloque sur la pomme de terre organisé par le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec en novembre dernier. « Le Québec tient plusieurs atouts dans sa manche, en commençant par de très bonnes variétés comme l’Envol et la Péribonka, qui sont résistantes aux maladies et parfaites pour la transformation. Du point de vue de la qualité, les variétés d’ici sont capables de concurrencer les variétés européennes. » Le Québec se démarque aussi par ses institutions de recherche, le centre Les Buissons notamment, et par proximité géographique avec l’Amérique latine.

Carlos Martin estime que les variétés québécoises pourraient se tailler une part de marché en Amérique latine, à condition que certains obstacles soient aplanis.  Crédit photo : Gracieuseté du CRAAQ
Carlos Martin estime que les variétés québécoises pourraient se tailler une part de marché en Amérique latine, à condition que certains obstacles soient aplanis. Crédit photo : Gracieuseté du CRAAQ

Défis

Quelques obstacles se dressent encore avant de pouvoir conquérir les marchés du Sud. Si le gouvernement consacre des ressources au développement de bonnes variétés, celles-ci demeurent méconnues à l’extérieur de l’Amérique du Nord. De leur côté, les producteurs européens dominent le marché mondial et disposent de grands budgets promotionnels. « Là-bas, la seule chose que les gens savent à propos du Québec, c’est qu’on y parle français! Alors, il faut prendre le temps de présenter les mérites des variétés locales », explique Carlos Martin, qui a multiplié les missions commerciales en ce sens avec le Consortium de recherche sur la pomme de terre du Québec et le Centre de recherche Les Buissons.

L’autre défi est de nature administrative. Chaque variété doit être enregistrée dans tout nouveau pays où l’on souhaite exporter au terme d’un processus de deux à quatre ans en collaboration avec un partenaire local. « Dans le cas de Cuba, l’enregistrement est gratuit, mais dans un pays comme le Brésil, le processus coûte 5 000 $ par variété. Cela représente un investissement important. »

Carlos Martin estime par ailleurs que la création d’un conseil d’exportation québécois faciliterait grandement le développement des affaires dans les marchés émergents. « Les producteurs n’ont pas encore le réflexe d’unir leurs efforts pour percer d’autres marchés que les États-Unis. Bien sûr, ils y brassent de bonnes affaires, mais il ne faut pas oublier que la demande globale pour les produits transformés augmente toujours et que s’ils ne saisissent pas cette occasion, d’autres le feront à leur place. » 

David Riendeau, journaliste