Économie 9 janvier 2019

Comment faire du lait en grand!

SAINT-HYACINTHE — Quelle est la recette des entreprises laitières efficaces? Un savant mélange de productivité et de contrôle des charges, ont révélé des conseillers aguerris en gestion, lors du Rendez-vous d’expertise sur les fermes de 100 vaches et plus qui s’est tenu du 11 au 13 décembre derniers. L’événement présentait les résultats de l’analyse des performances de ces élevages pour 2017.

« Ce que je remarque des entreprises qui performent et qui peuvent grossir, c’est qu’elles ne regardent pas juste l’efficacité d’un point de vue des dépenses et des coûts de production, mais aussi sous un angle de productivité. C’est la combinaison des deux qui permet de générer des liquidités intéressantes », explique Martin Hébert, conseiller en gestion au Groupe ProConseil et l’un des collaborateurs de l’analyse de groupe.

Pour l’agronome, l’une des mesures les plus significatives de la performance demeure la marge par vache. Pour sa part, il utilise la marge sur charges variables, c’est-à-dire l’ensemble des dépenses avant les frais fixes. À ce chapitre, il remarque des différences importantes entre le groupe témoin de 495 entreprises possédant moins de 100 vaches (3 400 $/vache), les fermes de 100 vaches et plus (4 000 $/vache) et celles de 250 vaches et plus (plus de 4 200 $/vache).

Les fermes performantes se distinguent aussi par leur productivité, c’est-à-dire les volumes de lait produit, jumelés au prix reçu. Ce dernier varie en fonction des composantes du lait et de sa qualité. « Faire plus de lait, ça peut coûter un peu plus cher, mais cette production laitière supérieure permet d’aller chercher 600 à 700 $ de plus par vache », souligne M. Hébert. Cet avantage de plusieurs centaines de dollars par tête, multiplié par un nombre plus imposant d’animaux, crée un effet multiplicateur pour les fermes de grande taille. « C’est l’effet boule de neige. Quand tu performes et que tu prends les liquidités générées pour les réinvestir dans ton entreprise, ça permet de mieux te positionner », résume l’agroéconomiste.

En contrepartie, les exploitations de grande taille affichent un léger désavantage au niveau des frais fixes, particulièrement dans la rémunération du travail (besoin de plus de main-d’œuvre) et la dépréciation. « Par contre, au net, ces entreprises possèdent un certain avantage », nuance le conseiller. Les élevages de 250 vaches et plus dominent ainsi avec un coût de production de 66,50 $ par hectolitre (hl) comparativement à moins de 69 $/hl pour les fermes de 100 vaches et plus, de même que de quelque 70 $/hl pour le groupe témoin de moins de 100 têtes.

Les écarts se maintiennent sur cinq ans

En mesurant l’évolution entre 2013 et 2017 du groupe moyen et du groupe de tête des fermes de 100 vaches et plus, les analystes ont remarqué que les grands troupeaux se font de plus en plus gros avec une hausse du cheptel, combinée à une augmentation de la production par vache. 

Entre 2013 et 2017, le nombre de vaches s’est ainsi accru de 15 à 18 %, ce qui n’est pas négligeable, selon Martin Hébert. Dans l’intervalle, le bénéfice a évolué de façon équivalente entre la moyenne et la tête du peloton, mais cette dernière affiche toujours de 4 à 6 % de plus. L’avantage de la crème des entreprises au niveau des charges variables s’est aussi maintenu sur cinq ans. « L’un des points les plus importants, c’est l’alimentation, et on a toujours 100 $/vache de différence entre les deux groupes », a précisé le conseiller. 

D’autre part, les fermes de tête investissent davantage. Entre 2016 et 2017, elles ont même doublé leurs investissements. En cinq ans, les liquidités mesurées par le fonds de roulement se sont améliorées, « mais on est au minimum », a mis en garde M. Hébert.

L’expert a profité de la rencontre pour déboulonner un vieux mythe laitier voulant qu’il soit difficile d’augmenter sa production laitière en maintenant les composantes. « Il est possible de faire 10 000 litres [de lait par vache] avec un taux de gras de 4,3 % », a-t-il assuré.